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Citations sur Disparu sur le front (11)

La première victime d'une guerre, c'est la vérité.
Rudyard Kipling
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Même s'ils n'étaient pas morts pour la patrie, ils étaient devenus les fantômes de leur vie d'avant, et le gouvernement leur accordait parfois de s'en extraire, de ne pas réintégrer une famille, une fratrie, un cercle d'amis pourtant aimés mais dont ils craignaient de faire le malheur en leur imposant leur difformité.
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Il étouffait. Le moindre des gestes qu'il accomplissait sans y penser d'habitude lui coûtait tant il paraissait vide de sens.
Éplucher une pomme de terre, trier les couverts, balayer le sol du réfectoire. Mais à quoi bon ? À quoi bon faire tourner un monde dans lequel son père s'était volatilisé ? Pourquoi fallait-il donc qu'il use ses jeunesmains et l'énergie de ses quinze ans dans cette industrie qui ne faisait que nourrir cette interminable, cette ingrate guerre qui lui enlevait, malgré tous ses efforts, ce qu'il avait de plus précieux ?
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Elle ne pouvait rien faire.
Elle ne savait pas où il était, ni avec qui il se trouvait.
Il n'avait laissé que ces mots.
Maman. Je ne peux plus rester ici à rien faire, je pars. Mais je reviendrai, je te le promets.
Elle n'avait plus qu'à attendre. Encore.
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Tapi dans l'une des cavités de la tranchée qui servait de mise à l'abri immédiate des blessés avant leur transfert au poste de secours, il scrutait l'angoisse sur les visages grimaçants, les hommes qui essuyaient rageusement à grands coups de manches boueuses l'eau qui dégoulinait sur leurs joues et dont on finissait par se demander si c'était de lapluie ou des larmes. Chacun d'eux connaissait la suite du scénario.
L'inévitable déroulement des choses.
Dès que les canons se taisaient, c'était l'assaut.
Les corps se dépliaient et se ruaient vers les barreaux glissants des échelles pour sortir de la tranchée et courir malgré la boue accumulée sous les brodequins. Courir sous le feu nourri de l'ennemi qui, bien entendu, n'était jamais totalement neutralisé par les bombardements. Courir en ne pensant à rien. Juste courir.. Avancer le plus possible. Ignorer les barbelés déchirant la chair au passage. Et tirer, tirer tant que possible. Et mourir, parfois.
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C'est dans les cicatrices des gueules cassées que l'on peut lire les guerres, pas dans les photos des généraux engoncés dans leurs uniformes amidonnés et tout repassés de frais.

Jean-Paul Didierlaurent
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_ Le prix des denrées alimentaires à Paris ! Le préfet demande au ministère de la Guerre six cent tonnes de viande congelée par mois pour faire baisser le cours de la viande fraîche ! Et mieux encore, mesdames, messieurs ! Désormais, le cours des denrées alimentaires sera affiché aux portes des écoles et des mairies ! Les fraudeurs n'ont qu'à bien se tenir !
_ Bonjour, Émile ! Tiens, on va te prendre un exemplaire. Cinq centimes, c'est bien ça ? Le cours de l'Écho de Paris n'a pas augmenté ? lui demanda Lucie d'un clin d'œil.
_ Oh, bonjour madame ! Euh non, le prix de mon journal est stable, réponndit le crieur avec sa petite voix éraillée à force de s'époumoner, et son sourire éclatant, même avec son incisive en moins.
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"La jeunesse réclame son dû écrit Richard Arndt, un ancien combattant, dans ses souvenirs de guerre, afin d'expliquer son désir de passer outre l'âge légal de conscription. Manon Pignot, maîtresse de conférences en histoire contemporaine à l'Université de Picardie Jules Verne, parle dans son livre L'appel de la guerre, des adolescents au combat, d'engagement juvénile illégal. Elle s'interroge notamment sur les raisons qui poussent les jeunes qui n'ont pas l'âge requis à vouloir rejoindre le front, sur cette irrésistible motion intérieure qui les amène à fuguer, falsifier leur date de naissance voire même leur nom, s'exposant ainsi à une potentielle mort anonyme, tout ça pour en être.
Il faut se remettre dans le contexte de ces jeunes qui, en 1914, prennent de plein fouet la mobilisation générale, le départ à la guerre de leurs pères, de leurs frères, de leurs oncles, le climat de frénésie et d'inquiétude, les collèges et lycées réquisitionnés, l'éclatement de leurs repères et le désœuvrement qui en résulte. Cet âge où se rendre utile et faire la fierté de ses parents n'est pas un vain mot, Manon Pignot, pour justifier donc ce désir d'entrer en guerre, évoque entre autres l'aspect économique, puisqu'une solde était versée à chaque soldat, ou encore la foi patriotique, largement relayée parfois par le contexte familial ou encore l'influence scolaire. Jean-Corentin Carré, considéré comme le plus jeune poilu de France, l'exprime dans l'une de ses lettres : "Sur ces bancs, où j'ai usé pas mal de fonds de culotte, j'ai appris la chose principale à observer dans cette vie : le devoir".
Ce jeune breton, pour suivre son père parti sur le front, n'hésite pas à falsifier date de naissance et nom pour être engagé à Pau à l'âge de quinze ans. Nommé sergent en 1916, il recevra la croix de guerre avant de dévoiler sa véritable identité, de redevenir simple soldat, puis de retrouver son grade grâce à son comportement au cœur des tranchées. Une citation à l'ordre de la division en juin 1917 dira de lui : "Sous-officier d'une admirable bravoure, s'est engagé à quinze ans sous un nom d'emprunt pour aller plus tôt au feu (...) Toujours volontaire pour les missions les plus périlleuses, qu'il exécute avec un sang-froid et un courage admirable". Volontaire pour servir dans l'aviation, celui qui est devenu l'adjudant pilote Carré est abattu au-dessus de Verdun et meurt de ses blessures à l'hôpital militaire de Souilly le 18 mars 1918.
Si Jean-Corentin Carré m'a inspirée en partie pour le personnage d'Armand, il est un autre destin qui m'a particulièrement touchée : celui de Noël Vacher, à qui je me réfère principalement. En plus de la mobilisation de son père, ce jeune berger originaire de l'Hérault subit successivement quatre deuils en l'espace d'un an dont celui de sa mère. Ce choc, cet esseulement soudain, provoquent un basculement et il fugue jusqu'à croiser un régiment de spahis (corps de cavalerie d'inspiration ottomane) en gare de Montpellier et à embarquer avec eux, tout comme Armand. Et tout comme lui, il va chercher à retrouver une figure paternelle, un mentor, un guide pour éclairer son chemin assombri, et va le trouver en la personne du lieutenant Touratier qui le surnommait Zouzou comme Lucien le fait avec Armand. La Somme, Verdun, Noël Vacher est de toutes les batailles auxquelles il a la chance de survivre et un certain 11 novembre 1918, il n'a pas encore dix-huit ans mais a déjà cette fierté, partagée avec ses frères d'armes, d'avoir sauvé ses compatriotes. Il reçoit la Croix de la Légion d'Honneur en 1995 et décède en février 2000 à l'âge de cent ans.
Un dernier élément m'a frappée lors de la lecture du livre de Manon Pignot, ce sont les photos du jeune Walter Williams prises respectivement en 1915 et en 1917. La transformation physique est effarante, les images parlent d'elles-mêmes et j'ai voulu reproduire ce vieillissement prématuré sur le personnage d'Armand à la fin du chapitre 10. (...)
En ce qui concerne l'aspect historique, la bataille de la Somme représentait le contexte idéal pour deux raisons. La première, et non des moindres, est que je suis amiénoise et que je traverse régulièrement ces terres stigmatisées par la guerre des tranchées lorsque je rends visite à ma famille. Albert, Bapaume, Moreuil, Montdidier, La Neuville Sire Bernard sont des lieux familiers pour moi, dont j'ai redécouvert les blessures grâce à ce livre. La deuxième est qu'il s'agit d'une des batailles les plus meurtrières de l'histoire avec presque 450 000 morts ou disparus, pour un bien piètre bilan militaire puisque les Alliés ne gagneront qu'une douzaine de kilomètres sur l'ennemi sans jamais percer le front. Ce fut néanmoins la première offensive franco-britannique de la Grande Guerre, avec à sa tête respectivement le maréchal Joseph Joffre et le général Douglas Haig, et les britanniques payèrent un lourd tribut notamment lors de l'offensive du 1er juillet 1916. De nombreux lieux de commémoration leur rendent hommage ici dans la Somme, mais n'oublions pas que l'armée française n'était pas seulement à Verdun, elle était bel et bien présente aussi dans la Somme et près de 70 000 de nos soldats y perdirent la vie. Ce livre leur rend hommage.
La bataille de Bouchavesne évoquée au chapitre 7 et au cours de laquelle Armand fait son baptême du feu a véritablement eu lieu, renforcée entre autres par le 72ème RI suivant un scénario qui ressemble beaucoup à celui que j'évoque. La tranchée Silvas Mossoul a d'ailleurs été une artère stratégique dans cette opération militaire. Et il se trouve qu'en octobre 1916, un soldat de ce même régiment d'infanterie prénommé Jules Laurent est grièvement blessé par un éclat d'obus et il est évacué vers l'hôpital temporaire N°112 à Amiens, comme le brancardier qu'accompagne Armand. Mais malheureusement, Jules Laurent, lui, décédera de ses blessures. Permettez-moi de vous transmettre cette citation datée du 17 octobre 1917 le concernant : "Très bon soldat, blessé grièvement le 7 octobre 1916 en se portant courageusement à l'assaut des positions ennemies". L'hôpital N°112 a donc vraiment existé, j'en ai d'ailleurs retrouvé la trace et des photos dans le recueil de Maurice Duvanel et Pierre Mabire, Les Amiénois, des rires, du sang, des larmes.
En ce qui concerne le rôle des femmes durant la Grande Guerre, en l'absence du chef de famille qui représentait bien souvent à l'époque la seule source de revenus, elles durent prendre les choses en main afin de subvenir aux besoins des leurs. Certains métiers leur devenaient soudainement accessibles. Mécanicienne, vendeuse de journaux, télégraphiste, conductrice de tramway, un nouvel horizon s'ouvrait à certaines d'entre elles. Mais la majorité fut appelée à contribuer à l'effort de guerre dans des conditions beaucoup plus difficiles, comme dans le secteur de l'agriculture où le labour se faisait encore manuellement avec une charrue attelée à un mulet. En outre, à l'image de Lucie, il y avait aussi celles que l'on appelait les munitionnettes, qui effectuaient des journées de onze heures et soulevaient pour certaines jusqu'à 35 000 kilos par jour pour la fabrication des obus, tout en subissant les effets nocifs de l'acide picrique. Pour compenser ces difficultés, l'usine Citroën développa un modèle social très novateur avec sur place une cantine, une pouponnière et un accès à tous les soins médicaux. Avec près de 12.000 hectares de terrain acquis quai de Javel, elle était devenue une véritable ville dans la ville.
Et pour finir sur une note plus légère, il existe un endroit que je mentionne au tout début de mon livre et qui n'est pas fictif non plus, c'est le Luna Park ! C'était un parc d'attractions qui avait ouvert ses portes en 1909 près de la porte Maillot, qui proposait entre autres et à mon grand étonnement, montagnes russes et autres attractions dont je ne soupçonnais pas l'existence à l'époque et dont j'ai gardé les vrais noms. Très en vogue à son ouverture, le parc subit ensuite une forte baisse de fréquentation suite à l'occupation des Allemands qui en avaient fait un de leurs lieux de divertissement préférés. Et malgré les efforts du propriétaire qui, en 1931, achète vingt-cinq baleines embaumées et cent manchots vivants pour attirer le public, il finit par fermer ses portes dans la foulée et par être détruit en 1942 pour laisser place, après de nombreux projets échoués, à l'actuel Palais des Congrès inauguré en 1974." pg 187 à 192
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"Il la prit doucement par les épaules et l'entraîna vers la salle du personnel médical, plutôt déserte à cette heure-ci. Ils s'installèrent l'un en face de l'autre, un peu ivres de ces retrouvailles, souriant bêtement et pouffant de rire comme des idiots. Lucie ouvrait des yeux avides sur les traits marqués de son fils. La dernière image qu'elle avait de lui était celle d'un petit garçon, et voilà qu'un homme se tenait devant elle, qui semblait avoir englouti la version enfantine d'Armand. Le coin de sa bouche charnue s'étira en un demi-sourire à la fois tendre et désenchanté, qui lui creusait désormais une fossette au cœur de la joue. Lucie fondait de bonheur et de tourment mêlés. Qu'avait donc bien pu vivre son fils pour être à ce point transformé ?" pg 167
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"Il s'avança jusqu'à [l'un des miroirs] et ce qu'il vit n'était plus lui.
Certes il avait le visage crasseux et la capote raidie de boue séchée.
Mais cela il s'y attendait.
En réalité, ce qui le frappa le plus, c'était la gravité de son regard. Il avait toujours eu l'iris noir comme l'ébène, mais l'ovale de ses yeux était désormais oblique, et un sillon s'était creusé au milieu, comme s'il fronçait les sourcils en permanence. Ses joues s'étaient creusées, et deux rides d'amertume qui partaient des ailettes du nez jusqu'au menton encadraient désormais sa bouche craquelée comme une parenthèse. La guerre s'était imprimée sur son visage autrefois poupin. Il avait vieilli de dix ans en dix mois." pg 106
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