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3,82

sur 312 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
L'écrivain (et médecin) russe Mikhaïl Boulgakov nous met sous perfusion avec cette nouvelle addictive.

“Il serait très bon que les médecins aient la possibilité d'essayer sur eux-mêmes de nombreux médicaments. Ils auraient une tout autre idée de leur mode d'agir”

Ce journal d'un morphinomane nous renseigne sur le fait que les cordonniers sont souvent les plus mal chaussés. Les soignants eux-mêmes cèdent à la drogue, si facilement accessible, de nos jours le soupçon pèse encore sur les narines de nos étudiants en médecine comme de nos éminents chirurgiens…

L'auteur met en exergue un des ressorts psychologiques les plus déroutants de l'addiction, c'est la facilité avec laquelle on préjuge de nos propres forces, n'avez vous jamais entendu quelqu'un vous dire à propos de la cigarette par exemple “ah mais MOUA j'arrête quand j'veux”… de la même manière, le morphinomane se ment, ment aux autres, toujours demain sera la fin, encore un instant monsieur le bourreau pourrait-on presque l'entendre implorer. Tantôt pris d'un espoir et d'une résolution ferme de pouvoir s'en sortir, tantôt se complaisant dans une situation qu'il ne voudrait quitter pour rien au monde, comme chantait Amy “They tried to make me go to Rehab But I said no, no, no…”

Le lecteur se retrouve pris dans la seringue glaciale d'un talent littéraire total, empreint d'ironie et de suspense, une atmosphère tout à fait séduisante et efficace concourent à l'intensité de cette expérience de lecture.

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Peut-être qu'en fin de compte Mikhaïl Boulgakov est mort de dégoût… Usé par les tracasseries du pouvoir en place tout au long de son existence d'écrivain, meurtri par la censure exercée sur ses écrits, blessé par la non reconnaissance de son pays, lui qui depuis est proclamé comme l'un des grands écrivains russes… Peut-être avait-il vis-à-vis de lui-même une amertume d'avoir, parfois, cédé et s'être auto-censuré. Quoi de plus douloureux dans le processus artistique. Plier, tellement parfois qu'on se demande si on pourra se tenir à nouveau droit. Boulgakov orphelin de sa patrie d'origine, l'Ukraine, nostalgique de sa ville aimée Kiev, traîne une mélancolie sourde. Sous sa plume alerte, acerbe, sarcastique pointe une douleur sensible à l'air et aux humains de son temps. Lui qui jeta son métier de médecin aux orties pour écrire, disséqua ses compatriotes, le pouvoir en place avec dextérité. Dans ce petit opuscule , un journal tenu par le docteur Poliakov , celui-ci raconte sa dépendance de plus en plus mortifère à la morphine. Addiction que Boulgakov lui-même aura pendant un certain temps. En quelques lignes, il narre les conditions d'un médecin de campagne perdu dans les plaines ukrainiennes, les combats opposants les nationalistes ukrainiens et les bolcheviks ; ces affrontements, cette descente aux enfers dans la guerre est son propre abîme de morphinomane. Ce petit journal sec et tendu est une défaite. L'impuissance d'un homme face à la violence, face à la chimère qu'exerce sur lui la morphine. Illusion de se perdre dans des contrées plus propices, de s'éloigner d'un monde cruel, de se détacher du monde des hommes et ne plus se sentir le complice muet de leur folie. S'évanouir dans la neige, devenir transparent, invisible, indicible. La Révolution est en marche et Boulgakov songe à fuir ; éreinté par ce qu'il voit, les exactions des troupes nationalistes, les pogroms, un monde qui s'affronte et s'effondre. Mikhaïl Boulgakov toute sa vie d'écrivain métamorphosera la réalité de son pays en écrits satiriques, fantasques, noirs, diaboliques, intimistes, profondément humains et souvent désenchantés. Sous cette mystification, la réalité abrupte est toujours en embuscade. Une drogue et un sevrage impossible.
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Parfois insérée dans les Carnets d'un jeune médecin, Morphine est une nouvelle quasiment autobiographique de Bougakov- à l'exception de la mort du héros, tragique et inéluctable, qui n'a heureusement pas été celle de l'écrivain.

Comme souvent quand Boulgakov souhaite relater quelque chose de compromettant et de personnel, il se sert du procédé littéraire de l'insertion du journal intime dans le récit. La "mise en abyme" de ce récit dans le récit se fait ici au propre et au figuré, car il s'agit aussi d'une vraie descente en enfer.Dans les abîmes trompeurs et dévorants de la morphine.

Le docteur Bomgard , en pleine guerre et troubles révolutionnaires , est transféré d'un district perdu au milieu des neiges et de sombres forêts nommé Gorielevo à un chef-lieu de canton, puis, enfin, à son grand soulagement, à Moscou!

En 1918, il est remplacé dans son trou perdu par un obscur docteur Poliakov, un ancien collègue de faculté, apparemment gravement malade, et qui sollicite de toute urgence, par lettre, son aide comme un dernier recours.

Tout à l' euphorie égoïste de sa nouvelle nomination, Bomgard diffère sa réponse à la confuse missive de son jeune collègue et est réveillé par l'annonce de son suicide. On lui fait parvenir le journal intime dudit Poliakov et il découvre la maladie de Poliakov: il est morphinomane, et a confié à son journal l'histoire rapide, brutale, terrible de son addiction.

Très vite, le lecteur est lui aussi "addict" à ce récit cru, intime, sans concession, tellement criant de vérité qu'on ne doute pas un seul instant que tous ces paravents, Bomgard, Poliakov, cachent un seul et même médecin: Boulgakov lui-même, qui" tue" en le racontant, le médecin malade qu'il a été avant de devenir l'écrivain génial, ironique, puissant et courageux, auteur de Coeur de Chien, la Garde Blanche et le Maître et Marguerite.

Boulgakov a tenu à publier ce récit difficile, l'a remanié plusieurs fois: cet acte de mort- et de renaissance- sonne avec un tel accent de vérité qu'on en reste abasourdi.


"Bref, l'être humain n'existe plus," note Poliakov dans son journal. "Il est hors circuit. C'est un cadavre qui s'agite, languit, souffre. Qui ne veut rien, ne pense à rien, sauf à la morphine. de la morphine!"

On mesure l'incroyable effort qu'il lui a fallu pour s'arracher aux bras de Sister Morphine, pour mettre à distance ce personnage dévoré, hanté, blessé qui ne pouvait plus rien faire d'autre que penser à sa piqûre. Et pour enfin retrouver l'élan créatif, le désir vital à travers le miracle de l'écriture et la pratique de l'ironie.

Une longue nouvelle poignante et sidérante, qui m'a donné envie de relire tous les autres romans du maître, échappé par la force de sa volonté et celle de sa famille à cette "diablerie" d'un nouveau genre..


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Morphine est un journal dans un récit écrit en 1927. Boulgakov relate des événements fictifs de 1917-1918 qu'il mêle à sa propre expérience de la médecine de campagne et de la morphine. Ce procédé lui a permis d'être publié dans une revue médicale. Cependant des pages du vrai-faux journal ont été arrachées par la censure.
Ce livre est hyper réaliste. le style est sobre, dépouillé. Au début le narrateur, le Dr Bomgard , nous raconte sa propre expérience de jeune médecin dans un coin perdu de la Russie alors en guerre ( les médecins titulaires expérimentés sont au front). Les conditions d'exercice sont extrêmement rudimentaires, les responsabilités énormes. Aussi est-il ravi d'être muté l'hiver 17, en pleine Révolution, d'un secteur perdu au chef lieu de district. Il peut enfin dormir et lire Fenimore Cooper ( L'auteur du Dernier des Mohicans qui relate les guerres entre les ( peaux) Rouges et les Blancs ). Mais son bonheur est de courte durée. En février 1918 il reçoit une lettre d'un confrère qui l'appelle à l'aide. Bomgard diffère sa réponse et quand enfin il arrive dans ce coin perdu, son jeune confrère, le Dr Poliakov s'est suicidé. Il a laissé son journal intime à son attention. le journal est brut, sans fioritures, sans compromission, difficile à lire. Il expose l'engrenage de l'addiction, le manque, l'espérance, le mensonge, la déchéance. le Dr Poliakof est enfermé dans les toilettes de la gare de Moscou. Il vient de voler un flacon à la clinique. Il se pique. Les gens impatients tambourinent à la porte. Dehors les combats font rage entre les Rouges et les Blancs.
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Encore un Folio 2e perdu dans ma bibliothèque, d'un auteur que je ne connais malheureusement pas. On va pallier cette lacune avec Morphine donc, une nouvelle dont le sujet ne nous aura pas échappé.

Dans la Russie de 1917, on suit un médecin de campagne sollicité par un camarade de faculté, afin de lui porter secours face à un mal mystérieux.
Le récit prend rapidement la forme d'un journal, nous précipitant dans les affres de la morphinomanie. Brut et glacant, l'auteur nous décrit avec une précision troublante la déchéance progressive de ce médecin, ses tourments et sa maladie.
De par un vécu personnel assez proche, Boulgakov retranscrit ici une expérience tendant à l'autobiographie, ce qui contribue évidemment à rendre les souffrances du personnage palpables.

On conçoit aisément l'impact qu'a pu provoquer ce type de récit à une époque où la toxicomanie n'était pas aussi bien soignée, ni même documentée, que maintenant. Un peu réchauffé à lire de nos jours, après de nombreuses oeuvres ultérieures traitant du même sujet, l'effet désiré est malgré tout au rendez vous, et on sort assez meurtri de cette lecture.
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Il n'y a pas plus addictif que la consommation de substances psychoactives, nous a-t-on expliqué maintes et maintes fois. Pour autant, à tout non-consommateur, une question se pose : qu'est-ce que l'on ressent lorsqu'on est addict ? le tabac, la cocaïne, l'alcool, les jeux d'argent ou même … la Morphine. L'addiction est omniprésente. Pourtant, on ne la remarque parfois pas. L'ignorons-nous ? La subissons-nous au quotidien ? Sommes-nous déjà tous addicts ?

Grisé, exalté, libéré par cette substance fantastique qu'est la Morphine, le docteur Sergueï Poliakov délivre ce qu'il éprouve lorsqu'il vainc sa douleur persistante, grâce à ses injections, dans son journal. Il nous expose ses craintes, son soulagement, ses faiblesses, ses moments d'ivresse, puis son addiction dans ce carnet. Brusquement, l'intrigue s'associe avec l'impuissance que l'on ressent. Va-t-il nous quitter ? S'arrêter ? Nul autre n'a la réponse que le lecteur, ainsi que Vladimir Mikhaïlovitch, destinataire imprévu de ce précieux journal.

Jamais il n'aurait pu imaginer ce qu'il venait de lire. La lettre pourtant reçue quelques nuits avant sa lecture ne témoignait d'aucun saut d'humeur ou de manière, hormis la présence du mot morphini. On pouvait aussi ressentir l'inquiétude dans cette lettre, l'invitant à le rejoindre et ainsi attester son état maladif. Malheureusement, Vladimir ne pu jamais le rejoindre car quelque temps après cette missive, Poliakov fut retrouvé mort.

On aurait pu le croire guérit par la Morphine, sauvé de ses maux. Pourtant, celle-ci ne faisait que les aggraver tout en les dissimulant. Sa femme, médecin elle-aussi, le savait déjà. Après la première injection, commencerait une descente aux Enfers inévitable. Poliakov le savait aussi, et malgré ses efforts pour arrêter, il ne le put. le lecteur est mis en garde. L'addiction est dangereuse, mortelle et inéluctable. Néanmoins, des remèdes existent ?
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Morphine de Mikhaïl Boulgakov
Hiver 1917, le docteur Bomgard vient de quitter son travail à Gorielovo un à plus tôt, un district perdu, pour l'hôpital du chef lieu de canton, il en est très heureux et quelques temps plus tard repense avec émotion mais sans regret aux mois qu'il y a passé. Or justement, au même moment il reçoit une lettre, datée du 11 février 1918, de celui qui l'a remplacé, le docteur Poliakov, une lettre aux tonalités dramatiques, il parle d'une »mauvaise, grave »maladie. Bomgard se prépare à partir, il connaissait bien Poliakov, il avait été son condisciple en médecine. Mais le temps qu'il se prépare une infirmière le prévient qu'un homme vient d'arriver en piteux état, il vient de se tirer une ballé dans la tête, c'est Poliakov qui meure quelques instants plus tard. L'infirmière remet alors un cahier à Bomgard, accompagné d'une lettre datée du 13 février 1918, c'est Poliakov qui a consigné l'évolution de son mal au fil des jours.
Bomgard va alors étudier ce qui a amené Poliakov à calmer ses douleurs morales et physiques par des injections de morphine et leur terrible résultat.
Très beau et très court récit plein d'émotions dans une Russie en pleine révolution. Boulgakov a sûrement tiré de ses expériences personnelles des éléments de cette nouvelle, il était médecin( et morphinomane)avant de devenir écrivain.
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Une novella quasi-autobiographique, à replacer dans son contexte historique et "local".
Ces médecins de campagne en Russie étaient isolés, à la disposition de tous à toute heure, et devaient pratiquer tous les actes médicaux seuls (avec juste des "assistants").
Impossibilité d'être fatigué, de s'arrêter, d'être malade, même.

Du coup, la douleur ressentie par Poliakov et à l'origine de sa dépendance devient "intolérable". Forcément. Et le soulagement de sa souffrance le prétexte (justifié, en fait) à commencer la prise de morphine.

Le récit, autobio (sauf la fin), donc, est tellement réaliste qu'on est pris dedans. La descente aux enfers du Dr Poliakov, aka Boulgakov lui-même, nous entraîne à ses côtés avec tous les mensonges et les histoires qu'il se raconte pour ne pas regarder les choses en face, comment il en vient à voler, tout en se justifiant toujours et encore.
(Cf la citation que je viens de mettre).
Le morphino-dépendant devient un cadavre ambulant qui ne pense plus qu'à se procurer sa drogue par tous les moyens. Les citations du "journal de Poliakov" sont à n'en pas douter des citations du propre journal de Boulgakov, et la censure étant passée par là, les "pages arrachées" l'ont sans doute été réellement par la censure russe.

Boulgakov s'en sortira, contrairement à son "héros" Poliakov, grâce au soutien énergique de sa femme, après un an de lutte.
C'est magnifiquement écrit, avec une grande sensibilité, un peu trop court à mon goût. Je ne connaissais pas l'auteur mais ça m'a donné envie d'en connaître plus...
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"La cocaïne c'est le diable dans un flacon."
Le docteur Bomgard sait de quoi il parle, il est médecin de campagne. Il a été muté là, dans un district perdu après avoir travaillé sur le front où il amputait. Il n'est plus jamais dérangé la nuit. Pour combien de temps est-il là? Il n'en sait rien, il a obéit, en bon militaire, en cet hiver 1917 aux ordres de la Révolution.
Il reçoit une lettre de Poliakov, son ami, lui demandant de venir le voir...trop tard ! quand il arrive il apprend que son ami s'est tiré une balle dans la tête, lui laissant un cahier, son journal intime.
Ennui et solitude, tristesse et douleur de cette perte...heureusement un de ses flacons de médecin lui tend les bras, et lui permet d'oublier ses idées noires, cette solitude, cette tristesse. "Je ne peux m'empêcher de faire mes compliments à celui qui, le premier a extrait de la morphine d'une fleur de pavot. Un authentique bienfaiteur de l'humanité."
Oublier pour un temps, car, les idées noires, la solitude, viennent à nouveau l'agresser. Alors il reprend quelques cristaux...cercle infernal...
Quelle est la part de roman, quelle est la part de journal intime ? Médecin lui-même, Boulgakov, a fait des centaines d'amputations entre 1916 et 1919
On ne peut s'empêcher de s'interroger face à cette douleur, à cette dépendance et à cette solitude, et surtout face à cette précision des mots.
Dans tous les cas, je reparlerai de cet auteur. C'est certain.
Lien : https://mesbelleslectures.co..
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Belle histoire d'amitié et de folie. L'addiction que l'on sent poindre au fur et à mesure de la lecture, décrite avec beaucoup de justesse confère à ce petit livre une ambiance particulière, la descente au fond du sceau est progressive comme le manque subit par le Dr Poliakov sous les yeux de son assistante Anna, impuissante face à cette destruction qui mènera le docteur au suicide.

Un livre noir, qui se lit rapidement et qui m'a fait passer un bon moment.
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