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Citations sur Fouette, cocher ! (8)

 Un jour il y aura les hommes d’un côté les femmes de l’autre, dans des communautés. Après la destruction, évidemment. Le peu qui survivra. Ils s’enverront des messages de fenêtre à fenêtre, par feux, par pigeons, pour annoncer que l’un ou l’une vient de mourir. Le silence s’affinera à chaque disparition jusqu’à toucher le bonheur que les derniers soupçonneront, mais que personne ne vivra.
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 Misères, misères partout, le feu, les pendus, les viols, les déportés. J’ai quitté Laon voici trois jours. On parle de tes hauts faits, là-bas. Les Anglais surtout, qui disent sans se signer, à moi homme d’Église, abbé de Saint-Vincent, que Dieu s’est fait Diable et qu’il est ici. Ta hache serait du bois de la sainte Croix, dans son fer un clou du Christ.
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Ils se marièrent dans une galimafrée d’oignons, au branle de tambourins improvisés, dans un grand concours de peuple qui fumait de l’armoise dans des pipes en terre. Les cloches de Longueil ne cessèrent pas de sonner, ce jour-là, d’une gaieté qu’on ne leur connaissait plus depuis la déroute de Poitiers. Cette fête fut le dernier oubli. La nuit de noces n’entendit pas les contes, ainsi qu’on en avait coutume, mais chacun de se terrer, après cette flambée, comme après un vol.
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— Elle t’a aimé, ajouta Aurore, mais tu lui faisais toujours des scènes. L’autre ne disait rien, lui. C’est plus commode à vivre et qu’est-ce qu’on cherche dans la vie ? A vivre. C’est pourtant simple. Je me demande ce que tu peux voir du paysage quand tu pleures.
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Emile n’avait aucun sens religieux ; la vie et la mort ressemblaient pour lui aux deux tronçons d’un ver que la bêche coupe, l’un reste au-dessus, l’autre rentre sous terre. Il demeurait parfois des heures sur son siège, à la promenade du front de mer, près de la gare où les trains quittent le jour, passent sous une verrière et rentrent dans la nuit des bateaux, au pied des statues, Place des Corsaires, où les pigeons nichent dans les plumes en bronze des tricornes et symbolisent à chaque envol les victoires des marins qui les accueillent bottés, dardant leur sabre, le genou ployé pour l’assaut, verdis par les pluies et montrant dans leur position triangulaire, chacun pointant vers un centre idéal de leur face à face, que la guerre est un jeu fameux, qui peut se continuer à trois amis, concitoyens, rivaux d’égale gloire, sur un étroit terre-plein de pavés, après en avoir décousu au milieu des vagues sans limite. Émile Gaudens regardait sans amertume les voyageurs s’engouffrer dans les taxis, les estivants s’entasser dans leurs automobiles, il y avait toujours quelqu’un pour lui demander une course nonchalante dont il débattait le prix avant d’ôter le sac d’avoine du cou de sa bête et de saisir les rênes. Parfois âpre, parfois large au point de n’accepter que ce que l’on jugeait bon de lui offrir, il n’avait pas de barême, étant sans concurrence, et la visite au contrôleur des Finances pour décider du montant de ses impôts restait pour lui comme un dimanche dans la vie, mais fatal. Il s’habillait pour se rendre auprès du fonctionnaire d’un costume ancien, toujours neuf, mais qu’il ne pouvait fermer, ayant grossi, et couvrait sa tête massive et rouge d’un chapeau melon de la couleur des tourterelles. Sans ruse et sans se plaindre il fraudait avec naturel et ne parlait que de son cheval, sorte de mythe qui avait eu plusieurs noms et deux sexes au cours des âges et qui s’était appelé Face à l’Est, Mandrin, Coquette, aujourd’hui Aristide.
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Celle-là, Maurice Forge la surnommait Félone. C'était une blonde qui le désennuyait quelquefois et l'ennuyait beaucoup, mais il en avait pris l 'habitude.
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Les derniers paysans à se cacher dans des trous, à se « mucher », quittèrent leurs souterrains, car la moindre brise portait sur la campagne désolée les ahans du Grand Ferré. Une telle peine invitait à l’aider, un tel effort ! On attendait Longueil un nouvel assaut des troupes que le château fort de Creil vomissait avec régularité. On avait beau en tuer. Il en venait toujours. Mouron le Bossu recomptait pas plaisir les bâtons sur son registre, un cimetière d’anglais. Ah, Londres retient prisonnier notre bon roi Jean ! Ah, le pauvre dauphin Charles ne sait où poser le pied sur le sol qu’il régente vaille que vaille ! Chausse-trapes, et crocs-en-jambes, l’occupant frappe de plaisir sa panse pleine de harengs ! Vous paierez, messieurs les Anglais ! De plus en plus cher. Même s’il faut nous battre un siècle ! Nous les vilains, les sans-terre ! C’était une prémonition : il faudrait attendre un siècle en effet pour que naisse la bergère de Domrèmy. Mouron le Bossu assis dans la chapelle de l’Apocalypse nota l’arrivée de deux nouveaux Jacques, si faibles qu’ils auraient pu rester dans leurs caches à grignoter des racines. Colard Sade allait les renvoyer, si le Grand ferré n’avait fait remarquer que deux bouches de plus à nourrir pouvaient aussi crier et qu’il avait besoin de leur encouragement dans sa boucherie. Oui, il l’avouait, lui que chacun pensait d’un roc sans faille. Toute rencontre avec un corps de Navarrais, une escouade de godons, lui faisait perdre un poids que chacun se plaisait à contrôler par le nombre de litres d’eau que le géant entonnait pour se rétablir.
(Extrait de la nouvelle : Le Grand Ferré, p. 48-49)
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- Aristide ? Les impôts me dessèchent. Je n'ai pas de maison. D'autres vivent dedans. Je vais les regarder. J'en perdrai la raison.
L'avenue bordée de hêtres descendait vers la mer et le cocher chantait à tue-tête, si gai, des paroles si tristes que le cheval allait en zigzag, incommodé par cet inhabituel charivari.
A l'ordinaire, Émile Gaudens qui le menait sans lui tirer la bouche gardait le silence et paraissait penser, et il arrivait qu'il pensât...
(extrait de "Fouette, cocher !" nouvelle extraite du recueil éponyme paru chez "Gallimard" en 1979)
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