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EAN : 9782864326724
137 pages
Verdier (01/03/2012)
4.36/5   11 notes
Résumé :
Quel est le problème ? On le dira ici simplement, tant est criante son actualité. Il s’agit de trouver les lieux où peut se dire le politique.
Non pas la parole instituée et instituante de la grande émotion révolutionnaire, mais celle, vibrante, efficace pour chacun, qui cheminera librement dans nos vies. Car elle s’énonce partout, sauf là où elle s’annonce comme politique.
Face aux textes, devant l’image, il faut pour la saisir s’adonner à quelques ex... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
On ne présente plus Patrick Boucheron, historien et professeur au collège de France depuis 2015 (chaire d'histoire des pouvoirs en Europe Occidentale XIIIème s. XVIème s.). Il a notamment enseigné et étudié l'histoire du Moyen Age à l'école normale supérieur de Fontenay Saint-Cloud et à l'université de Paris I Panthéon-Sorbonne. Son domaine de recherche est l'Italie médiévale (ses villes, ses princes, ses artistes) mais aussi l'écriture de l'histoire aujourd'hui. C'est cette dernière question qui est abordée dans « l'entretemps, conversations sur l'histoire ». Sa réflexion est la suivante : Qu'est ce que comprendre le monde ? Il s'appuie sur le tableau de Giorgone « les trois philosophes (peint à Venise entre 1504 et 1506) pour dresser une allégorie sur le temps et l'histoire. Une lecture vivifiante, riche et éclairante comme à chaque fois avec l'historien. « L'histoire ne vaut que si elle consent à dire quelque chose de nos vies » soutient-il. Son texte nourrit le débat. L'écriture, le style est ciselé et en même temps on ressent les sentiments qui font de l'historien un homme de conviction qui n'hésite pas à trancher, à prendre position quitte à déplaire. Sa récente publication de « L'histoire mondiale de la France » s'inscrit dans sa volonté d'engagement.
Pour Plutarque en 1373, on devait rêver d'une Europe entièrement gréco latine et résolumment chrétienne. Il écrivait ainsi « Qu'est ce donc que l'histoire sinon l'éloge de Rome » (sous entendu celle du pape). Aujourd'hui, on s'accorde sur la profuse diiversité des passés du monde avec une historiographie du décloisonnement des regards, thème cher à Patrick Boucheron (cf. par exemple, les fameuses expéditions maritimes de l'amiral chinois Zeng He de 1405 à 1433). L'histoire du monde (telle qu'ordinairement on la raconte) ne dit pas tout du monde et laisse bien des singularités hors d'atteinte et tant de villes, tant de livres, tant de langues qu'elle délaisse écrit Boucheron. Il s'oppose à la légende des siècles qui enracine l'arbre généalogique d'une identité ethnique dans un territoire. Vaste sujet qui fait énormément débat. Or l'histoire « (…) n'est rien d'autre que la chronique toujours incomplète d'un point de vue singulier ». Il cite longuement Michel Foucault : creuser, s'acharner, trancher, (disait-il)ne pas se laisser emporter par l'ordre des temps en ses saccades successives, le flux d'une vérité qui se dit toute, mais ralentir la cadence, laisser bailler l'entretemps ». Pour Michel Foucault, la tâche de l'historien consiste à dissiper les continuités en saccageant le petit jardin des racines et des identités, y empêcher tout retour. Je cite cette phrase clef de Foucault :
« Il faut mettre en morceaux ce qui permettait le jeu consolant des reconnaissances. Savoir même dans l'ordre historique, ne signifie pas « retrouver » et surtout pas « nous retrouver ». L'histoire sera « effective » dans la mesure où elle introduira le discontinu dans notre être même. »
« l'»histoire divisera nos sentiments, dramatisera nos instincts, elle multipliera notre corpset l'opposera à lui-même. Elle ne laissera rien au dessous de soi qui aurait la stabilité rassurante de la vie ou de la nature; elle ne se laissera porter par aucun entêtement muet, vers une fin millénaire. Elle renversera ce sur qui on aime la faire reposer, et s'acharnera contre sa prétendue continuité. C'est que le savoir n'est pas fait pour comprendre, il est fait pour trancher ».
Pour Gilles Deleuze, dans son « Abécédaire », à la lettre H pour Histoire de la philosophie : la tâche de l'historien est de traquer le problème derrière le concept. Patrick Boucheron écrit que la tâche de l'historien ne consiste pas à se faire le pourvoyeur d'idées générales pour la société du spectacle mais s'adonner à l'ordinaire de son métier d'historien. C'est un exercice de patience et d'humilité. Et Boucheron de citer Nietzsche : « se tenir à l'écart, prendre son temps, devenir silencieux, devenir lent » et contrer la hâte moderne de l'âge du travail « qui veut tout de suite « en avoir fini » avec tout ». Pour conclure, Patrick Boucheron exprime cette idée que « L'histoire n'est rien d'autre que cela : un moyen de dévisager cette hantise, avec la froide exactitude qu'exige l'urgence des temps cassants« . Un ouvrage dense par la richesse de son analyse. Que l'on soit d'accord ou pas avec les théories de Patrick Boucheron, on ne peut que souligner son talent d'écriture et la finesse de sa réflexion sur le temps et l'histoire dont je ne vous ais exprimer ici que quelques éléments épars qui m'ont marqués au cours de ma lecture. A lire pour qui aime le débat d'idées.
Lien : https://thedude524.com/2018/..
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Patrick Boucheron, éminent historien du Moyen-Âge, nous propose une intellectuelle et savante digression à partir d'un tableau de Giorgione représentant trois hommes dans un paysage, et qui fut, au cours des siècles, l'enjeu d'une âpre bataille entre historiens : Qui étaient donc ces trois hommes ? Que représentait le tableau ? Rois mages, philosophes, astronomes ? Aristote ? Averroès ? Pythagore ?

Partant de cette épineuse question, l'auteur, fidèle à sa conception de l'Histoire, se moque gentiment la tendance européo-centriste, et rappelle l'importance du reste du monde : philosophie arabe, textes malais et j'en passe.

Patrick Boucheron nous met aussi en garde contre les déductions automatiques face à une scène que l'on croit connaître, et que dès lors on n'analyse plus mais décrit en soulignant les élément qui viennent confirmer notre idée première.

Exubérant d'érudition, L'entretemps nous fait ensuite le récit d'une rencontre de Saint-François par Thomas de Split, ce qui l'amène à Bologne, à Padoue, à l'Italie...Les philosophes ne sont pas en reste puisque les noms de Foucault, Deleuze et Descola sont évoqués ; Ibn Khaldun et Machiavel, peintres d'un monde dont ils sont les vaincus, sont également évoqués.

Si cet ouvrage ne plaira certainement pas à tout le monde, il ravira sûrement les adeptes d'anecdotes historiques savantes et d'errements intellectuels.
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Le décryptage d'un tableau peut être un défi ouvert à toutes les surenchères de l'interprétation. Ainsi Les trois philosophes de Giorgone : incarnation des trois philosophies, celle du vieil Aristote à la barbe fleurie, celle d'Averroès enturbané, élégamment vêtu à l'orientale oriental, et celle de la Nature avec son jeune homme studieux et attentif ? Pour peu que l'auteur soit mystérieux, que l'allégorie du sujet soit ambigüe, voici que se précipitent avec gourmandise les savants commentateurs et leur glose érudite .

Patrick Boucheron, après tant d'autres, à y consacre un livre, prétexte à parcourir à grand coup d'ailes ce Quatrocento qu'il connait comme l'oiseau son ciel. "La peinture résiste de prime abord au déchiffrement parce qu'elle ne figure rien d'autre que l'énigme de la connaissance" (ibidem p.10). Avec la chance de rencontrer au passage de sa réflexion : Thucydide, Pétrarque, Machiavel, Saint François d'Assises, Deleuze, Mandelstam... C'est dire que diviser L Histoire en tranche de siècles de 100 ans n'est pas dans sa manière !
Patrick Boucheron évoque à l'occasion un autre tableau mystère : La flagellation du Christ, et renvoie à Yves Bonnefoy qui invite à rendre les armes devant cette quête impossible du sens caché pour retrouver " La virtualité musicale du tableau".
Lien : http://diacritiques.blogspot..
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critiques presse (1)
Liberation
12 avril 2012
Son temps est toujours celui d’un entre-deux.[…] D’où le titre de ce nouvel essai du médiéviste Patrick Boucheron que l’on pourrait comparer à un divertimento - genre musical brillant dont la légèreté n’est qu’apparente.
Lire la critique sur le site : Liberation
Citations et extraits (3) Ajouter une citation
"Un jeune garçon, un homme mûr, un vieillard: trois âges, c'est entendu. Mais pour le reste, qui sont-ils et que font-ils? On croit les reconnaître, on est sur le point de deviner: cet air, l'ébauche d'un geste, l'objet qu'ils brandissent, la couleur de ce vêtement, ne serait-ce pas... ? Et puis non, ce n'est pas lui, pas ça, enfin pas exactement. Eux-mêmes semblent égarés, perplexes et isolés - ils ne se parlent pas, ne se touchent pas, se regardent à peine. Ils ont grimpé des rochers en forme de gradins et sont sous les feuillages, face à l'antre. Ils espèrent, ils mesurent, ils méditent - mais quoi ? On n'y comprend rien. Le temps presse pourtant: nous qui les regardons sommes face à l'Occident. Le soleil couchant y jette entre deux collines ses dernières clartés. Sa lumière infuse fait encore crier les couleurs. Mais bientôt, l'obscurité va tout envahir et faire sombrer le monde, l'arbre au centre du tableau est déjà mort, squelette calciné, comme ceux que dessinent les enfants dans les pays en guerre.

( p. 9)

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Car est-il si pertinent de chercher, comme le fait Jack Goody, une bigarrure de Renaissances ailleurs qu'en Europe, dès lors que le nom même de Renaissance ne désigne rien d'autre que la prétention qu'eurent les Européens à se réserver l'usage exclusif du progrès en histoire?
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Ne pas se laisser emporter par l'ordre du temps en ses saccades successives, le flux d'une vérité qui se dit toute - mais ralentir la cadence, laisser bâiller l'entre temps. Ibi statur. Flâner un peu, vaquer, regarder ailleurs, être l'Arabe de l'entre-deux.
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Vidéo de Patrick Boucheron
La Bibliothèque universitaire de Paris 8 vous a proposé en avant-première la projection de l’épisode "L’Autochrome - La vie en couleur " issue de la série Faire l’Histoire d’Arte, suivie par une Rencontre-Débat avec Patrick Boucheron et Adrien Genoudet.
Retrouvez cette ressource et sa documentation sur Octaviana (la bibliothèque numérique de l'université Paris 8) : https://octaviana.fr/document/VUN0035_13 .
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