(... à la crêperie bretonne... une vieille bigoudaine fait le service...)
- J'vous ai mis deux tartines et j'en ai encore dans mes poches pour si vous voulez d'en avoir d'autr'.... J'm'en r'tourne sur ma chaise là-bas, si vous avez besoin de que'qu'chose... j'bouge pas...
(deux hommes à une table)
- Et tes romans ça se passe bien ?
- Pas mal oui. Le premier "La marguerite éventrée" a eu un bon succès critique. Mais pour le second, je crois que je vais changer d'éditeur. Grasset et Gallimard m'ont déjà fait des avances... Enfin bon... J'ai eu aussi des propositions du cinéma...
- Le cinéma !
- Ben oui, la Gaumont me presse de devenir scénariste attaché à la production... Mais y'a toutes ces contingences commerciales... alors j'me demande.... Moi tu comprends, je suis plutôt pour l'aventure intérieure... j'ai écrit un scénario par exemple, c'est un type dans une cabine téléphonique... à la recherche de son moi... c'est pour symboliser l'individu qui étouffe, pris à la gorge par une société hyper sophistiquée, sans humanité... Pendant une bonne partie du film le type fait tout les numéros du bottin à la recherche de lui-même...
(dans le fond, un vieux type bourré :
- On est ici c'est pas... avec... nous faire CHIER LUI.... L'INDIVIDU on s'en fout... je l'connais pas moi... qui vient nous emmerder ici... l'individu... j'ui dit merde...)
- Là tu vois, je renoue avec le thème de la quête mythique... la longue et passionnante errance de l'homme à la recherche de son identité...
Maintenant, il faut envisager l’avenir.. notre avenir, Flora.
La vie n'est pas une partie de rigolade; il va falloir se battre pour défendre notre amour : J'ai pensé que nous pourrions installer une baraque a frites pour les touristes..
L'art c'est la lampe de poche de l'âme.
Yannick Haenel et son invitée, Linda Tuloup, lecture par Emmanuel Noblet.
Depuis plus de deux décennies, Yannick Haenel éclaire le paysage littéraire français de ses romans singuliers, où se concentrent les désirs multiples et où nous côtoyons, souvent avec jubilation, l'univers de personnages en quête d'absolu.
Au cours de ce grand entretien, un format qui lui sied particulièrement, l'écrivain reviendra sur ses passions. La peinture d'abord (il a écrit sur le Caravage un essai inoubliable), mais aussi le théâtre (son Jan Karski a été adapté sur scène par Arthur Nauzyciel), la photographie (Linda Tuloup sera à ses côtés), l'histoire… On parlera aussi de littérature, de celle qui l'aide à vivre depuis toujours, d'écriture et de ce qu'en disait Marguerite Duras dont l'oeuvre l'intéresse de plus en plus, et de cinéma, vaste territoire fictionnel dont il s'est emparé dans Tiens ferme ta couronne, où son narrateur se met en tête d'adapter pour l'écran la vie de Hermann Melville, croisant tout à la fois Isabelle Huppert et Michaël Cimino…
Écrivain engagé, il a couvert pour Charlie Hebdo le procès des attentats de janvier 2015, en a fait un album avec les dessins de François Boucq, et continue de tenir des chroniques dans l'hebdomadaire. Son dernier roman, le Trésorier-payeur, nous entraîne à Béthune dans une succursale de la Banque de France, sur les traces d'un certain Georges Bataille, philosophe de formation et désormais banquier de son état, à la fois sage et complètement fou, qui revisite la notion de dépense et veut effacer la dette des plus démunis. Mais comment être anarchiste et travailler dans une banque ? Seuls l'amour et ses pulsions, le débordement et le transport des sens peuvent encore échapper à l'économie capitaliste et productiviste…
Une heure et demie en compagnie d'un écrivain passionnant, érudit et curieux de tout, pour voyager dans son oeuvre et découvrir les mondes invisibles qui la façonnent.
À lire (bibliographie sélective)
— « le Trésorier-payeur », Gallimard, 2022.
— Yannick Haenel, avec des illustrations de François Boucq, « Janvier 2015. le Procès », Les Échappés, 2021.
— « Tiens ferme ta couronne, Gallimard, 2017 (prix Médicis 2017).
— « Les Renards pâles, Gallimard, 2013.
— « Jan Karski, Gallimard, 2009 (prix du roman Fnac 2009 et prix Interallié 2009)
— « Cercle, Gallimard, 2007 (prix Décembre 2007 et prix Roger-Nimier 2008).
— Linda Tuloup, avec un texte de Yannick Haenel, « Vénus. Où nous mènent les étreintes », Bergger, 2019.
Un grand entretien animé par Olivia Gesbert, avec des lectures par Emmanuel Noblet, et enregistré en public le 28 mai 2023 au conservatoire Pierre Barbizet, à Marseille, lors de la 7e édition du festival Oh les beaux jours !
Podcasts & replay sur http://ohlesbeauxjours.fr
#OhLesBeauxJours #OLBJ2023
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