Citations sur Et pour le pire (26)
Ne pas mourir idiot. Ne pas mourir innocent. Si je me suis trompé et que le dernier jour je me retrouve devant saint Pierre, je vais avoir l'air fin. Je préfère saint Patrick, au moins, chez lui, on boit des bières.
Je suis vieux, je suis seul, je suis alcoolo, je suis une caricature.
Ce soir, je me couche détendu. Pas mal bourré, ce qui actuellement revient au même. L’alcool a ce dangereux pouvoir de faire fuir les démons, les mauvais souvenirs, les douleurs et les insomnies. Je deviens peut-être alcoolique, mais je m’en fous. A mon âge, devenir dépendant n’est pas vraiment grave. Je serai mort bien avant que cette dépendance ne devienne dangereuse. Alors je la titille, je joue avec elle. Je sais que c’est pas elle qui me tuera, alors je l’emmerde ! Ouais, bien comme il faut, avec les formes. Je l’emmerde. Demain matin, je me fais un petit déjeuner à la bière.
- Je ne sais pas si tu te rappelles, mais avant on était amis et tu savais où se trouvait le bar. Avant que ton fils ne tue ma femme et que tu n'essayes de la faire passer pour une allumeuse aux yeux de tous. Les bouteilles sont toujours au même endroit, rapporte-moi une bière. Tu auras fait au moins un truc utile dans ta journée, enculé.
Il revient deux minutes plus tard, toujours précédé de cette odeur de sueur dégueulasse. Il pose la bière décapsulée devant moi et s'installe en face d'un whisky XXL. Il en avale la moitié, d'une gorgée. Il a le regard aussi vide que celui d'un curé tentant de comprendre l'évolution selon Darwin.
A mon âge, se lever n'est pas une partie de plaisir. Ma vieille carcasse craque de partout, les douleurs se réveillent en même temps que moi. Je passe vider ma vessie, l'odeur d'urine est forte, surtout celle du matin. J'ai encore ma prostate, fatiguée, mais elle fait son taf comme elle peut. Le solide gaillard que j'étais il y a de nombreuses années a disparu au profit d'un vieux pantin désarticulé, plein d'arthrose, aussi rapide qu'une tortue sous tranquillisants. Je maudis, encore une fois, ce miroir qui me lance mon reflet à la figure comme une insulte.
Vingt ans de rage qui marine, ça fait mal, c’est comme la gnôle.
Après avoir dégusté le succulent repas préparé par Bao, nous passons sur la terrasse ombragée. Les saveurs des épices tournent encore dans ma bouche. Le soleil déchaîné, l’accent léger mais bien présent de mes hôtes, et pendant quelques instants je me crois revenu au Sénégal. Et bon sang ! je me sens aussi bien que le curé lorsqu’il se tripote en écoutant les cochonneries que ses ouailles lui balancent dans le confessionnal.
Les glaciers deviennent des flaques, les forêts brûlent, la mer est une poubelle à plastique et les espèces animales disparaissent les unes après les autres, mais tant que la bourse ne s'effondre pas, tout va bien.
Au village, beaucoup se demandent comment il est possible que je sois encore en vie. Et sur ce point je les comprends. Je suis même complètement d'accord avec eux, mais moi je sais pourquoi je suis encore là, comme une mauvaise herbe dont on essaye de se débarrasser au milieu d'un parterre de fleurs et qui revient chaque semaine.
Elle ne se fâchait pas souvent, ma Bénédicte, mais lorsque cela lui arrivait son vocabulaire était aussi fleuri que celui d’un capitaine Haddock non censuré.