AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
EAN : 9782296042391
64 pages
Editions L'Harmattan (20/09/2007)
5/5   3 notes
Résumé :
L'Autre et l'Ile, deux pôles de l'être en Résilîences.

Parce qu'il importe de "refaire en sens inverse le tracé des cyclones", la résilience, cette capacité à surmonter le tragique et la destruction, devient ici matière à exploration poétique.

Dans cette "plongée entre ciel et mer d'étoiles filantes crevées", l'Ile, parce qu'elle est à la fois terre qui rassemble et qui sépare, espace de quête et lieu de clôture, centre qui condense et... >Voir plus
Que lire après RésîliencesVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Week-End, 13 juin 2010, Article de Norbert Louis

"On ne quitte pas une île/ On ne quitte pas une île comme on quitte une amante/ Quand on est né dans une île on a pour toujours le coeur assigné à résidence/ L'ïle vous habite/ Comme un assassin qui revient sur les lieux de son crime on ne quitte pas une île/ Car l'île/ C'est comme une évidence avec la mer autour..."

Les jours et les nuits du poète sont rythmés par le battement sonore de ces terres baignées par la mer, ces îles créoles, "Île-Longaniste" "Île-volcan" qui rythment la vie quotidienne, la culture, la politique. Ce sont ces traces et ces présences de l'île dans l'imaginaire et le réel que Catherine Boudet explore en ouvrant aussi sur d'autres espaces dans Nos éparses nos sulfureuses (préface d'Ananda Devi, Acoria, 2010). Ses textes poétiques éparpillés sont à lire dans les mailles d'une oeuvre qui dit le sentiment océanique à couper le souffle (Résîliences, le Barrattage de la mer de lait).

Si l'on s'en tient à l'idée selon laquelle la qualité d'un écrivain s'évalue selon la complexité de son oeuvre, Catherine Boudet a fait une entrée remarquable en poésie avec trois livres de poèmes. C'est une poétesse novatrice dont l'écriture est marquée par cette gravité aux accents huysmansiens que l'on trouve particulièrement dans Nos éparses nos sulfureuses. Catherine cherche à s'affranchir des contraintes formelles. Elle cherche une langue poétique qui revient à dépasser toute forme de catégorisation. Ce qui la pousse dans les retranchements les plus intimes et les plus risqués de l'être.

La poétesse se dépeuple : "Mais voilà, moi je n'y peux rien, je suis poète. C'est tout ce que j'ai trouvé à vous survivre. C'est tout ce que j'ai trouvé pour retenir un peu de vie qui me coule entre les doigts..." On entend alors sa voix éclatée, le bruissement confus de la langue. Est-ce une fuite ou une avancée, résistance ou résilience ? Avec Nos éparses nos sulfureuses, Catherine convoque une traversée, un voyage en soi pour reconnaître la matrice de sa poésie et ses éclatements. Elle dit : "Toute île est racine et voyage/ Elle me cautérise/ Lorsque jaillit l'enfer/ de lointain incarnée je gis : Ebréchée de mille traces / de succinctes plaies/ Loin de mes rivages initiaux quand l'acier d'une mémoire anguleuse m'ecchymose/ désir d'ancrage/ L'homme surgit avec son coeur de lion/ géant de l'équinoxe il régit de nouvelles glaises de nouveaux ferments/ Faudrait-il que je sombre ou que j'émerge neuve au solstice de ses yeux/."

Pour Catherine, la poésie est un enjeu - matière et âme. Chaque vers est comme une coulée dans son être et aussi un moyen de retrouver la lumière australe qui baignait le paysage à présent meurtri par les mains de l'homme: "Je bois à même le mot/ La liqueur essentielle/ Je saigne de tous mes sens..." Par un retour au pays natal, le poète peut toucher la conscience de l'homme. Nos éparses nos sulfureuses luttent contre les injustices et la violence de l'Histoire (Jacques, marchand d'esclaves).

Fruit des noces avec la mer et le soleil, son texte donne de l'importance au règne de la matière comme si le poète s'en remet à son île-volcan pour une poussée de sagesse. La poésie peut permettre une restitution du souffle, "Tracer avec la mer /Sur le ferment des décadences et de l'azur/ Une brève clarté et une vague trêve..". Plus loin, Catherine prévient (Attention, vertige) : "J'ai un chantier en cours. Ne me dites rien. Surtout pas vous qui marchez sur ce sol où vous pratiquez l'équation du profit. Je sais déjà par coeur ce que vous allez me dire. Mais moi, j'ai un chantier en cours. Non, vous ne voyez rien car mon chantier est invisible. Il érige vers le ciel ses bulles de savon comme autant de tours de guet. car moi, je suis poète..." Comme toujours des motifs se dégagent dans la poésie de Catherine. Quelques figures aimées apparaissent et aussi l'arbre, le volcan, la ravine, le volcan, l'albatros, l'azur. La poétesse cite Césaire (Cahiers d'un retour au pays natal) comme pour évoquer la reconquête du lieu-revenir au point de départ dans un univers de sensations (l'île des retournements, l'île de violence).

Quiconque a osé s'aventurer dans cette poésie épineuse et triste, sans voyeurisme aucun, a peut-être découvert la grande constante de l'écriture singulière de Catherine. Une singularité qui réside dans la composition du poème par juxtaposition. Les phrases, les mots se côtoient, se bousculent, déroutant le lecteur : "ça fait peur d'aimer ça fait tout drôle dans le coeur ça fait le coeur chavirer panga il va déborder comme un radier trop rempli ça fait peur d'aimer ça rend le coeur sauvage et fou ça fait peur d'aimer on se sent tout petit ou très grand ou les deux on ne sait plus on pourrait sauter sur les nuages pour te rejoindre parfois aussi on ne sent plus rien c'est comme d'avoir mangé des brèdes mafane on ne sent plus sa bouche et le coeur c'est pareil d'avoir tant aimé on ne sent plus son coeur devenu coeur mafane..."

D'autres procédés permettent de briser l'enchaînement comme ces textes qui se doublent de commentaires (Attention, vertige, Chemin de la Giroday, Identité batarsité)). La pensée de l'auteur s'incarne dans l'écriture. Tout ce passe comme si les mots se bousculent dans un espace jamais figé. Catherine aime aussi les digressions. Elle propose dans un même recueil des textes rédigés à des périodes différentes. La digression facilite l'anamnèse et permet aussi des mises au point en passant. Réminiscences, envolées lyriques ou érudites - tout laisse croire que Catherine Boudet quitte souvent la trame narrative au profit de l'introspectif et le digressif. L'histoire est morcelée, l'être aussi. La mer indienne donne une configuration imaginaire de l'île. Chaque fragment poétique possède un titre et chaque titre place le poème sous le régime de l'intemporel. La poésie de Catherine Boudet n'est donc perceptible que dans ce jeu kaléidoscopique et c'est au lecteur de construire le sens de l'oeuvre.
Commenter  J’apprécie          30
Article de Dominique Bellier sur Résîliences, "Le verbe intense de Catherine Boudet", dans le Mauricien, 30 décembre 2009

La Réunionnaise Catherine Boudet invite les lecteurs mauriciens à se familiariser à sa poésie, à travers à son premier recueil, publié en 2007, mais que l'on ne trouve à Maurice, à la librairie le Cygne, que depuis quelques mois. Résîliences est en quelque sorte le premier acte poétique de ce docteur en sciences politiques qui s'était fait connaître à Maurice à l'occasion d'une conférence qu'elle avait donné sur l'identité et la construction nationale à l'île Maurice, ainsi qu'à travers les poésies qu'elle publie depuis plusieurs années dans la revue Point Barre.

Catherine Boudet, qui a choisi depuis cette année de vivre à Maurice, conçoit la poésie un peu comme l'envers de son travail de réflexion et de recherche. "Je ne suis pas dans une recherche poétique. Pour moi, l'écriture poétique n'est pas une quête ou un chemin vers quelque chose, c'est plutôt un processus de réémergence, qui permet de dire tout ce qu'on est d'autre." Notre interlocutrice évoque l'image de la lave du volcan en éruption pour décrire cette alchimie poétique… "Quand la lave du volcan coule à La Réunion, et qu'elle arrive dans le sable, elle rentre sous le sable, puis ressort plus loin. le poème est un peu cette réémergence..." Résîliences regroupe ses premiers poèmes, ceux qu'elle a jetés sur le papier pour exprimer la part d'émotion qu'elle ne pouvait raconter dans un journal. C'est sa manière de dire l'indicible, "de faire du beau avec du moche" comme elle l'explique volontiers. Pour découvrir cette émotion qui parle, rien de tel que de se laisser aller au fil de ses mots qui s'assemblent dans un jet intense qui fuse tel la flamme du volcan.

Beaucoup de poèmes viennent dire l'absence de l'être aimé, le manque. On ne saurait que trop conseiller ce choix pour dire à un être qu'on le regrette et qu'on l'aime passionnément, pour se guérir de l'absence ou du manque d'amour. "Lourd / Mon coeur ne sait plus vers où se porter / Qui ne soit pas souffrance / Brûlure." Elle raconte cette douleur encore plus explicitement avec : "Aimé sans sommation / Il me désertera sans trêve / Sans retenir les hordes de chevaux fous / Qu'il lâcha dans mes rêves." Et puis elle raconte un peu de son île, et des moments magiques que l'on peut y vivre. "Assis devant la case en tôle / Nous respirions le soir / Et le soleil plongeait / En baie De Saint-Paul / Entre letchi et mer". Ce premier recueil paru chez L Harmattan est dû aux encouragements du poète mauricien Umar Timol, qui a simultanément invité la poétesse à se joindre à la revue Point Barre et qui l'a poussée à publier absolument ces premiers textes. Se doutait-il alors qu'il décelait ainsi une sorte de corne d'abondance, qui n'a cessé depuis de dispenser des vers. Nous aurons l'occasion d'en découvrir d'autres début 2010, avec le prochain recueil intitulé Barratage, suivi d'un autre plus tard, préfacé par Ananda Devi.
Commenter  J’apprécie          40
Note de lecture de Dominique Ranaivoson sur Résîliences, Africultures, 19 mai 2008

Le premier recueil de poésie de cette jeune Réunionnaise membre de la revue littéraire mauricienne Point barre est à découvrir de toute urgence pour l'étourdissement qu'il procure. En une cinquantaine de courts textes en vers libres, l'auteur libère une parole semblable, l'image est d'elle, à la lave du volcan "feux liquides déversés des antres du ciel "(21).

Longtemps contenue et brûlante quand elle est brusquement libérée, elle se jette dans "la mer sel de souffrance" (37) "en trouant l'éphémère en noces gigantesques de feu et de sel" qui représente l' "union absolue des titans" (23). L'île, à peine dissimulée au coeur du titre qui place le volume sous le signe du tragique à surmonter, fournit au texte à la fois les images tropicales des ravines, de l'orchidée, de la mangue, des letchis et goyaviers, mais aussi et surtout celles des forces naturelles incontrôlables et destructrices, le cyclone, les hautes terres, le feu, la "clameur indéchiffrable de la mer" (7).

Celles-ci, placées sous le signe de la démesure, expriment "ce monde en péril" (7) mais surtout le péril intérieur qui ronge la narratrice et qui prend sa source dans l'absence de l'aimé. Brûlent alors le regret et le souvenir, circulent toutes les images de la perte, du départ, de la solitude : "je nomadise / les steppes glacées de l'absence / je cavalcade en d'épistolaires chevauchées / les désertiques royaumes / de la désespérance" (38).

L'autre, perdu, aimé puis haï, omniprésent, tour à tour tutoyé et vouvoyé, est l'absent responsable de l' "horreur hurlante" (44), de la "lente épouvante" (45) qui placent la narratrice dans "l'oeil du cyclone" (44). Les mots, tantôt claquent comme des remparts aux pierres juxtaposées ("Vomissures de ravines en rébellion / Injures de boue et de galets / nuits de trombes de peur et de rafales") (22), tantôt sont distillés lentement ("Buvons la nuit / Hybride ensorceleuse / pour conjurer l'anamnèse") (31) car le Verbe devient "couteau sacrificiel" (54). Il s'agit de chercher la paix dans l'oubli, dans l' "attente au-delà des mots" (45), dans la dissolution de soi ("m'annihiler / le visage vers la lumière") (51).

Hélas et heureusement, la "blessure sans nom" (52) qu'est le "tango inachevé / de l'amour retenu" (12) fait naître une écriture parfaitement achevée où l'île et la mer offrent toutes les images nécessaires à ce drame qui s'achève par : "je chercherai en vain / l'odeur de la terre / et le son de la voix aimée / dans les archipels dévastés / de la résîlience" (60). Catherine Boudet a réussi à exprimer la fragilité de l'être brisé en réinvestissant l'énergie née de l'antagonisme des forces en présence dans la minuscule "île-coquille" (47), "île vénéneuse / à mon coeur épiphyte" (29) délivrée de ses clichés exotiques pour être élevée au rang de personnage dramatique.

Parvenu "au terme du cycle noir des holothuries" (59), le lecteur ébloui a compris qu' "il est une île en perpendiculaire contradiction / avec le goût de la mangue verte" (59), habitée par une jeune femme-poète parfaitement capable de mener à bien toute traversée en très haute mer. Reste à chacun à monter dans son embarcation.
Lien : http://www.africultures.com/..
Commenter  J’apprécie          40


Videos de Catherine Boudet (2) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Catherine Boudet
Catherine Boudet, lecture du poème "Nous, Îlochtones" (extrait de : Nos éparses nos sulfureuses, Acoria, 2010), lors du festival de poésie Voix Vives en méditerranée, 28 juillet 2012.
autres livres classés : Littérature réunionnaiseVoir plus


Lecteurs (5) Voir plus



Quiz Voir plus

Testez vos connaissances en poésie ! (niveau difficile)

Dans quelle ville Verlaine tira-t-il sur Rimbaud, le blessant légèrement au poignet ?

Paris
Marseille
Bruxelles
Londres

10 questions
1138 lecteurs ont répondu
Thèmes : poésie , poèmes , poètesCréer un quiz sur ce livre

{* *}