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Barbara Nasaroff (Traducteur)
EAN : 9782253047742
115 pages
Le Livre de Poche (03/11/1988)
3.7/5   90 notes
Résumé :
Le docteur Iachvine se tourna brusquement vers moi, et je remarquai que son regard se faisait soudain pesant : [...] - J'ai tué, précisa-t-il.
- Quand cela ? repris-je de façon saugrenue. Iachvine indiqua le chiffre "2" et répondit :
- Pensez un peu, quelle coïncidence. Dès que vous avez commencé à parler de la mort, j'ai regardé le calendrier, et j'ai vu que nous étions le 2. Du reste chaque année cette nuit-là me revient en mémoire.
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Critiques, Analyses et Avis (10) Voir plus Ajouter une critique
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"J'ai tué" est un recueil de six nouvelles de Mikhaïl Boulgakov parues dans différentes publications soviétiques entre 1922 et 1926, soit aux débuts de sa 'carrière' littéraire. le choix des nouvelles est pertinent. Il permet d'aborder les thèmes majeurs de l'auteur, notamment ceux développés dans "la Garde blanche" dont la publication périodique a débuté en 1926. Boulgakov a trouvé la matière de ses nouvelles dans ses expériences personnelles les plus marquantes.

C'est le cas dans la nouvelle ''j'ai tué'' où le narrateur, un jeune médecin, se voit réquisitionné par l'armée en déroute de Pétlioura. Les soldats sèment la terreur dans les rues de Kiev.

Deux autres récits sont inspirés par la guerre civile :
- "la couronne rouge" : un homme part au front chercher son frère. Il le laisse mener un dernier assaut qui lui sera fatal. Evènement qui le traumatisera et lui fera perdre la raison,
- "le raid" raconte l'attaque de sentinelles par des soldats de Pétlioura. L'une des sentinelle, guidée par la lumière d'une lanterne, parviendra à survivre.

Quant à "l'éruption étoilée", la nouvelle est présente dans le recueil "récits d'un jeune médecin". Tout juste diplômé en médecine, Boulgakov a travaillé plusieurs mois dans un hôpital de campagne. Il raconte comment un jeune médecin, sûr de son diagnostic, parvient à guérir de la syphilis des paysans réfractaires.

Dans "Le feu de khan Tougaï", un noble revient secrètement dans son palais au cours d'une visite guidée, quelques années après la Révolution. Il est horrifié par l'irrespect des autres visiteurs et par le projet de transformer certaines pièces en bibliothèque. Prenant conscience que le changement est irréversible, il préfère mettre le feu à son palais.

Le dernier récit est le plus surprenant par sa douceur et sa simplicité. Dans un logement communautaire, un homme accueille le fils d'une voisine, il tente de faire prendre conscience à la mère que son conjoint ne reviendra pas et lui propose de s'unir à lui.

Pour conclure, ce recueil est une excellente introduction à l'oeuvre de Boulgakov. Les nouvelles sont accessibles, variés et d'une grand qualité littéraire.
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"Tuer un chien méchant est même une très bonne action" (*)

Boulgakov est alors médecin dans cette période post- révolutionnaire russe qui ouvre à la guerre civile. Il conçoit à partir de ces bouleversements vécus, en tant qu'écrivain cette fois en 1926 sa nouvelle semi-autobiographique sur le choix fatal de son protagoniste de passer à l'action. L'ambiguité de sa situation, de la situation, repose sur des forces antagonistes qui s'affrontent en Ukraine avec une violence extrême, les troupes de Petlioura, les bolcheviks et les troupes blanches de Denikine. Eu égard à cette abomination qui s'abat sur son pays, les bolcheviks lui apparaissent plus enclins à l'entendre, ce sont les premiers à déloger les séparatistes ukrainiens. de deux maux le moindre.

C'est dans cet imbroglio total que l'homme apparaît : le docteur Iachvine face à son destin, il ne se résigne nullement à son sort, et va justifier son action dans le crime, le crime commis sur un colonel, sinistre individu aux ordres de Petlioura. L'intellectuel Iachvine s'efface devant le combattant et nous révèle sa vérité ..

L'entrée en matière s'opère comme dans un univers gogolien et au fil des pages Boulgakov décline sa prose singulière. envoutante..

Pour la petite histoire, Boulgakov abandonne son activité de médecin pour celui d'écrivain dans les années 1920. il s'essaie à la nouvelle et pas qu'un peu, considérons ses premières comme des exercices parfois brillants comme ici, son témoignage, son regard sur l'époque tant débattue est de premier ordre. Il faut lire les nouvelles russes, elles permettaient de se faufiler dans les revues à bon compte et n'étaient nullement conçues comme ici : seul le nombre de pages permettait de les identifier, elles recueillaient un franc succès auprès des russes et furent bien souvent un moyen de subsistance.. (Tchekhov gagnait plus à écrire qu'à exercer sa médecine). Alors qu'ici on la considérait comme un genre mineur, cela se voit moins de nos jours où le genre roman est mis à toutes les sauces et laminé par sa médiocrité..

(*) Guerre et Paix, Tolstoï
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Toutes les nouvelles de ce recueil sont inspirées des expériences personnelles de Mikhaïl Boulgakov. Écrits entre 1916 et 1926, ces textes témoignent d'un esprit profondémment angoissé. Comme s'il n'avait retenu que l'absurdité et l'horreur des événements marquants de cette Russie alors en plein déclin (chute du tsarisme et guerre civile en Ukraine en 1919), Boulgakov traduit avec désarroi les doutes qui ne cessent de hanter son âme. Abandonnant son scalpel au profit de la plume, le médecin devenu auteur, livre dans ce recueil des récits sur lesquels plane dangereusement l'ombre de la folie. " Ainsi a pu naître, chez l'écrivain soviétique, ce que l'on a appelé son " fantastique noir ", c'est à dire la prolifération de formes sombres, insolites et déroutantes, parfois hallucinatoires et diaboliques, un monde de fantasmagories d'une angoissante absurdité que pourrait illustrer la célèbre phrase de Goya " le sommeil de la raison engendre les monstres " (extrait de la préface de Nicole Chardaire).

De ces cinq nouvelles où la fiction le dispute au réalisme, celles que j'ai préféré sont La couronne rouge et L'éruption étoilée. J'imagine que ce ne sont pas les textes les plus significatifs du " fantastique noir " de Boulgakov mais ils m'ont semblé refléter les traumatismes et les tourments de l'auteur : culpabilibité, folie, désespoir pour La couronne rouge (publié en 1922) et solitude et maladie pour L'éruption étoilée (rédigé au début des années 1920 mais publié en 1926), ces deux textes marquent deux événements décisifs dans la carrière de Boulgakov. L'éruption étoilée qui évoque sa vie de jeune médecin à la campagne annonce en effet sa spécialisation dans la vénérologie (on notera cependant que contrairement à d'autres textes, cette nouvelle ne sera pas intégrée aux Récits d'un jeune médecin). La couronne rouge qui sera intégrée à un chapitre historique du roman Maître et Marguerite, signe quant à elle, la reconversion définitive de Boulgakov à l'écriture. Bien que ces textes soient courts, j'en ai apprécié le ton et la portée car ils se réfèrent implicitement à l'histoire d'une Russie alors minée par la Révolution bolchévique et divisée par la guerre civile (russes rouges contre russes blancs). Je n'ai pas trouvé ces nouvelles percutantes (peut-être Boulgakov s'est-il auto-censuré ?) mais à la manière d'une invitation timide, elles incitent à approfondir la lecture de l'écrivain russe qui venait de Kiev...
Lien : http://livresacentalheure-al..
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Courtes nouvelles sur la cruauté de chefs de guerres sanguinaires sévissant en Ukraine au début du siècle dernier, sur la rébellion et sur l'humanité du médecin, incarné par Boulgakov lui-même qui exerça dans des contrées paysannes de Russie.
Il y a une grande profondeur candide dans les écrits de Boulgakov. Un écrivain qui mérite d'être connu.
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Ce recueil est un ensemble de courtes nouvelles écrites par Boulgakov, elles ne sont pas rassemblées dans l'ordre chronologique, ni sur un critère thématique non plus. En Russie, celles qui ont été publié dans un journal médical à l'origine sont rassemblées dans un recueil appelé Récits d'un jeune médecin. Il y a d'autres récits que Psaume sur le thème du logement mais je ne crois pas qu'ils aient été traduits. Les autres récits sont plus ou moins toujours liés à des événements historiques : la guerre de 14, la Révolution, la guerre civile. Je trouve que dans cet ordre ils ne sont pas mis en valeur, le résultat est disparate. Par contre les courtes explications qui précèdent chaque nouvelle sont bienvenues et permettent de situer chacune d'entre elle.
Le feu du Khan (1924) : histoire d'un noble revenant avec un groupe de touristes dans son ancienne propriété, et y mettant le feu en murmurant « Rien ne reviendra plus. Tout est fini. A quoi bon se mentir… Eh bien, nous emporterons tout cela avec nous... ». le récit est écrit sur le mode d'un récit fantastique.
J'ai tué (1926) : récit probablement autobiographique qui raconte les circonstances dans lesquelles un médecin tue délibérément quelqu'un qu'il était censé soigner.
Le raid (1922) : récit d'un épisode dramatique de la guerre civile vu à la lumière d'une lanterne (d'où le sous-titre «Dans la lanterne magique »)
La couronne rouge (1922) : récit non autobiographique où l'on retrouve des thèmes majeurs chez l'auteur : l'image du frère cadet mort pendant la guerre civile (qui reviendra dans d'autres nouvelles et dans « La garde blanche », le thème de la lâcheté, de la culpabilité et de l'expiation (qui prendront leur plein développement dans « Le Maître et Marguerite »)
Psaume (1926) : texte satirique sur les appartements communautaires, très bref, tout en dialogues
L'éruption étoilée (1926) : récit inspiré par sa première année de médecin dans la Russie profonde en 1916, et par sa lutte contre la syphilis dans les campagnes. Effarant.
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Citations et extraits (15) Voir plus Ajouter une citation
si un malade meure entre nos mains, on ne peut s'en prendre qu'à un hasard malheureux. C'est ahurissant tout de même! Comme si l'assassinat était le propre de notre profession! J'appelle assassinat l'action consistant à tuer un être humain avec préméditation, ou tout du moins avec l'intention délibérée de tuer. Un chirurgien armé d'un revolver par exemple. Mais je n'ai pas encore eu l'occasion d'en rencontrer un à ce jour et il est peu probable que cela se produise jamais.
Le docteur Iachvine se tourna brusquement vers moi et je remarquai que son regard se faisait soudain pesant.
- A votre disposition fit-il en pointant du doigt sur sa cravate et en esquissant à nouveau un petit sourire oblique (...)

- j'ai tué -
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C'est vrai. Je n'ai pas d'espoir. Dans l'angoisse brûlante des ténèbres, j'attends, mais en vain, que revienne le vieux rêve de la pièce familière, des yeux rayonnant d'une lumière paisible. Rien de tout cela n'existe, rien ne sera jamais plus.
Le poids ne fond pas. Et dans la nuit j'attends, résigné, que vienne le cavalier familier aux yeux aveugles(...).
Oui, c'est sans espoir. Il me tourmentera jusqu'au bout.

- la couronne rouge -
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Tougaï se passa la main dans les cheveux, se retourna, aperçut une silhouette se dirigeant vers la bibliothèque, pensa involontairement : "je vieillis", puis se remit à marmonner :
- Ils ont piétiné mon sang et tout ce qui était ma vie, comme si j'étais mort. Peut-être suis-je réellement mort? Peut-être ne suis-je qu'une ombre? Pourtant, je vis (...), je sens, je ressens tout. Je ressens nettement la douleur, mais plus encore la fureur - Tougaï crut voir l'homme nu passer dans la salle sombre, le froid de la haine glaça ses articulations. Je regrette de ne pas l'avoir tué. Je le regrette. La fureur montait en lui, il avait la bouche sèche.

- le feu de Khan Tougaï -
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Plus que tout je hais le soleil, le bruit des voix et ce crépitement rapide. Je crains les gens à tel point que le soir, lorsque j'entends dans le couloir un bruit de pas et de conversations, je me met à pousser des cris. C'est pourquoi j'ai une chambre spéciale: la chambre n°27, une chambre calme - la meilleure, tout au fond du couloir. Personne ne peut y venir. Et pour bien m'assurer que j'y suis vraiment en sécurité, j'ai demandé avec insistance, en pleurant, qu'Ivan Vassiliévitch me délivre un certificat tapé à la machine. Il a accepté à ma requête et a rédigé un document me plaçant sous sa protection, en attestant que nul n'a le droit de se saisir de moi. Seulement, j'avais un doute, à dire vrai, sur la valeur de sa signature. Alors il a demandé au professeur d'y adjoindre la sienne et a apposé sur le tout un cachet bleu et rond. Cela avait ainsi une toute autre allure.
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Abram voulait ôter de son cerveau la flamme jaune qui le torturait, s'en débarrasser, mais elle s'entêtait à rester, brûlant tout à l'intérieur de sa tête devenue sourde. Puis l'aiguille de glace dans son coeur semblait se détraquer, et les heures de la vie se mettaient à tourner d'étrange façon, s'égrenant à l'envers - la chaleur cédait la place au froid qui passait de la tête vers les pieds, la bougie se déplaçait vers la tête et la flamme jaune vers le coeur ; le corps cassé d'Abram était secoué en tierce de brefs tremblements, à contre-mesure des battements de la vie. La peau de mouton devenait alors insuffisante, il avait envie d'entasser des fourrures jusqu'au plafond, de se recroqueviller et de se coucher à même les briques brûlantes.
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« le Maître et Marguerite » de Mikhaïl Boulgakov, dans une nouvelle traduction d'André Marcowicz et Françoise Morvan, c'est aux éditions Inculte.
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