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Critique de Eskalion


« Je voudrais que vous enquêtiez sur moi. Je suis flic, un bon flic, sorti major de ma promotion, aujourd'hui commissaire de police. Je suis en instance de divorce, en analyse depuis trois ans et j'ai peur d'être un tueur en série… »

Quand il s'allonge la première fois sur le divan de sa psychothérapeute, Sylvain Macarie est un homme détruit, ses convictions professionnelles les plus solides ont implosé, sa carrière qui devait être brillante s'est fracassée sur les écueils d'une affaire particulièrement tragique, celle du meurtre d'une petite fille qu'il n'en fini pas de se reprocher. Alors il s'enfonce. Et le gouffre est profond.

Lui qui avait été promis à un avenir remarquable dans la police, qui avait été envoyé aux états Unis suivre les cours de Sheldon le spécialiste américain des sérials killers, qui avait au grand dam d'autres flics réussi à conquérir le coeur d'Alice, dont le divorce vient marquer l'échec de cette idylle, ce flic autrefois admiré et respecté par ses paires, voit aujourd'hui ses collègues lui tourner le dos.

Certains, à l'image de l'inspecteur Nérac, lui vouent même une antipathie farouche. Son échec, sa faute a éclaboussé l'ensemble de l'unité à laquelle il appartient, comme une tâche indélébile d'infamie.

Alors Sylvain Macarie s'occupe et s'abrutit à lire et relire des dossiers d'affaires non résolues, à la recherche d'un indice, d'un modus operandi qui pourrait le mettre sur la piste de l'assassin, car il en est sûr, celui-ci n'en est pas à son premier crime.

S'appuyant sur les cours de Sheldon il piste, cherche une constante, une signature. Mais même ce travail qui l'occupe et l'éloigne du terrain , commence à agacer. Ses chefs ne savent plus quoi faire de lui, et conviennent de se refiler à tour de rôle cette « patate chaude » qui ne veut pas refroidir. Sylvain Macarie est devenu un looser, et les loosers n'ont pas leur place dans la police, sauf enfermé dans un placard.

Alors Macarie consulte sa thérapeute, s'allonge et raconte, essaye de comprendre. Ses recherches ne mènent à rien, il tourne en rond et le doute grandit. le meurtre de cette petite fille vient télescoper son histoire personnelle, celle qui le lie à sa soeur jumelle, aujourd'hui internée dans un institut spécialisé. Cette soeur qu'un jour il a voulu étrangler de ses propres mains. La petite fille assassinée, une jumelle elle aussi, avait le même âge que sa soeur à l'époque où il avait voulu commettre l'irréparable. Et si c'était lui le tueur ?

A mesure où il commence à remonter à la surface, l'étau se resserre autour de lui. Un amant de son ex-épouse est sauvagement assassiné en province. Or à ce moment là, Macarie était lui-même dans le secteur.

Le tueur est implacable. « Il se plut à imaginer l'histoire de la joggeuse qui venait à sa rencontre. Une femme, une mère de famille ? Peut être un petit garçon qui l'attendait ? Un compagnon ? …/… Il allait dénouer des liens. Tous les liens attachés à cette femme qui courrait sur une pente de Corrèze…Lorsqu'il appuya sur la détente, la balle fila à trois cent quatre vingt quatre mètres par seconde vers le front de la promeneuse. Il n'y eut pas de bruit. le silencieux étouffa la détonation et la balle se faufila sans un bruit. »

Un dé pour décider, pour tracer le chemin. Un autre pour fixer le lieu, le moment et la cible. Un homme ? Une femme ? Un couple ? Un enfant ? « Confier sa sécurité au hasard. Ne rien faire de systématique, ou plutôt systématiquement s'en remettre au hasard. »

Un tueur imprévisible donc, insaisissable, à la stratégie redoutable. « je procède de la même manière, je n'ai pas de mode opératoire. Je puise dans l'histoire des criminels. Je fais comme eux, à la manière de. Je ne suis pas un criminel, j'en suis plusieurs. Je suis multiple. Personne ne peut savoir qui je suis. Je suis l'égal de dieu ou du diable. Je suis le pendant de Sheldon.Je deviens une sorte d'ange exterminateur…/…Je vais utiliser les modes opératoires des tueurs en série américains. Je vais me cacher derrière eux. Je vais imiter leur façon de faire, leur signature. Je serai le plus grand faussaire du crime. Je vais inonder le monde de mes oeuvres. Je ne serai pas un criminel, je les serai tous. Les policiers en chercheront plusieurs. Je serai un. Je serai l'unique, le seul. »

« L'homme qui aimait les tueurs » est le second polar écrit par Bernard Boudeau publié aux éditions In Octavo, après « Méfie toi d'Assia » sorti lui en 2009, roman qui avait su attirer les regards de la critique.

A partir d'un thème éculé dans le monde du polar, celui du serial killer, Bernard Boudeau arrive malgré tout à tisser une histoire originale, dans un style fluide et rythmé, soignant tout particulièrement la psychologie de ses personnages, en particulier de Sylvain Macarie dont nous suivons lentement l'introspection et son cheminement vers la vérité.

On glisse facilement au fil des pages, sans jamais se perdre dans le jeu toujours compliqué pour un auteur, de l'alternance entre les personnages et les faits qui se déroulent à des moments différents.

Regrettons toutefois une fin un peu trop abrupte, quelque peu expédiée à mon goût. Mais cela reste un roman de bonne facture, bien écrit, mais sans aller toutefois jusqu'à dire que ce roman « installe ( son auteur) parmi les grands du roman noir » comme le déclare un peu pompeusement la 4ème de couverture !

Si c'est bien tout le mal que je souhaite un jour à Bernard Boudeau, Il conviendra aux lecteurs d'en décider à la lecture de ses futurs romans.

Cette critique est réalisée dans le cadre de l'opération « Masse critique » organisée par Babélio que je remercie au passage, ainsi que les éditions In Octavo.
Lien : http://passion-polar.over-bl..
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