Rêves, souvenirs… Le tout s’est mélangé étroitement pendant ces derniers jours. J’ai parfois même l’étrange sensation que dans mon esprit se produisent des accidents de rouages, des flux d’images et de paroles sur lesquels je n’ai pas le moindre pouvoir. Il m’a été difficile de me reconcentrer, de focaliser ma mécanique imparfaite sur les images que j’essaie d’exhumer, profondément enfouies dans l’ombre. Mais elles continuent de revenir, même en désordre.
Je ne sais ce qui me pousse à m’avancer vers les rayonnages. L’ennui, peut-être ? Je ne m’en rappelle pas. Je me revois seulement me mettre debout, promener un doigt sur les tranches épaisses et douces, lire rapidement les titres. Je choisis un roman d’aventures dont le nom désormais m’échappe, une distraction pleine de romances désastreuses, de duels singuliers, de querelles et d’attaques de bandits. La lecture me prend, me saisit à la gorge, donne un sens à mes jours. Je parcours page après page à une vitesse délirante, ne pouvant empêcher mes yeux de suivre le tracé des mots, de poursuivre leur course folle vers le prochain chapitre.