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Michel Pétris (Traducteur)
EAN : 9782070385959
283 pages
Gallimard (23/02/1993)
3.88/5   283 notes
Résumé :
"Une accoucheuse qui avait appris son art à la maternité de l'Hôtel-Dieu de Paris sous la direction de la fameuse Louise Bourgeois délivra le 13 janvier 1622 la très aimable madame Poquelin, née Cressé, d'un premier enfant prématuré de sexe masculin. Je peux dire sans crainte de me tromper que si j'avais pu expliquer à l'honorable sage-femme qui était celui qu'elle mettait au monde, elle eût pu d'émotion causer quelque dommage au nourrisson, et du même coup à la Fra... >Voir plus
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Une très belle biographie que ce «Roman de Monsieur de Molière» qui est un véritable roman historique. Une vie passionnante et bouleversante: le refus d'être tapissier comme son père, la découverte puis la passion du théâtre, la troupe itinérante en carriole, la misère et la pauvreté, les échecs puis le succès et la gloire… Dans la lumière du Roi Soleil qui aimait à se déguiser voire même à danser dans les fameuses comédies-ballets de cette époque, Molière n'en fût pas moins interdit de représentation à maintes reprises: Les Précieuses Ridicules, le Tartuffe,…
Molière n'est pas mort sur scène -il s'en fallut de peu-mais à son domicile de la rue de Richelieu à Paris, juste après la quatrième représentation du Malade Imaginaire. Il venait d'avoir 51 ans.
Sa femme Armande devra supplier le roi Louis XIV pour que Molière soit enterré dignement et non jeté à la fosse commune comme l'étaient tous les comédiens de cette époque.
Signe de la place emblématique qu'occupe cet auteur et acteur de génie dans notre culture, le français est aujourd'hui encore couramment désigné par la périphrase « la langue de Molière ».

Un livre profond et riche, tendre et humain, un regard pointu et vif sur la société du XVIIè , sous la plume magistrale de Mikhaïl Boulgakov.
(écrit en 1933 et publié neuf ans après la mort de Staline, en 1962)

J'ai trouvé ce livre dans la superbe boutique de la Comédie Française, place Colette à Paris, jouxtant les jardins du Palais Royal…
[ En effet l'écrivaine Sidonie-Gabrielle Colette native de Bourgogne vécu à Paris pendant de longues années, et les fenêtres de son appartement parisien -où elle mourut le 3 août 1954- donnaient sur ces mêmes jardins. ]
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Boulgakov aimait le théâtre, il a écrit des pièces et adapté pour la scène plusieurs romans, notamment de Tolstoï, Gogol, Dickens et Maupassant. Mais victime la plupart du temps de la censure, il a dû occuper des emplois obscurs d'assistant au Théâtre d'art et au Bolchoï en attendant de voir ses oeuvres jouées.

C'est cette passion théâtrale qui l'a conduit naturellement à écrire ce roman sur la vie sur Molière, un homme qu'il admirait. Un portrait où, de sa naissance à son éveil au théâtre initié par son grand-père, de ses difficultés de jeune comédien à sa consécration avec la protection de Philippe d'Orléans puis de Louis XIV, Boulgakov, avec son ironie coutumière, imagine ce qu'il ne peut pas savoir.

Une oeuvre vivante et pleine de fantaisie où l'on retrouve toute l'affection et le respect de Boulgakov pour le comédien et dramaturge français, un homme qui comme lui avait la passion et le génie du théâtre.
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JBoulgakov a écrit là un livre merveilleux, qui rend si vivant notre Molière, dont nous parlons la langue, dont nous connaissons la « Maison », toujours là au Palais Royal, et dont l'oeuvre, je trouve, s'est malheureusement, empoussiérée au passage dans les manuels scolaires.
D'ailleurs, j'émettrais bien un voeu, ça ne me coûte rien, c'est que ce livre soit au programme de français du Bac, car, bien qu'écrit par un auteur russe, né à Kiev, mort à Moscou, ce qui ne veut pas rien dire, pour parler comme Rimbaud, en ces horribles temps pour l'Ukraine, cette version romanesque est un magnifique hommage au théâtre français. Et en plus, venant d'un génie, qui encore plus que Molière, a connu les obstacles pour que ses pièces soient jouées, ou plutôt pas jouées en ce qui le concerne, car la censure de la dictature soviétique, c'est bien pire que ce qu'a subi Molière.

Dans ce roman, Boulgakov nous raconte, à sa façon pleine de verve et d'imagination, la vie de notre grand auteur, de sa naissance à sa mort.
Le fond est vrai, mais l'auteur y invente, y brode, il ne le cache pas, c'est un roman qu'il écrit. Il nous dit aussi sa perplexité sur certains faits, tel, par exemple, la question non résolue, sur le fait qu'Armande Béjart, sa femme, aurait pu être sa fille (reste il des ossements qui pourraient faire parler l'ADN? je ne crois pas).

Grâce à ce roman, j'ai appris pas mal de détails que je ne savais pas ou que j'avais oubliés, parmi lesquels, je ne peux les citer tous:
- que sa vocation viendrait de ce que son grand-père maternel l'emmenait voir des spectacles de rue et des représentations théâtrales à l'Hôtel de Bourgogne;
- que Jean-Baptiste avait fait des études de droit, mais l'affirmation qu'il avait obtenu la charge d'avocat, que Boulgakov nous présente comme vraie, n'est pas prouvée;
- qu'il a eu avant le succès et la gloire, un temps de « vaches maigres »: échec de l'Illustre Théâtre fondé à Paris grâce à une dot de sa mère, itinérance de sa troupe dans le Sud de la France pendant plus d'une dizaine d'années, avec un modeste succès, lié entre autres, à ce que Molière était un piètre acteur dramatique, du moins pour les goûts de l'époque (Boulgakov nous livre sa petite théorie sur la question, je vous laisse la découvrir);
- que le succès, qui restera constant, vient dès que Molière se met à écrire des comédies;
- que sa critique moqueuse des travers de ses contemporains dans ses pièces de théâtres, lui a valu des ennuis de toutes sortes, comme, lors des représentations, des vociférations des personnages s'étant trouvées raillés par l'auteur, aussi des menaces, des procès, etc…Le pire a été son « Tartuffe »; en effet, son portrait sans concession de ce dévot hypocrite a déclenché les foudres du clergé, la pièce étant considéré comme impie, anticléricale. La première représentation sera repoussée de nombreuses fois suite à des interdictions successives, la dernière étant celle de l'Archevêque de Paris. Finalement, il convaincra Louis XIV d'autoriser la représentation.
- que Molière avait une créativité débordante et travaillait à une vitesse incroyable. En quelques jours, certaines pièces ont été écrites, mises en scène, répétées, et représentées. En cela, il me fait penser à Shakespeare, l'autre Grand du théâtre, dont on se demande comment il a pu faire pour écrire en peu de temps tant de chefs-d'oeuvre.
- que le fait qu'il a eu pour protecteur d'abord le frère de Louis XIV, le prince d'Orléans, puis Sa Majesté, l'a amené à créer des pièces de circonstances, avec des ballets pour un Roi qui adorait la danse, et dansait lui-même très bien;
- que la parodie des Turcs dans le Bourgeois Gentilhomme, lui aurait été suggéré par le Grand Louis qui n'avait pas trop apprécié l'attitude méprisante du Sultan d'Istambul qu'il avait accueilli en grande pompe;
Et puis, et puis, …je m'arrête là.

Un des traits de caractère de Molière, que je connaissais pas, c'est qu'il était dit-on, neurasthénique, sujet à des accès de dépression, bref un clown triste, comme le sont souvent les grands humoristes, et en cela, j'ai tout de suite pensé à Chaplin, qui lui non plus n'était pas follement gai.

Par contre, il était quelqu'un de très agréable, attentif non seulement à ses comédiennes, ça on l'imagine bien, mais aussi à ses comédiens. le genre chef d'équipe, animateur bienveillant, pas hautain pour deux sous, harceleur encore moins.

Boulgakov nous fait vivre « en direct » les péripéties de la création des pièces, c'est vivant et jubilatoire.
Jusqu'à ce célèbre Malade Imaginaire, dans lequel il règle notamment ses comptes avec le corps médical de l'époque, lui qui était atteint de tuberculose, et mal en point lorsqu'il commença à jouer la pièce.
Et qu'il soit pris d'un malaise, doive rentrer chez lui, au 40, rue Richelieu, et y mourir, vraisemblablement d'une hémoptysie massive.
Et sa veuve qui devra supplier le Roi pour que le comédien, dont le métier est « impur » et donc n'a pas le droit aux obsèques religieuses, ni au cimetière des bons chrétiens, puisse avoir une sépulture, et notre Molière sera enterré dans le carré réservé aux suicidés et aux enfants non baptisés.

J'ai trouvé ce roman très réussi. On n'y trouve pas la beauté de construction et la profondeur philosophique du Maître et Marguerite. Mais, c'est, par delà l'hommage à l'immense auteur et comédien, un hommage vibrant, émouvant au théâtre. Et qui donne envie de relire toutes les pièces du grand homme de théatre.

Et les dernières phrases du livre sont particulièrement touchantes: « …il quitta un jour le morceau de terre où restèrent les suicidés et les enfants non baptisés pour s'installer au dessus de la vasque d'une fontaine asséchée (N.B. La belle fontaine Molière, située devant son domicile, a été enfin rénovée en 2022). le voilà! Il est là, le comédien royal, avec des noeuds de bronze à ses souliers! Et moi, qui n'ai jamais eu l'occasion de le voir, je le salue et lui dis adieu. »

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Moscou. 1933. Dans un appartement quelconque, un dramaturge empêché vient d'accoucher d'une pièce de théâtre. Les dizaines de feuilles, noircies de mots, jonchent le sol. C'est qu'il y a eu complication. Il a fallu trouver le juste milieu entre l'imaginaire débridé de l'auteur et l'âpre réalité de l'union soviétique. Mais il est trop tard pour revenir en arrière dès que la conscience s'en est mêlée. Les personnages sont nés sur des morceaux de papier et ne demandent plus qu'une chose: s'incarner dans la peau de comédiens.

L'auteur a conscience que cette pièce, comme les précédentes, sera frappée par la censure. Tout au plus lui laissera-t-on le droit de faire une ou deux représentations pour la forme. Histoire de créer une illusion culturelle au coeur de l'URSS stalinienne. Mais le dramaturge russe n'en a cure, il aura beau être muselé, cela ne l'empêchera pas d'écrire et de créer des oeuvres en lien avec les planches. J'en veux pour preuve son livre sobrement intitulé le roman de monsieur de Molière et vous propose une petite analyse de ce livre écrit par un certain … Mikhaïl Boulgakov.

Dès l'entame du récit, nous sommes mis devant un fait accompli. Il s'agit d'une biographie romancée sur la vie du célèbre dramaturge français. Cette manière de procéder permet à Boulgakov de prendre les habits du conteur et de faire naître, devant nos yeux de lecteur, Jean-Baptiste Poquelin dit Molière. le ton utilisé et les mots choisis nous immergent avec légèreté dans l'histoire de cet homme sans nous demander de connaissances spécifiques. Cette manoeuvre a le mérite de nous apprendre des faits sur Molière en évitant l'écueil des détails trop techniques qui nuiraient à la lecture:

“ Sur la scène se jouait une farce d'une insolence débridée, qui n'avait rien d'innocent: c'était la farce des moeurs et des coutumes de Paris d'alors, et ceux qui vivaient ces moeurs et créaient ces coutumes se trouvaient là, dans les loges et sur la scène. le parterre riait aux éclats et pouvait les désigner du doigt. Il avait reconnu les grands seigneurs des salons, que l'ancien tapissier couvrait ainsi publiquement de ridicule. “

Boulgakov passe en revue la vie de Molière à travers le prisme de ses pièces de théâtre. Nous apprenons dans quelles conditions étaient écrites chacune de ses comédies mais aussi comment se passèrent les représentations. le dramaturge français a commencé à Paris avec sa troupe de l'Illustre Théâtre et s'est royalement cassé la gueule au point de devoir quitter la capitale. Suite à cette déconvenue, il parcourra les régions de France pendant plus d'une décennie. Il n'aura de cesse de monter sur les planches avec sa bande de comédiens afin d'y jouer les classiques de l'époque, sans le succès escompté. C'est aussi durant cette période qu'il écrira ses premières pièces teintées de comédie. A ce titre Boulgakov, semble-t-il, est arrivé à cerner ce qui fit défaut chez le jeune Molière qui s'entêtait à jouer des tragédies alors que son génie résidait dans la comédie et la farce. Dès qu'il en prendra conscience, son nom sera sur toutes les lèvres et arrivera jusqu'aux oreilles du Tout-Paris.

Molière reviendra alors dans la capitale française et ses pièces feront rire aux éclats ou grincer des dents mais plus jamais elles ne laisseront indifférentes comme c'était le cas au début de sa carrière. Ses pièces étaient tellement osées pour l'époque — à se moquer de la petite bourgeoisie parisienne et de l'Eglise — qu'elles flirtaient à chaque fois avec la censure. le travail du dramaturge avait la chance d'être apprécié par Louis XIV en personne. Et c'est sans doute ce qui lui valu de rester en haut de l'affiche alors que ses détracteurs l'attendaient au tournant dans le but d'interdire ses pièces. Ce qui arriva parfois! A l'instar des oeuvres théâtrales de Boulgakov qui furent quasi toutes censurées par le régime communiste.

Le roman de monsieur de Molière est aussi l'occasion de faire connaissance avec les moeurs du XVIIème siècle. Nous y apprenons, entre autre, l'existence de l'orviétan, ce médicament présenté sous forme de remède miracle mais qui était en fait l'oeuvre d'arnaqueurs sans scrupules dont Molière s'est moqué dans sa pièce l'Amour médecin:

“ Les baraques du Pont-Neuf accueillaient des médecins ambulants, des arracheurs de dents, des charlatans apothicaires qui vendaient aux gens des panacées qui guérissaient de tous les maux. Pour attirer l'attention sur leurs boutiques, il s'abouchaient avec des saltimbanques de rue, parfois avec de véritables acteurs qui avaient déjà pris pied sur les planches des théâtres et l'on assistait à de véritables représentations à la gloire des médications miraculeuses. […] Tout Paris parle d'un homme aussi extraordinaire que mystérieux, un certain Christophe Contugi. Il a engagé toute une troupe et donne sur une estrade des spectacles de polichinelles, grâce auxquels il vend une bouillie médicinale qui guérit tous les maux, et qu'il a baptisé Orviétan. ”

En conclusion, le roman de monsieur de Molière est un livre écrit par le passionné de théâtre qu'était Mikhaïl Boulgakov. Il permet aux novices (dont je fais partie) de rentrer dans l'oeuvre du célèbre comédien français et de découvrir des éléments historiques de la vie courante durant le XVIIème siècle. Certes, l'auteur russe n'a pas, encore, le degré d'écriture de son oeuvre phare le Maître et Marguerite mais cette biographie se laisse lire avec un certain plaisir 😉


Lien : https://lespetitesanalyses.c..
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Tout le monde connait Molière et a au moins lu une de ses nombreuses pièces de théâtre pendant sa scolarité. Je n'ai pas échappé à la règle et je me souviens qu'a chaque fois je prenais beaucoup de plaisir a étudier les écrits de Molière. Malgré ça, je connaissais peu de choses sur sa vie et cette biographie m'a beaucoup plu.
L'auteur l'a rendue très vivante, à mi chemin entre le roman car on n'a vraiment l'impression d'y être et seuls les éléments biographique, historique et les célèbres tirades issus des pièces de théâtre nous rappelle qu'il s'agit bien d'une biographie. Un bel hommage à cet artiste qui a dédié sa vie au théâtre et qui nous laisse de très belles pièces.
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Citations et extraits (38) Voir plus Ajouter une citation
Donc, vers le 13 janvier 1622 à Paris, un premier-né fragile fit son apparition chez monsieur Jean-Baptiste Poquelin et son épouse Marie Poquelin-Gressé. Le 15 janvier, il fut baptisé à l'église Saint-Eustache et prénommé en l'honneur de son père Jean-Baptiste. Les voisins félicitèrent Poquelin et la corporation des tapissiers sut qu'un nouveau tapissier et marchand de meubles était venu au monde.
Tous les architectes ont leur lubie. Aux angles d'une agréable maison de deux étages au toit à double pente raide située à l'intersection de la rue Saint-Honoré et de la rue des Vieilles-Étuves, le bâtisseur du XV° siècle avait disposé des bois sculptés qui représentaient des orangers aux branches soigneusement détaillées. Sur ces arbres, des kyrielles de petits singes allaient cueillir les fruits. Naturellement, les Parisiens avaient surnommé la maison « maison aux singes ». Et par la suite, ces guenons coûtèrent cher au comédien Molière! Il se trouva nombre de personnes bien intentionnées pour dire que la carrière du fils aîné de l'honorable Poquelin n'avait rien qui pût étonner. Ce fils était devenu un paillasse : mais que pouvait-on attendre d'un homme élevé dans la compagnie de guenons grimacières? Mais le comédien ne renia pas ses singes et quand, vers la fin de sa vie, il conçut le projet d'un blason dont il avait on ne sait trop pourquoi ressenti la nécessité, il y fit figurer ses amies à queue qui avaient monté la garde sur la maison paternelle.

[ Note de Titi
Un « paillasse » s'emploie comme nom masculin pour désigner une sorte de bateleur, de saltimbanque : c’est un paillasse, c’est un homme sans consistance, un bouffon. ]
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Molière n'aimait pas la campagne et la nature. Notre comédien était un véritable homme de la ville, un fils de Paris.Mais les malheurs de sa vie familiale et des années de travail ininterrompu l'avaient usé, de sorte que l'exil d'Auteuil était devenu nécessaire... Chapelle* s'était fixé pratiquement à demeure dans le village, et de temps en temps venaient d'autres amis : Boileau et La Fontaine, auxquels se joignaient parfois le comte de Guilleragues, un diplomate grand amateur des œuvres de Molière, et le comte de Jonsac, un ami de Chapelle.
La compagnie se rendait à Auteuil pour arracher Molière à son travail, parler littérature, lire les mauvais vers des autres et composer des épigrammes, notamment sur l’archevêque de Paris Péréfixe. Ces réunions se terminaient d'ordinaire par des soupers dans la chambre de Chapelle, soupers qui étaient très appréciés et en particulier de Jonsac.
Pour l'un de ces soupers, Chapelle avait, on ne sait pourquoi, fait double provision de vin. Molière qui ne se sentait pas bien, ne passa qu'un bref instant avec la joyeuse compagnie, refusa le vin qu'on lui offrait, et se retira dans sa chambre. les autres poursuivirent leur repas jusqu’à trois heures du matin et, vers cette heure là, s'aperçurent que la vie leur était devenue odieuse. C'était surtout Chapelle qui parlait. Auteuil était depuis longtemps déjà endormi, et il y avait longtemps que les coqs avaient chanté.
- Vanité des vanités, tout n'est que vanité ! criait lugubrement Chapelle en agitant un doigt menaçant.
- Nous sommes tout à fait d'accord avec toi, lui répondirent ses compagnons de bouteille, continue, Chapelle !
- Chapelle se renversa dessus un verre de vin rouge, ce qui ajouta encore à son désarroi, et poursuivit :
- Oui, mes pauvres amis, tout est vanité ! regardez autour de vous et dites- moi ce que vous voyez ?
- Nous ne voyons rien de bon, convint Boileau en jetant un regard plein d'amertume autour de lui.
- La science, la littérature, l'art, tout cela n'est que vanité vide et creuse ! criait Chapelle. Et l'amour ? Qu'est-ce que l'amour, mes infortunés amis ?
- Un leurre, dit Jonsac.
- Rien de plus vrai ! répondit Chapelle. Notre vie n'est que chagrin, injustices et malheurs de tous côtés !
Là-dessus Chapelle se mit à pleurer.
Quand ses amis l'eurent quelque peu consolé, il lança cet appel enflammé :
- Que faire, amis ? Si la vie n'est qu'un trou si noir, qu'attendons-nous pour la quitter ! Allons nous noyer de compagnie ! Regardez la rivière dehors qui nous appelle.
- Nous te suivons, dirent les amis.
Et tous de ceindre leurs épées et de revêtir leurs manteaux pour aller à la rivière.
Le vacarme s'accrut. La porte s'ouvrit alors et, sur le seuil, parut, emmitouflé dans un manteau, en bonnet de nuit et un bout de chandelle à la main, Molière.
- Que faites-vous ? demanda-t-il ?
- notre vie nous est insupportable, dit chapelle en pleurant. Adieu, Molière, pour toujours. Nous allons nous noyer.
- C'est un beau projet, répondit tristement Molière. Mais il est mal de votre part de m'avoir oublié. Je vous croyais plus de mes amis.
- Il a raison ! s'écria Jonsac, bouleversé. Nous nous sommes vraiment conduits comme des porcs ! Viens te noyer avec nous, Molière !...
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Le Bourgeois fut joué pour la première fois à Chambord le 14 octobre 1670, et, à l'issue de la représentation, Molière fut saisi d'une sourde angoisse : le roi n'avait pas dit un mot sur la pièce. Tandis qu'en sa qualité de valet de chambre, il servait le roi au repas solennel qui suivait le spectacle, Molière était à demi mort. Le silence du monarque n'avait pas tardé à donner de brillants résultats. Il n'y avait plus une seule personne qui n'eût déversé sa ration de critiques sur la pièce de Molière (naturellement, pas en face du roi).

- Expliquez-moi, pour l'amour de Dieu, messieurs, s'exclamait un courtisan, ce que signifie tout ce galimatias, tous ces "galaba, babalalou, et balaba" que crient les Turcs ? Qu'est-ce que cela ?

- Ce sont des billevesées, lui répondait-on, votre Molière est complètement à court d'inspiration, il serait temps de lui reprendre son théâtre.

Hélas ! Il faut reconnaître que ces "balaba" ne signifient rien et n'ont rien de joyeux.

Le 16 octobre, eut lieu une deuxième représentation, à laquelle le roi était à nouveau présent. A la fin du spectacle, il appela Molière.

- Je voulais vous parler de votre pièce, Molière, commença le roi.

"Vas-y, achève-moi ! " purent lire dans les yeux de Molière toutes les personnes présentes.

- Je ne vous ai rien dit après la première, parce que je n'avais pu encore arrêter un jugement. Vos acteurs jouent trop bien. Mais je vois maintenant que vous avez écrit une pièce admirable, et aucune de vos comédies ne m'a procuré autant de plaisir que celle-ci.

A peine le roi eut-il libéré Molière que tous les courtisans l'entourèrent et couvrirent la pièce d'éloges.
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Une accoucheuse qui avait appris son art à la maternité de l’Hôtel-Dieu de Paris sous la direction de la fameuse Louise Bourgeois délivra le 13 janvier 1622 la très aimable madame Poquelin, née Cressé, d’un premier enfant, un prématuré de sexe masculin.
Je peux vous dire sans crainte de me tromper que si j’avais pu expliquer à l’honorable sage-femme qui était celui qu’elle mettait au monde, elle eût pu d’émotion causer quelque dommage au nourrisson, et du même coup à la France.
Et voilà : j’ai une veste aux poches immenses et à la main une plume non d’acier, mais d’oie.
Devant moi se consument des bougies de cire, et mon cerveau est enflammé.- Madame, dis-je, faites attention au bébé, n’oubliez pas qu’il est né avant terme. La mort de ce bébé serait une très grande perte pour votre pays.- Mon Dieu ! Madame Poquelin en fera un autre
- Madame Poquelin n’en fera jamais plus un semblable, et aucune dame n’en fera de semblable avant un certain nombre de siècles.

- J’ai tenu dans mes mains des enfants plus illustres.
...
- Ah ! Madame ! Que me dites-vous là, à propos des nourrissons illustres que vous avez tenus dans vos mains ! Comprenez que cet enfant que vous mettez aujourd’hui au monde dans la maison des Poquelin n’est autre que monsieur Molière ! Ah, ah ! Vous avez compris ce que je vous ai dit ? Alors faites attention, je vous en prie ! Dites, il a crié ! Il respire ! Il vit !
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Molière et Lulli - dont la gloire et l'influence ne cessaient de croître à la cour - reçurent l'ordre de composer une comédie avec de la musique pour les fêtes de Chambord, avec obligation d'y introduire des Turcs.
En effet, à l'automne de l'année précédente, le roi avait reçu à Versailles une ambassade turque conduite par un certain Suleiman-Aga. Voici comment les choses s'étaient passées : on avait fait d'abord longuement attendre les Turcs, puis on les avait admis dans la galerie du Nouveau Palais, décorée avec une splendeur surnaturelle. Le roi était sur son trône, revêtu d'un costume qui portait pour quatorze millions de livres de diamants.
Mais le diplomate d'expérience qu'était Suleiman-Aga étonna les Français infiniment plus qu'ils n'avaient espéré l'éblouir lui-même. L'expression de son visage parut montrer qu'en Turquie, tout le monde portait des costumes chargés de quatorze millions de livres de diamants. Et les rusés Turcs ne donnèrent d'une manière générale aucun signe d'émoi.
Le roi n'apprécia pas l'attitude de la délégation turque, et les courtisans, habitués à remarquer la plus insignifiante modification de la face royale, passèrent une année à détourner en dérision les Turcs du mieux qu'ils pouvaient. Et c'est pourquoi le compositeur et le dramaturge reçurent l'ordre de faire absolument une scène de turquerie bouffonne.
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Que faire quand on n'est plus libre de s'exprimer ? Quand des chefs politiques, tout en se déchirant pour le pouvoir, embrigadent, surveillent, intimident, déportent ou exécutent qui bon leur semble ? Réponse dans un roman sublime, un monument de la littérature russe.
« le Maître et Marguerite » de Mikhaïl Boulgakov, dans une nouvelle traduction d'André Marcowicz et Françoise Morvan, c'est aux éditions Inculte.
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