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Le Dossier M tome 3 sur 5
EAN : 9782290220177
480 pages
J'ai lu (15/01/2020)
4.6/5   10 notes
Résumé :
"Le truc, c'est que la réalité a beaucoup plus d'imagination que nous."

"Grégoire Bouillier forme une entreprise qui n'a pas eu beaucoup d'exemples et dont l'exécution n'aura sans doute guère d'imitateurs. Pour en rendre compte, je vous propose un terme : "transport". C'est un mot qui évoque tout d'abord un véhicule, un déplacement, mais aussi l'extase, l'épiphanie, l'éblouissement, l'élan. Eh bien c'est tout cela, Le Dossier M : un moyen de transport... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Il s'agit du Tome 6 qui est vert, c'est le dernier tome de l'édition de poche de ce récit hors-norme et passionnant.
Toutes les digressions, cinéma, séries, sport, musique, valent le détour.
Vraiment, ne passez pas à côté de cet auteur dont le dernier livre : "Le coeur ne cède pas" méritait plusieurs prix.
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Citations et extraits (4) Ajouter une citation
Je revis M une dernière fois.
C'était à la terrasse d'un café.
Le soleil était éblouissant, surtout en ce début d'hiver.
Une fin d'après-midi de rêve.
Il devait être aux alentours de 17 h 30.
Elle portait son fameux jean gris Armani et, boutonné jusqu'au cou, un chemisier en vichy bleu marine à manches longues.
Cela ne traîna pas. Nous parlâmes pour ne rien dire, moi touillant mon sucre dans mon café, elle touillant sa rondelle de citron dans son Perrier avec son touilleur en plastique vert à l'effigie de Coca-Cola, comme si tout était normal. Comme si nous étions de simples collègues de travail prenant un verre après le boulot. Comme s'il n'y avait jamais rien eu entre nous et que nous n'avions plus rien à nous dire. Plus rien en commun. Plus rien à voyager qui n'eût déjà été exploré - ou laissé vierge derrière nous. Il y a un moment, dans les séparations, dit Flaubert à la fin de L'Éducation sentimentale, lors de l'ultime rencontre entre Frédéric et Mme Arnoux, où "l'être aimé n'est déjà plus là". C'est vrai.
Je le confirme.
Son stage était terminé et elle quittait la boîte. Elle avait dit au revoir à tout le monde. Bisous bisous. C'était à vomir. Notre histoire avait vécu et tous les deux le savions. Nous avions échoué. Nous n'avions pas su. Pas pu. Pas assez voulu.
Trop de choses s'étaient révélées contraires. Et il était trop tard à présent. J'avais beau regarder son visage à la dérobée, il me semblait qu'il reculait déjà dans l'ombre dans laquelle j'entrais moi même.
J'aurais voulu dire quelque chose, pour dire, encore dire, dire malgré tout, essayer encore, rater toujours mieux, pourvu que ce soit avec elle ; mais c'était inutile. Quelque chose s'était interposé - mais quoi ? De quel refus s'agissait-il au juste ? De quel interdit ? Je n'avais pas d'explication. Je n'avais pas de mots. Je n'en ai toujours pas.
Le soleil éblouissait la rue devant nous ; il allait mettre un temps fou à se coucher. Et quand il serait couché, ce serait une très longue nuit.
Les gens passaient sur le trottoir. Leur démarche avait quelque chose de mou. On aurait dit des figurants. Tout semblait tellement factice à cet instant. C'était l'un de ces moments où l'on s'efforce de jouer du mieux qu'on peut son rôle parce qu'il est impossible à tenir.
Je m'éternisais cependant. Je ne parvenais pas à me résoudre à la. Je redoutais tellement ce qui. Allait se passer. D'ici une heure. D'ici deux heures. D'ici cette nuit. Et puis le lendemain. Et puis les jours suivants. Et les semaines et les mois - combien de temps exactement à devoir affronter son absence ? A ressasser mon propre anéantissement ? A déplorer. A me haïr Je songeais à cela.
J'avais fini mon café et tripotais l'emballage du sucre, le pliant en quatre, en six, en huit. Elle avait à peine touché à son Perrier. À un moment, d'une voix qui me parut traduire exactement le fond de sa pensée, elle dit doucement, distinctement, sans aucune autre émotion qui n'appartînt exclusivement aux mots qu'elle prononça : "Vous me faites pitié."
Vous me faites pitié.
Je hochai la tête un instant, les yeux au loin, un peu ébloui par le soleil.
Me levai lentement. La regardai. Restai un instant debout, immobile, devant elle, en plein soleil, sans cesser de hocher lentement la tête.
C'était le moment. C'était le signal du départ. Je le savais. Je le sentais. Je n'allais plus cesser de hocher lentement la tête à partir de maintenant. Je sortis un billet et le déposai sur la table. Je ne... Le mot larmes. Mais non. Pas devant elle. Il était trop tard. Même pour les larmes.
Je levai les yeux vers son visage et l'effleurai du regard. Comme un dernier baiser. Un dernier cliché. Puis murmurai d'une voix qui me fera honte toute ma vie :"Vous aussi."
Vous aussi.
Puis je la regardai une dernière fois. Mais je ne la voyais plus. Elle avait déjà disparu à mes yeux. Je tournai les talons et m'éloignai, m'éloignai, m'éloignai, m'éloignai, m'éloignai tout droit.
Sans me retourner.
J'avais surtout le sentiment d'un grand calme en moi. D'un vide immense. Je me sentais - comment dire ? Le mot anesthésié ici. C'est ce que je dirais. Pour autant qu'il m'en souvienne. Dans la rue, j'avançais tout droit, à une allure relativement pressée, de façon plutôt mécanique. Avec une seule idée en tête, m'éloigner, m'éloigner, m'éloigner. Fuir. Voilà. Je ne marchais pas, je fuyais. Sans me retourner. Sans regarder où j'allais. Je voulais mettre le maximum de distance entre M et moi. Juste mettre un maximum de distance entre moi et celui qui était resté assis au café et dont je m'étais décollé astralement pour le planter là, le laisser sur place, l'abandonner à son sort, ne plus rien avoir à faire avec lui et, si cela se trouve, il est resté assis à la même table de café, pliant et dépliant sans fin le même petit papier d'emballage. Qui sait ?
En attendant, je voulais mettre le maximum de distance entre celui que j'étais du temps de M et celui que j'allais devenir, inéluctablement. Je n'avais pas envie de le connaître celui-là. Je n'y tenais pas du tout. J'évitais d'y penser. J'étais incapable de penser à ce moment là. Je me contentais de marcher, tout droit, au hasard des rues, comme on cherche à s'étourdir. Si je me disais quelque chose, c'était plutôt des choses du style : je marche, je suis en train de marcher, je peux faire un pas devant l'autre sur le trottoir, j'en suis encore capable, c'est bien, continue, ne t'arrête pas, ne te retourne pas. Il fait beau. Regarde ce soleil : comme il brille. Regarde ce magasin : il vend des abat-jours soldés 30 %. Regarde ces voitures : fais attention en traversant.[...]

C'est une erreur de croire que les histoires d'amour appartiennent à ceux qui les vivent et, ceux-ci disparus, l'histoire s'arrêterait aussitôt, comme qui dirait faute de combattants.
L'histoire ne finit pas avec les amants !
L'objet de l'amour n'est pas son sujet !
Ce serait trop beau si c'était le cas.
Les amants ? Ils sont l'élément déclencheur de l'histoire mais en aucun cas ils ne sont l'histoire elle-même.
Ils sont des figurants que l'amour sacrifie sur l'autel de son histoire.
Ce qui s'appelle être victime de l'amour.
Dans mon histoire de M, M fut une figurante.
Et moi de même.
Nous y avons tous les deux figuré, du mieux que nous pouvions.
Rien d'autre.
On pense vivre une histoire d'amour mais c'est l'amour qui vit à travers nous sa véritable histoire.
Je le sais aujourd'hui : mon histoire de M n'a jamais tenu au personnage de M, elle ne s'est pas résumé à elle, comme je le crus pourtant, ô combien ! De bien plus loin elle venait ; et bien après va se prolonger.
Entre les deux : le quart d'heure de célébration du bonheur.
L'illusion féroce d'avoir vécu et non seulement existé.
D'être sorti du temps alors qu'on était en plein dedans.
M comme une histoire du temps.
Le mien de temps et celui de l'époque.
M n'a pas épuisé l'histoire, non, elle l'a occultée.
Maintenant qu'elle n'occupe plus toutes mes pensées ni tout mon champ de vision, la vérité m'apparaît.
L'étendue des dégâts.
C'est un autre effet de la disparition de M.
Il aura fallu que M sorte du paysage pour que celui-ci m'apparaisse et, avec lui, ses reflets désolés à perte de vue.
Ses échos mordorés à perdre haleine.
Ses joies à venir, pétries de chagrin.
Ses vérités encore insoupçonnables.
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Si je cours après quelque chose dans l'existence, c'est après les révélations. Je veux que tout me soit chemin de Damas. Tout me soit pont de Neuilly. Me soit tables tournantes à Jersey. Je ne vise rien d'autre. Ne suis sensible à rien d'autre. Je ne cherche pas des explications, des confirmations, des justifications, des coupables et je ne sais quoi encore : je cherche des "révélations". Uniquement ce genre d'émotions. Exclusivement ce genre de chocs. Non pour ce qu'ils sont, mais pour le monde qu'ils détruisent et recréent dans le même mouvement. L'émotion de la révélation : voilà qui me plaît le plus au monde. Les révélations sont ma nourriture. Elles sont ma modalité. Que rien ne me soit révélé, d'une façon ou d'une autre, aussi minime cela soit-il, et je crois que je suis mort.
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Sachant que détester spontanément la musique de Richard Wagner n'aidait pas non plus à approfondir le sujet. Qui perd son temps à se demander pour quelles raisons il n'aime pas ceci ou cela ? Les endives, par exemple. Il a mieux à faire. Il le croit. À tort. Car nous ne sommes pas seulement ce que nous aimons et chérissons : nous sommes aussi ce que nous n'aimons pas et détestons. Peut-être sommes-nous même davantage ce que nous haïssons que ce que nous aimons et ainsi élucider nos détestations serait nous élucider nous-mêmes et, à tout le moins, en apprendre long sur notre compte.
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15.1. "Lorsque, il y a seize ans, j'ai pensé que la loi de causalité était en soi dénuée d'importance et qu'il y avait une façon de considérer le monde qui n'en tenait pas compte, j'ai eu le sentiment d'être au seuil d'une époque nouvelle" (Ludwig Wittgenstein, Carnets secrets).
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Vidéo de Grégoire Bouillier
Il y a un an, une soirée spéciale a été organisée autour du roman "Le coeur ne cède pas" de Grégoire Bouillier (éditions Flammarion, prix André Malraux 2022) qui avait reçu une bourse d'écriture du CNL. Découvrez l'entretien enregistré avec l'auteur.
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