AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de emmyne


Le choix, encore, d'un recueil de nouvelles pour rencontrer un auteur russe, n'ayant jamais lu le Maître et Marguerite ou La Garde Blanche, roman pour lequel je suis maintenant décidée. Car la lecture de ce recueil J'ai tué aux éditions Livre de Poche s'est parfaitement prêtée à la découverte de l'univers romanesque de Mikhaïl Boulgakov (1891-1940). Cette édition ressemble à une anthologie. Elle propose six nouvelles qui sont chacune présentée en introduction; présentation du projet littéraire, du contexte historique du récit et le contexte éditorial, l'inscription dans l'oeuvre et ses thèmes majeurs déclinés ainsi que quelques informations biographiques en relation.

Il est précisé que la plume de Mikhaïl Boulgakov est réputée pour son ton satirique et politique (à maintes reprises censurée par le pouvoir soviétique ). Ce que je n'ai pas lu dans les nouvelles de ce recueil. Si elles sont engagées en témoignage de la fin d'un monde ainsi que des violences et séquelles de la guerre civile qui suivit la révolution bolchevique, l'aiguisée de cette plume pointe la souffrance et l'humanité dans les textes proposés; le trait est plus intimiste.

Parmi ces nouvelles, j'ai été impressionnée la force narrative de celle intitulée le Raid, par la façon dont l'auteur nous plonge dans l'horreur crue d'une attaque de trois sentinelles surprises par un détachement de cavalerie des forces nationalistes de Pétlioura ( " armée " tragiquement connue pour ses exactions et son antisémitisme ). L'auteur parvient à joindre à l'extrême réalité de son propos tout le terrifiant et l'absurde de cette heure nocturne en racontant à travers les yeux d'une des sentinelle aveuglée par la bouillie noire de la tempête de neige et par des lumières en éclats syncopés.

" Des yeux d'Abram s'écoulaient des larmes qui ne lui causaient ni irritation ni douleur, sa bouche déchirée s'était figée en une sorte de sourire. Sa capote déboutonnée s'était ouverte et, sans savoir pourquoi, il s'accrochait des mains au passepoil de son pantalon noir, se taisant et regardant l'oeil proéminent et sa pupille aveuglante. " Voilà, tout est fini. Plus jamais je ne reverrai l'aquarelle ni le feu. Il n'y a plus rien à attendre. Rien ne peut plus arriver. C'est la fin. "

- Alors ?! guettait-on dans les ténèbres.

Le cône de lumière se déplaça, l'oeil passa sur la gauche, et dans l'obscurité, faisant face aux deux sentinelles, se leva la bouche sombre des fusils où était tapie la fin noire. Abram soudain s'affaiblit et se mit à glisser, les pieds en avant. C'est pourquoi il ne sentit rien de l'éclair scintillant de la fin. "

La dernière nouvelle - L'éruption étoilée - permet de découvrir Boulgakov médecin ( il exerça jusqu'en 1917 ) et son ouvrage Récits d'un jeune médecin relatant son expérience de praticien citadin débutant dans la campagne russe. le ton y est passionné, emporté et emportant, pour raconter ce docteur luttant à la fois contre les ravages de la syphilis, contre la contagion au sein des familles n'épargnant pas les enfants - " Je le sais, je le devine, j'ai compris où se trouvait chez le petit garçon de deux ans, le chancre primaire sans lequel il n'y a pas de syphilis secondaire. Il se trouvait dans la bouche, et une petite cuillère avait suffit pour lui transmettre la maladie " - , et contre l'ignorance de la population rurale, malades refusant ce diagnostic, ne le comprenant pas, ne s'en inquiétant pas, qu'il faut convaincre de suivre le long traitement et pas simplement traiter les symptômes ponctuels comme un mal de gorge, tout en affirmant sa crédibilité parce que trop jeune docteur, moscovite... - " Je découvris que la syphilis, ici, avait ceci d'effrayant qu'elle n'effrayait personne. Et c'est pourquoi, au début de ce récit, je me suis souvenu de cette femme aux yeux noirs. Je me suis souvenu d'elle avec une sorte de chaleureux respect - précisément parce qu'elle avait eu peur. Mais elle était la seule ! ". -
Lien : http://www.lireetmerveilles...
Commenter  J’apprécie          20



Ont apprécié cette critique (2)voir plus




{* *}