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EAN : 9782221042809
346 pages
Robert Laffont (04/02/1986)
3.72/5   44 notes
Résumé :
13 avril 1946 : la fin des maisons closes. Pierre Mac Orlan déclarait : « C'est la base d'une civilisation millénaire qui s'écroule. »
A travers cet ouvrage, Alphonse Boudard, précisément, se penche sur cette civilisation, non seulement en historien des mœurs éprouvé, mais aussi en écrivain, avec la truculence, la gouaille et la verve qu'on lui connaît. Derrière l'inamovible attelage du maquereau, de la pute et du flic, pierre angulaire du système, il nous en... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (7) Voir plus Ajouter une critique
La fermeture /Alphonse Boudard
le 13 avril 1946 était annoncée à l'Assemblée Nationale la fermeture prochaine échelonnée des maisons dites de tolérance appelées encore maisons closes, et ce sur l'ensemble du territoire français.
La proposition de Marthe Richard qui n'était même pas députée mais simple conseillère municipale à la mairie de Paris fut retenue, son passé d'espionne (ou pas ) fringante, de pseudo agent double et d'héroïne mythomane au cours de la Première Guerre Mondiale lui assurant un prestige peut-être usurpé mais en tout cas hautement respecté. Pourfendeuse de vice, de souteneurs et de taulières, elle assura ainsi par une opération de haute vertu la perpétuation de son nom à tout jamais, telle une ombre tutélaire, dans « la loi Marthe Richard. » Pour la petite histoire, il est à noter que ce jour là, les bancs de l'Assemblée étaient quasiment déserts, ce qui fait dire à l'auteur que les lois n'intéressent pas vraiment les représentants du peuple qui ne pensent qu'à être réélus. Rien n'a changé semble – t-il de nos jours!
C'est alors que Pierre Marc Orlan s'écriait : « C'est la base d'une civilisation millénaire qui s'écroule ! »
Emboîtant le pas, Alphonse Boudard décida plus tard de faire oeuvre d'historien des moeurs et de retracer le rôle de la prostitution à travers les âges. Son talent d'écrivain nous offre ici un tableau passionnant et drôle de cette civilisation du sexe, avec sa truculence, sa gouaille et sa verve admirablement alimentés par un vocabulaire d'une rare richesse. Et puis suit une étude documentée de la personnalité de Marthe Richard.
À chacun son rôle dans ces tranches de vie allant de l'âge de pierre à la fin de la IIIe République, le maquereau, la pute et le flic et même le flic souteneur.
Avant la loi Marthe Richard, Les bourdeaux ou encore « bordeaux » jouaient un rôle de première importance dans la société bourgeoise.
« Temple de la sexualité à une époque où le mariage était sacré, ça permettait aux messieurs d'aller se déborder l'inconscient et de réaliser leurs fantasmes, aux jeunes gens de s'éduquer, aux militaires de se changer de l'atmosphère fétide de la chambrée. Les bordeaux participaient d'un ordre social très solide… » Même s'il arrivait quotidiennement dans certains claques que les filles assumassent soixante dix passes !!
D'après les spécialistes, la retape est un phénomène urbain : dans l'histoire on commence à en parler avec l'apparition des villes et de leurs trottoirs. Un des fondateurs connus fut sans conteste Solon d'Athènes au Ve siècle avant Jésus Christ : en ouvrant les « temples d'amour » appelé à l'époque « dictérions », et en codifiant la prostitution, il inaugurait nos lupanars et passait lui aussi à la postérité. Il y avait plusieurs classes et Boudard nous décrit cela de façon imagée : « Dans les boxons de classe moyenne, les nanas se fardent, se toilettent…Il s'agit d'aguicher le micheton pour qu'il trique sous son péplum et envoie ses drachmes… » Ainsi défilèrent dans ces dictérions des célébrités telles que Périclès, Alcibiade, Praxitèle. le dieu Pan était de toutes les orgies et étaient vénéré dans tous les dictérions, tandis que les hétaïres faisaient ouvertement partie de l'ordre social.
Chez les Romains, le lupanar n'était plus un lieu sacré mais Priape restait un dieu. Les filles étaient pour la plupart des esclaves comme chez le Grecs, esclaves privilégiées si l'on peut dire.
Comme dit Boudard, « Arrive le christianisme et bien sûr il va foutre la m… et faire de l'amour un péché, convertir les empereurs et rendre la prostitution clandestine ! »
Je passe sur le rôle du christianisme et au cours des âges sur le réalisme et l'opportunisme des curés qui peu à peu ferment les yeux et absolvent les filles publiques. Passons aussi sur les harems des rois mérovingiens et des évêques ! L'église primitive et sa rigueur sont bien loin…
Puis il y eut la Cour des Miracles à Paris, un ghetto où se côtoyaient les ribaudes ; les vagabonds, les brigands et les proxénètes qu'on appelait alors les « maquignons », qui a donné le surnom de « maques » puis « maquereaux » et autres noms de poissons tels que barbeaux, ou harengs aux truands souteneurs. Pendant le même temps le vocabulaire se rapportant aux filles qui font péché de leur corps fleurissait également : bagasses, folieuses, friquenelles, gourgandines, grues, maraudes …etc.
François Villon nous a décrit ce monde dans de très beaux poèmes que l'on étudie pas à l'école… hélas ? !
Peu à peu la paillardise s'engouffre jusque dans la crypte des églises ce qui conduit certains à appeler les lieux de passes « les abbayes » dont la taulière est l'abbesse !
Henri IV fut un grand adorateur du beau sexe et il redonna le droit aux filles de joie d'exercer leur métier alors que la Réforme sévissait pour aller en sens inverse. Pendant ce temps les papes en Italie s'en donnait à coeur joie tant Sixte IV qu'Alexandre Borgia laissant s'installer dans leur palais les catins et les maquerelles.
Au Grand Siècle, les cagnards sont officiellement interdits, mais dans les faits tolérés. Au siècle des Lumières, on tolère toute débauche pourvu qu'elle ne trouble pas l'ordre public et l'existence des honnêtes gens. À la Révolution, les Temples de Vénus deviennent des bobinards sous le contrôle des municipalités jusqu'au moment de la Terreur qui voit la guillotine oeuvrer cruellement parmi les filles de rues. Plus tard le Directoire voit les belles dames montrer leurs seins sans vergogne. La IIIe République est l'âge d'or de la tolérance. Les peintres sont aux premieres loges pour participer et Toulouse Lautrec produit alors ses plus belles oeuvres.
Quelques écrivains se sont intéressés aux claques comme Flaubert et d'autres même y ont passé du bon temps comme Guy de Maupassant ou Edmond de Goncourt qui en ont fait le pivot de certaines de leurs oeuvres. La Maison Tellier de Maupassant constitue un témoignage incomparable sur la maison de style provincial.
La suite de ce livre de 400 pages relate les expériences de célèbres maques que l'auteur a connus, tel le Bel Armand qui fit fortune en Amérique du sud avec des filles françaises. Jusque dans les années 30, les ruffians français ont tenu le haut du paveton sur le marché du sexe dans cette partie du monde. Chez Marianne, à Buenos Ayres fut une affiche réputée et on pouvait y admirer un superbe bonnet phrygien avec une cocarde tricolore.

1935 fut l'âge d'or des bobinards. L'auteur nous en fait une relation documentée et détaillée. Et jusqu'en 1954, la tolérance fit que les peines pour proxénétisme étaient accessoires, les maques devenant vite des moyens d'investigation au pays de la truanderie pour les flics, les tauliers s'avérant d'excellents indics. Les tenancières menaient leur affaire avec le sérieux d'une véritable Mère supérieure de couvent.
En 1942, la France était exsangue et on y crevait de faim ; on mourrait sous les bombes…Mais rue de Provence au 122, on sablait le champagne, on se gavait au caviar et au foie gras ; on ripaillait sans vergogne…Les Allemands payaient au prix fort le service et l'après service…
1944 : plus la Libération approche, plus les résistants sont nombreux !
Les maisons de passes n'étaient jamais tenues par un homme, mais l'homme n'était jamais bien loin. Un florilège d'anecdotes illustrent bien cette société, comme celle d'un homme d'église héritant d'une maison close, couché sur le testament de la défunte mère maquerelle. Fut-il un client fidèle ?
Alphonse Boudard ensuite nous détaille le fonctionnement d'une maison de passes, sa hiérarchie, ses codes et ses règles. Il y avait les tenanciers, les maquerelles, le julots les putes et les clients. Sept décennies plus tard, rien n'a vraiment changé, même si les appellations ont été modifiées.
La biographie de Marthe Richard , l'envers du décor, est un morceau de bravoure de ce livre. Une mythomane aux multiples amants et même maris, un femme trouble et troublante, affabulatrice et flirtant toujours avec l'escroquerie à tout niveau. Des voyages touristiques un peu partout avec des relents de trafic de drogue, d'espionnage et de séjours galants jusqu'en 1939. À son sujet on se perd en conjecture. Même la mort de son deuxième mari, Thomas Crompton, est suspecte. On ne compte plus les parties fines avec la Gestapo, mais elle n'est pas inquiétée. Au fil de l'enquête menée par l'auteur, il s'avère que cette femme a passé la plus grande partie de sa vie à mentir à tout propos, par nécessité, par manie, par vantardise, par perfidie et somme toute par habitude. Comme dit Boudard, c'est fascinant ! Son expérience de tapineuse aux prises avec les maquereaux de tout poil lui aura servi bien des fois. Culottée mais peu intelligente selon ses proches, mais un culot ajouté à un instinct machiavélique peu ordinaire mêlé à des naïvetés à peine croyables, surtout dans ses écrits. En tout cas mystificatrice concrètement, rouée même. Quel a été son véritable rôle durant la Grande Guerre ? Fut-elle agent double au service de l'Allemagne comme on l'a souvent pensé, mais sans preuve ? Il faut savoir qu'au moment de sa campagne anti-bourdeaux, elle était sous le coup d'une inculpation pour escroquerie ! Cependant, aussi ahurissant que cela puise paraître, personne ne lui conseille d'au moins se taire.
En vérité le décret du 13 avril 1946 n'eut que peu de conséquences. Les galantes dames continuèrent de taquiner le trottoir et la terre continua de tourner comme si de rien n'était. Seuls furent déplacés les lieux ce qui les rendit plus difficiles à cerner. On tirait un trait sur une époque, les maisons de tolérance n'étaient plus tolérées… « Avant, la lampe à pétrole donnait du clair obscur pour adoucir le tableau. le néon le frappe de plein fouet. On est passé de Vermeer aux mobiles de Calder. Les marchands d'amour sont toujours là, même si les colonnes Du Temple ont été abattues. »
Un très beau livre écrit dans un style inimitable.
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Je viens de découvrir la verve truculente d'Alphonse Boudard. le sujet paraissait scabreux à traiter. Boudard s'en sort brillamment. On sent le dense travail d'investigation derrière cet essai. Après un bref rappel historique, l'auteur détaille scrupuleusement la vie pour le moins ambiguë de Marthe Richard, espionne pendant la première guerre mondiale, puis entrée dans la politique pour mener son combat contre les maisons closes. Fallait-il les fermer ? La question reste posée pour toutes les prostituées qui sont maintenant à la rue sous le joug de souteneurs toujours aussi répugnants. Menant un véritable travail d'historien et de sociologue, Boudard nous plonge dans cette époque révolue, en interrogeant les derniers tenanciers de bordels des années 30 encore en vie. Il nous retrace la vie sordide de ces pauvres filles. Il aborde aussi largement l'épisode de l'occupation, où ces propriétaires de maisons closes ont souvent collaboré avec les nazis, ce qui est peut-être d'ailleurs, la véritable raison de leur fermeture en 1946. Ce fut pour moi un réel plaisir de lire ce livre, écrit dans une langue fleurie, que l'on retrouve aussi bien chez Jeanson que chez Michel Audiard. Toute une époque !
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Essai nostalgique et enquête au verbe vif, La Fermeture nous entraîne dans un monde que les moins de soixante-dix ans ne peuvent pas connaître. Les filles en ce temps-là étalaient leurs appas jusque sous nos fenêtres... Ou plutôt, n'en déplaise au poète, les leurs étaient closes pour cacher à la bonne société les débordements de ses membres. A travers un récit au fil lâche, Alphonse Boudard nous raconte l'histoire des bobinards depuis les temples de l'amour de l'Antiquité jusqu'aux maisons de tolérance, un des piliers de la IIIe République. Il s'attarde ensuite à les décrire, plonge dans la vie d'un proxénète de ses amis et s'intéresse enfin à Marthe Richard, l'espionne par qui la fin de ce monde est arrivée en 1946.
Ecrit quarante ans après leur fin, ce livre dresse aussi un bilan de ce qui leur a succédé, des hôtels de passe aux cabanes de chantier. Dans une prose haute en couleur, riche d'un argot peu familier aux jeunes de ma génération, on découvre un pan de société que même nos grand-parents n'ont jamais expérimenté... Page d'histoire, plaidoyer pour un retour à la tolérance de la prostitution, charge contre les évolutions de la société qui amènent l'éducation sexuelle à se faire au lycée au lieu du bordel, ce récit inclassable nous apprend beaucoup sur "l'inamovible attelage du maquereau, de la pute et du flic".
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«La fermeture », obéit à deux préoccupations de l'auteur : l'une historique, l'autre de rétablissement d'une vérité méconnue, celle de Marthe Richard, dont la loi d'abolition porte le nom ; et qui n'est pas aussi "blanche" qu'on veut bien nous le dire.
D'abord Alphonse Boudard nous décrit les fameuses maisons, comme on décrirait la marine à voile (ce sont ses termes) , des choses disparues : on dit « il est magnifique ce voilier, il est formidable », mais il y a les mecs dans la galère qui rament aussi, puisqu'on est sous Louis XVI… Donc, c'est beau, c'est une très belle chose à voir, mais, bien sûr, il y a toujours le côté noir… Ceux qui travaillent dans les soutes.
Ensuite, il nous dresse un portrait sans concession de Marthe Richard. Pour tout un chacun, c'est la « Dame Blanche » qui fit fermer les maisons en question ; pour Alphonse Boudard, le personnage est un peu plus complexe : elle avait été elle-même prostituée et avait eu quelques « soucis » pour des affaires de drogue et des complicités d'escroquerie avec des personnages qui émargeaient à la Gestapo du boulevard Flandrin…
En fait, l'auteur nous explique que si les maisons de tolérance ont été fermées, il s'agissait plus de mesures de rétorsion contre les tenancier(e)s, plus ou moins (plutôt plus) compromis avec l'occupant, sans liaison avec la morale ou le sanitaire, a l'heure de l'apparition des antibiotiques…
Alphonse Boudard, avec sa verve habituelle, son sens de la phrase verte, est ici comme dans son jardin. Un bouquin vif, instructif et révélateur du comportement d'une époque… La nôtre.




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C'est l'histoire des maisons closes, et particulièrement de leur fermeture en 1946 par une loi initiée par une femme, dotée de bons sentiments, Marthe Richard.
Outre l'écriture amusante et cocasse d'Alphonse Boudard, que je découvre, c'est un ouvrage très complet et sérieux sur le sujet.
Mais, bon, j'imaginais avant ce livre très bien comment çà se passait, etc... Je n'ai donc pas appris grand chose mais je ne me suis pas ennuyée non plus.
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Citations et extraits (6) Voir plus Ajouter une citation
Temples de la sexualité à une époque où le mariage était sacré, ça permettait aux messieurs d'aller se déborder l'inconscient, de réaliser leurs petits ou gros fantasmes ... aux jeunes gens de s'éduquer ... aux militaires dans les villes de garnison de se changer de l'atmosphère fétide de la chambrée. Ils participaient de l'ordre social apparemment très solide avec l'église catholique et le privilège des bouilleurs de crus.
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Rue Colbert, le long de la Bibliothèque nationale, le 8 garde un air discret coquin... une sorte d'hôtel particulier... XVIIe, celui-là... je crois. En tout cas, il a de beaux restes bordéliques! Peut-être les chercheurs, les savants venaient-ils là s'offrir un peu de luxure après leurs heures studieuses à la Nationale? Il est vrai que ces gens, ces profs, ces rongeurs de documents ne sont pas très souvent argentés. Ça nécessite une sacrée dose d'abnégation que d'aller se farcir, comme ça, des textes poussiéreux à la loupe... des enculeries de mouches infinies à propos de choses mortes... ces longues patiences entre les pages, les lignes... à l'affût de la moindre virgule déplacée. Tout ça, pour nourrir des thèses, des livres qui ne seront lus que par trois dizaines d'autres rats de bibliothèque et qui vont encore trouver à redire, les salauds, à enfiler d'autres mouches plus ou moins charbonneuses! A part les fils de famille à fric, les autres ça déambule plutôt une partie des pieds hors des grolles... des pellicules sur les endosses... des cheveux qui s'y arrêtent, comme à regret de quitter un crâne.
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S'il dit vrai, Pierre Mac Orlan, ça n'éclate pas dans la Presse de ce jour là, le 13 avril 1946... ni même le lendemain... C'est en deux lignes que "Le Figaro" du mardi 16 annonce que le Journal Officiel "a publié une loi interdisant les maisons de tolérence sur l'ensemble du territoire français". On est loin apparemment d'une date importante...d'un 14 juillet de l'histoire de la civilisation française.
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Ça me revient en mémoire ce temps-là dans la grisaille d'une sorte de médiocrité envahissante. L'affaire de la fermeture des claques alimentait tout de même le bouche à oreille, les conversations autour du zinc, à la cantine des ateliers, dans les fauteuils club des bars chics, les cours de lycées... peut-être dans le fond des sacristies... savoir !
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La nature humaine est si vaniteuse qu'elle est capable de choses très inattendues pour survivre dans les mémoires... L'industrie des statues et des plaques commémoratives a encore de beaux jours devant elle.
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Vidéo de Alphonse Boudard
21 novembre 2009 :
Mot de l'éditeur :
« Je regrette de ne pas lavoir butée pendant quil en était encore temps. Nul besoin de réfléchir ni délaborer le crime parfait. Plus cest gros mieux ça passe.

Elle faisait le ménage monsieur le commissaire. Elle a dû glisser sur le carrelage quelle venait dastiquer. On pouvait lui reprocher bien des choses, mais une vraie petite fée du logis, une maîtresse-femme. Quest-ce qui sest passé? on ne le saura jamais. Mauvais contrôle du pied dappui, fort justement monsieur le commissaire, le coup du lapin. La faute à pas de chance, encore une fois.

Jaurai dû lui mettre un grand coup derrière sa gueule alors que tout le monde ignorait encore notre différent. Les Boulard ? Un exemple pour tous les couples modernes. Jamais un mot plus haut que lautre, aimables avec les voisins, bonjour et bonsoir. Jaurai utilisé le cendrier en granit de Bénodet. Jaurai pris mon élan, de toutes mes forces et de toute ma rage, pour la frapper à larrière de son crâne vide. Plus tard, bien plus tard, jaurai appelé le SAMU. Oui, ça a dû se passer il ny a pas bien longtemps docteur. Mais jétais en train de bricoler dans le garage, je nai rien entendu parce je perçais des trous dans de la tôle. Cest que je construis un cabanon pour abriter les outils de jardin. Ce nest pas que jai beaucoup de terrain, mais ça me détend de pratiquer lart potager. Et puis, cest pas les légumes quon trouve dans le commerce. Des saveurs et des parfums incomparables. Ah oui, ma femme. Quand jai constaté, il devait déjà être trop tard. Enfin, je ne suis pas médecin. Je ne peux pas juger, mais elle était très pâle. Quest-ce que vous en pensez docteur?

Lélectrocution à la machine à laver, cest pas mal non plus. Combien de femmes disparaissent chaque année alors quelles accomplissaient leurs tâches domestiques? Elle avait grand soif, mais elle avait la manie de stocker les produits pour déboucher les cabinets dans des bouteilles deau minérale. Elle faisait les vitres au troisième étage un jour de grand vent. Elle préférait le bain à la douche, pourtant elle sétait toujours refusée à apprendre à nager. Elle avait la manie de garder près delle une bougie pour la sieste.

Ca fait trois lignes, dans les journaux, à la page des faits divers. Personne ne sen émeut. Sinon les proches, évidemment, car le plus dur cest toujours pour ceux qui restent.
elle est tombée à la renverse, sa tête a porté contre le rond des chiottes. Une belle mort, elle ne sest pas vue partir. Exactement, comme vous dites »

Lorsquil écrit, lorsquil se laisse porter par le jaillissement des mots, Serge le Vaillant ne manque pas de soumettre ses textes à lépreuve du « gueuloir » de Flaubert, de les lire à haute voix pour mieux les fignoler. Ancien capitaine au long cours, grand homme de radio, grand chef dorchestre des nuits de France Inter, cet orpailleur de la langue française, quelle soit verte ou noire, est un magicien. Il na pas seulement le talent de conteur dun Gérard Sire ou dun Jean-Pierre Chabrol. le culte des mots ciselés, des mots torchés, la faconde dune prose féconde, le sens de lorgie verbale.
Ses textes ont le verbe acide et tendre, le verbe au goût de pomme dApi, celui qui baptise et qui tue, qui bénit et qui excommunie, qui conjure et qui absout, qui enfante et qui explose, qui hurle et qui chuchote, qui pleure et qui pavoise. Serge Levaillant appartient à la lignée des Rabelais, des Villon, des Rostand, et plus près de nous des Céline, Léon Bloy, Auguste le Breton , Albert Simonin, Francis Blanche, Alphonse Boudard, Michel Audiard, et autres Frédéric Dard. Il est un magicien, un orpailleur de la langue, quelle soit verte ou noire, ciselée ou torchée : avec lui les mots croustillent. Ils mordent, ils aboient, ils cajolent. Ils sont tour à tour tendres et cruels, nourris de vinaigre et de miel, de gifles et de caresses. Ils décapent. Ils émeuvent. Ils déchaînent des crises de rires et de jubilation. Ils touchent à la fois nos coeurs et nos zygomatiques.
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