Le chenal

C'est un album rare que voilà édité à seulement 3000 exemplaires pour commencer. Si les objectifs de financement sont dépassés, il y en aura plus. Certains auteurs font appel à différentes sources de financement dont la participation directe du public afin de produire leur oeuvre. D'autres auteurs sont obligés de financer eux-même une grande partie des frais d'impression comme c'est le cas en l'espèce. L'avantage est que cela procure une certaine forme d'indépendance dans la création.

Thierry Boulanger possède un univers graphique bien à lui qui est d'une beauté presque irréelle. Ceux qui ont lu Et si nous devions tomber… pourront comprendre ce que l'on ressent à travers cette lecture. Encore une fois, l'auteur prend tout son temps pour nous raconter une simple histoire avec une narration assez longue et pesante ponctuée de beaucoup de poésie. C'est le genre à éviter si on aime l'action. On accompagne seulement les pensées du narrateur qui se souvent avec nostalgie d'un vieux marin atteint par le cancer.

Les paysages sont ceux d'un chenal de Charente Maritime. C'est très beau au niveau du dessin qui parvient à nous fasciner. Cela comble la lenteur sur une pagination très importante. Les couleurs pastels donnent un effet très particulier à cette oeuvre. Les bestioles ressemblent à des vélociraptors prêt à nous dévorer au détour de ces marais très étranges. C'est le réalisme du trait qui est étonnant.

On peut juste regretter que le scénario ne suit pas la beauté réaliste du dessin. Pour l'instant, l'auteur ne s'est jamais associé à un autre. Cela produirait sans doute un résultat intéressant.

Je sais que ce n'est pas la maladie qui l'a emporté.
Le Chenal et ses fantômes l'avaient appelé.
Les mouettes le savaient.
Quelque chose l'avait traqué, surtout depuis qu'il crachait du sang, tous les matins, vous comprenez..

Ce roman graphique ( - ou cette BD, moi j'ai vraiment du mal avec les dénominations de ces albums dessinés...) est extrèmement touchant, prenant et triste.

Le narrateur semble parler au lecteur qui l'accompagne dans sa visite sur ce chenal, un lieu où il a vécu enfant, dans le Sud-Ouest, un petit village où tout le monde se connaissait. Il veut raconter quelque chose de terrible qu'il a vu, enfant, dans ce chenal. "Moi seul ai pu tout voir" dit-il. Les monstres l'accompagnent pendant son récit, comme dans une sorte de légende de marins, peuplée de monstres, de vagues scélérates, de marins perdus, de créatures immenses et meurtrières. C'est également métaphorique pour parler du cancer, celui d'un marin mystérieux et sauvage, et celui du narrateur.


L'ambiance est installée dès le début, dès l'ouverture. Les dessins, magnifiques et précis de bateaux échoués, abîmés dans la vase, les monstres mythiques, sortes de raptors, sombres, aux yeux fous, les monstres marins tels les mégalodons sont parfaits de précisions terrifiantes ... La couleur, dans les ocres et les bleus gris, le lettrage du texte, par Olivier Romac magnifient le récit tout en lui donnant cette ambiance oppressante.


C'est juste magnifique et tellement sombre.

Un album à lire, à admirer.



Le Chenal - Thierry Boulanger, Kotoji Editions, Juillet 2017, 22 €


Lien : https://melieetleslivres.wor..

Dessins superbes, couleurs sombres, crépuscule perpétuel, ambiance nostalgique et un magnifique déroulé d'images du littoral charentais.

Cet album est un monologue, un homme qui raconte un souvenir d'enfance, celle d'un homme malade, condamné, rentrant de la pêche traqué par quelque chose...

Très personnel et à part, le livre assimile l'affrontement avec des monstres et le combat contre la maladie.

Poétique, triste et prenant.