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Jean-Luc Goester (Traducteur)François Laurent (Traducteur)Jacques Catteau (Préfacier, etc.)
EAN : 9782253052463
377 pages
Le Livre de Poche (15/05/2003)
4.06/5   74 notes
Résumé :

Texte : 38 nouvelles. thèmes : l’amour, la mort, la femme. Auteur : Ivan Bounine, né à Voronej en 1870, mort à Paris en 1953. Premier écrivain russe à recevoir le prix Nobel de littérature (décembre 1933). Autres oeuvres : Le Village, Le Sacrement de l’amour, Le Monsieur de San Francisco, L’Amour de Mitia... Jugement sur Les Allées sombres : « N’allez pas croire que Bounine soit... >Voir plus
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"Chez moi c'est toujours ainsi. Sans cesse, sans nulle raison, quelque image me traverse l'esprit -un visage, un paysage, un temps - traverse et disparaît, parfois elle se fixe soudain, retient l'attention, demande confusément à être développée, précisée, et m'émeut......C'est de là que provient la plupart de mes récits.", nous généralise Ivan Bounine , le premier Prix Nobel de la littérature russe . C'est notamment des vers du poète Ogarev (1813-1877 ), "Et dans les allées sombres, rouge parmi les tilleuls , aubépine florissant...."que s'impose à lui l'image de la voiture couverte de boue d'un vieux militaire qui avance par une journée froide et pluvieuse, sur l'une des grandes routes de la province de Toula....image qui ouvre la nouvelle qui donne son titre à ce recueil.

Au total trente-huit histoires , qui presque toutes , parlent d'amour , amours sans fin heureuse, allant jusqu'à la mort, déclinés sous toutes ses variations. Adultère ( le Caucase), défloraison brutale de mineure (Stiopa), viole (Tania), trahison (Muse), amours sensuelles (Roussia), érotiques (Les cartes de visite...), payants (Mademoiselle Clara/ Le"Madrid") romantiques, one-night stand, éphémères , éternels, idéalisés, mortels(À Paris/Galia Ganskaia )....... racontés dans le magnifique contexte d'une Russie d'antan et d'une nature exubérante,que l'auteur en exil, semble regretter expressément.
Bounine aime les femmes et surtout leurs genous ! Ses héroïnes ont toutes quelque chose de spéciale, fort de caractère ,de personnalité et d'appétit sexuel, elles savent bien gérer les hommes, même si elles sont souvent trop jeunes , de milieu sociale différent ( bonne, cuisinière,serveuse.....).....et finissent par être abondonnées. Elles sont belles ou non, jeunes ou non, mais toutes lumineuses à leur façon. Même si parfois elles se font prendre contre leur gré ( du moins ce que suggère la plume discrète de l'auteur), l'auteur finit par leur rendre leur amour-propre.
Je crois qu'en vieillissant , passé soixante-dix ans, hommes,femmes écrivains,fantasment encore plus sur l'amour charnel ( surtout avec des jeunes) ,pour ne citer que Meshugah de Isaac Bashevis Singer et Les Grand-Méres de Doris Lessing ,comme celle-ci, toutes, dernière oeuvre de fiction qu'ils écrivirent.
"Ce livre est le meilleur que j'aie jamais écrit" déclare Ivan Bounine pour ce recueil publié à 74 ans, en 1944 à NewYork. Mais pour qui n'a jamais lu Bounine, mon humble avis serait de commencer par l'aborder avec son chef-d'oeuvre "La vie d'Arseniev". Bien que la majorité de ces nouvelles soit magnifique, non toutes sont d'égale intérêt, et vers la fin on est un peu saturé d'amour....
Mes préférées sont "Nathalie" et "Mademoiselle Clara" (La Clara ,tout juste échappée d'un tableau de Botero), sublimes !
J'attribue quand même mon cinq étoiles, appréciant énormément, sa prose lyrique et raffinée. Ses grandioses descriptions de paysages et intérieurs russes, les visages d'icône qu'il prête aux jeunes filles de certaines nouvelles.....et son analyse d'une vaste fresque de personnages appartenant à tous les milieux est un pur plaisir de lecture.
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« C'est une chose terrible que la nostalgie de la Patrie qu'on a quittée mais c'est une chose plus terrible encore que la nostalgie de la Patrie qui n'existe plus et n'existera jamais plus pour soi » Alexandre Zinoviev.


Ce recueil « Les allées sombres » se composent de 38 nouvelles allant de deux à une trentaine de pages. L'amour malheureux en est le sujet principal ! Point d'espoir, c'est sombre comme l'indique si bien le titre et toutes les allées empreintes par l'auteur nous racontent l'âme slave avec sa sensibilité exacerbée et cette tendance à l'humeur équivalente « aux montagnes russes ».


Séparations, amour sans espoir, afflictions, incompréhensions, rendez-vous ratés, violence voire viol aussi, Bounine analyse les rapports amoureux avec un oeil plus que défaitiste. Antibolchevique, il s'est exilé à Paris en 1920. Il a écrit ces nouvelles dans les années 1938-1940, période la plus sombre du XXème siècle ou à l'exil vient s'ajouter l'angoisse d'une Europe déchirée, saccagée.


Cette anxiété se ressent fortement dans son écriture mais le lyrisme surpasse l'inquiétude. La plume est toujours aussi envoutante, magique. Bounine a l'art de nous suggérer les majestueux paysages de la Russie, de nous susurrer le bruit du vent dans les feuilles, le chant des oiseaux, la pluie qui résonne sur les vitres. Il nous livre un instantané d'une époque qui ne reviendra plus avec ses codes, sa culture, et son inhumanité aussi comme l'histoire de L'idiote.

Amoureux du corps des femmes, il les observe minutieusement à travers les étoffes de velours, de soie et ses sens sont intensifiés par les interdits qui pèsent sur les relations hommes et femmes de cette époque. C'est un esthète doublé d'un passionné!

J'ai découvert Bounine avec « La Vie d'Arseniev ». La très grande littérature russe est là toute entière dans ce roman. Ce recueil de nouvelles est différent, il m'a fallu pour le savourer, en arrêter de temps la lecture pour passer à un autre ouvrage. La redondance bien que les nouvelles soient toutes différentes, s'est faite sentir et instillait une certaine lassitude. C'est un recueil que je garde auprès de moi afin d'y revenir de temps en temps, lorsque l'absence du souffle de la Russie devient une nécessité et se fait sentir.
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Pour une fois, je vais essayer de me limiter à une présentation courte, mais surtout laisser parler l'auteur.
Pour qui ne connaît pas Ivan Bounine, il suffit de dire qu'en dehors d'être un immense écrivain, c'est un homme d'origine russe ayant fui son pays bolchevisé pour s'exiler en France. Il reçoit le prix Nobel de littérature en 1933 (triste année pour le monde... moins triste pour un dénommé Hitler), qu'il meurt en 1953 ( année moins triste pour le monde... fatale à un dénommé Staline).
Prosateur de génie et poète reconnu, on retrouve ces deux aspects caractéristiques de cet écrivain dans ce recueil de nouvelles (d'abord au nombre de 11... puis quelques années après sa première parution, elles sont 38... et je me suis laissé dire que deux autres textes étaient venus s'ajouter aux 38 que je viens d'évoquer), dont le thème ou les deux thèmes indissociables sont la femme et l'amour. Thèmes déclinés sur toute la gamme.
Le recueil a été écrit sur quelques années, mais sans que cela n'en affecte l'unité, la beauté, la force et l'harmonie.
Ces short stories se déroulent majoritairement en Russie ; quelques-unes, très peu, se situent en France ( à Paris et dans le sud de la France où Bounine a vécu), et une en Orient.
Aucune de ces 38 histoires ne m'a ennuyé, ou pire, laissé indifférent.
J'ai été chaque fois happé d'emblée par l'atmosphère, par les personnages et par la beauté de la langue.
Je reviens un instant sur la langue pour souligner à quel point la description de la nature, celle des personnages et "l'intrigue" sont servies par une plume au talent exceptionnel.
Le titre du recueil - Les années noires - nous rappelle qu'il n'y a pas d'amours heureuses... mais qu'à cela ne tienne, on a beau ne pas s'attendre à une happy end, l'intérêt demeure à chaque histoire.
Une superbe expérience que je vous recommande de tenter !
Extraits :
-La nuit était inhabituellement silencieuse, il était déjà tard. Il avait plu un peu sans doute, et dans l'air encore plus tiède et plus doux, en une délicieuse harmonie avec cette douceur immobile et ce silence, résonnait au loin, venus de différents lieux du village le chant long et prudent des premiers coqs. Une lune ronde brillait en face de la rotonde, au fond du parc comme figée sur place dans une attente curieuse ; elle scintillait au loin dans les arbres et parmi les branches touffues des pommiers, plus près, mêlant sa lumière à leurs ombres. Elle ruisselait en un miroitement clair, alors que l'ombre restait chatoyante et secrète...

-Je l'avais aperçue un matin dans la cour de cet hôtel, de cette vieille demeure hollandaise parmi les forêts de cocotiers au bord de l'océan, où je vivais ces jours-là. Puis je l'y vis tous les matins, étendue dans un fauteuil d'osier, à l'ombre chaude et transparente qui tombait de la maison, à deux pas de la véranda. Un Malais, grand, au visage jaune douloureusement fendu de petits yeux, la servait en pantalons et jaquette de grosse toile blanche, faisant crisser le gravier sous ses pieds nus et, sur un tabouret, à côté de son fauteuil, il déposait un plateau où était une tasse remplie d'un thé doré ; il lui parlait avec respect, les lèvres immobiles, ramassées sur le trou rond de sa bouche, s'inclinait et s'éloignait. Elle agitait avec lenteur un éventail tressé et restait étendue à faire battre, frémissement régulier, le velours noir de ses cils ineffables...À quelle sorte de créatures terrestres pouvait-elle bien appartenir ?
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C’est peut-être la mélancolie pour la Russie natale et lointaine qui donne son incomparable saveur à ces quarante nouvelles de longueur et d’intensité variables, écrites par Ivan Bounine entre 1938 et 1944 ( époque sombre, en rapport avec le titre sans doute ), alors qu’il vit en France après avoir fui son pays après la révolution russe de 1917. L’éloignement, la nostalgie contribuent probablement à magnifier ses souvenirs, à nourrir ces textes centrés sur l’amour et la mort.

« L’amour que l’on garde à jamais blotti au coin du coeur »,
qu’il soit heureux, rarement ; tragique, le plus souvent ; Bounine n’a pas pour habitude d’embellir ses récits et d’offrir le tableau d’un bonheur sans nuage et sans histoire.
Ces courts récits du prix nobel de littérature 1933, injustement moins connu selon moi que les grands écrivains du XIXème siècle, sont particulièrement réussis.
J’ai retrouvé ici avec grand plaisir sa magnifique prose, son trait précis, son goût pour la description à la fois concise et extraordinairement évocatrice aussi bien de paysages que de sentiments qui font quasiment vivre dans l’esprit du lecteur des instantanés de la vie en Russie et l’immerge au coeur d’une action rapide et intense en général.

Un court exemple de ses descriptions somptueuses, juste pour le plaisir :
« À la veille des grands jours de fête on lavait, partout dans la maison, les planchers de chêne bien lisses que la chaleur séchait aussitôt, et on les recouvrait de tapis de selle propres avant de remettre parfaitement en place les meubles que l'on avait provisoirement poussés ; on allumait ensuite des veilleuses et des cierges devant les revêtements dorés et argentés des icônes pour alors éteindre toutes les autres lumières. À cette heure en hiver, la nuit déjà fonçait de bleu les carreaux et chacun montait dans sa chambre. Alors, dans la profondeur du silence qui descendait sur la maison, s'élevait le recueillement tranquille et expectatif qui convenait si bien à la sainteté nocturne de ces icônes baignées d'une lueur de tendresse et d'affliction. »

Un panorama très complet des aléas du sentiment amoureux, du désir charnel intense, le tout teinté d'un érotisme assez rare dans la littérature russe de cette époque : voilà la substance principale des allées sombres que l’auteur considérait comme « le livre le meilleur que j’ai jamais écrit. »
A vous de juger !
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Les allées sombres c'est un recueil de nouvelles sur un monde disparu , la Russie tsariste , orthodoxe .
On ressent une nostalgie poignante à la lecture de ces pages , que sont devenus les grands propriétaires terriens , les jolies femmes oisives mais aussi tout ce monde des serviteurs , ils ont été balayés brusquement .
L'auteur nous fait voyager de la Russie à la France , de Moscou , de petites villes de campagne , de Paris à Nice où de très nombreux russes blancs ont émigré , essayant de recréer comme le font tous les exilés , un peu de leur pays perdu à jamais , comme la nouvelle qui se passe dans un restaurant russe de la rue de Passy .
Mais nous voyageons aussi d'une époque à l'autre , certaines nouvelles se déroulent bien avant la révolution russe .
On sait que l'auteur évoque un passé qui ne reviendra plus et on ressent sa tristesse infinie en lisant son texte .
L'écriture est très belle , soignée , très visuelle.
Le premier amour , les premiers émois sont des thèmes récurrents , ça se passe rarement bien , les hommes riches ont un pouvoir absolu sur les jeunes filles de famille modeste , les pères sur leurs fils .
Il y a aussi la nature , le climat avec ses écarts de température terribles , l'été il y a une grande affluence à la campagne , les gens viennent se détendre , s'invitent à d'interminables déjeuners , viennent goûter aux joies de l'été , l'hiver , tout est figé , les tempêtes de neige empêchent toute vie sociale .
Et puis arrive cette funeste année 1918 où tout un monde disparaît à jamais . Et l'auteur exilé en France gardera toute sa vie une blessure inguérissable, le mal du pays .
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Citations et extraits (88) Voir plus Ajouter une citation
Vive et soumise, elle enjamba tout le linge qui traînait par terre et resta nue, grise et mauve, avec ce corps si particulier aux femmes quand il est pris de frilosité nerveuse, qu'il se tend et devient frais sous l'effet de la chair de poule, et dans ses modestes bas gris, aux jarretelles toutes simples, et ses pauvres petites chaussures noires ; elle lui jeta un regard ivre et triomphant, les mains à ses cheveux pour en retirer les épingles. Glacé, il la suivait des yeux. Elle était mieux faite, plus jeune de corps qu'il n'avait pensé. La maigreur des côtes et des clavicules répondait à celle du visage et à la finesse des mollets. Mais les hanches étaient vraiment fortes. Dans le ventre légèrement creux, disparaissait un nombril minuscule, et plus bas, l'on retrouvait dans le relief soyeux d'un triangle noir la sombre richesse de ses cheveux. Quand elle eut retiré ses épingles, ils roulèrent en masse épaisse sur les vertèbres saillant dans le dos trop maigre. Elle perdait ses bas et, en se penchant pour les retenir, laissa voir deux petits seins transis aux pointes brunes et fripées qui pendaient comme deux petites poires chétives, adorables de pauvreté. Il la força à goûter à cette impudeur extrême qui allait si mal à son visage et qui éveillait en lui pitié et tendresse, et passion... On ne pouvait rien voir à travers les lames relevées du store, mais elle y jetait des coups d'oeil de terreur exultante, écoutant les voix tranquilles et les pas sur le pont juste sous la fenêtre, et cela augmentait avec encore plus de fureur les délices de sa débauche. Oh ! comme ils sont près ces gens qui parlent et qui marchent, et aucun d'eux n'a idée de ce qui se passe à deux pas dans cette cabine blanche.
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- Ecoutez, mais c'est de la folie, j'ai perdu la tête !
Mais elle arracha elle même son chapeau et le jeta sur le fauteuil. Ses cheveux aux reflets roux étaient relevés en chignon et retenus par un peigne droit en écaille, sa frange bouclait légèrement sur le front et dans son visage au hâle léger, ses yeux vides mais joyeux me regardaient. Je la déshabillai à la va-vite et elle s'empressa de m'aider. En un clin d'oeil je lui enlevai sa blouse de soie blanche et, tu comprends, ma vue se troubla tout simplement quand je découvris le rose de son corps, doré sur ses épaules brillantes, et la blancheur laiteuse de ses seins aux pointes dures et vermeilles que soulevait son corset, puis, lorsque je vis sortir de ses jupons tombés à terre, ses jolis petits pieds chaussés d'escarpins dorés et ses jambes dans des bas crèmes ajourés, avec ces larges pantalons de batiste, tu sais, fendus sur le côté, comme on en portait à cette époque. Ses yeux virèrent au noir et se firent plus grands encore, ses lèvres s'ouvrirent fébrilement... Je vois cela comme si je l'avais devant mes yeux ; il y avait en elle une ardeur folle...
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Non, je ne suis point moine, ma bure et ma calotte ne sont que les signes de l'humble pêcheur, serviteur de Dieu, errant de par les terres et les eaux, en route depuis maintenant plus de six dizaines d'années. J'ai mon origine dans une contrée lointaine, au nord. Là-bas la Russie est obscure, immémoriale, elle n'est que lacs, forêts et marécages, rares sont les habitations. Il y vit une multitude de bêtes sauvages, des oiseaux sans nombre, on y voit le grand duc aux larges aigrettes, te fixer de son oeil d'ambre, perché sur un sapin noir. Y vivent l'élan au long nez et le cerf magnifique qui se lamente et brame après sa compagne dans le bois qui résonne... Il neige tout au long des hivers sans fin, le loup y conduit sa migration et s'approche jusqu'en dessous des fenêtres. L'été, l'ours danse dans les forêts et se balance sur ses grosses pattes ; dans les fourrés impénétrables le sylvain siffle, il hèle le passant et joue sur sa flûte ; la nuit sur les lacs, les ondines font comme une brume blanche et elles s'allongent, nues, sur la berge pour tenter de l'acte de chair et de la fornication insatiable ; il est plus d'un malheureux qui ne s'adonne désormais qu'à cette seule fornication restant la nuit à leur côté, dormant le jour et se consumant dans les fièvres, sans plus de souci de la tâche quotidienne.. Il n'est rien sur la terre de plus puissant que la concupiscence, qu'il s'agisse de l'homme ou du reptile, du fauve ou de l'oiseau, mais elle est plus redoutable encore chez l'ours et le sylvain !
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Je me réveillais tôt et pendant qu'elle dormait encore, je me promenais dans les collines et les forêts épaisses jusqu'au moment du thé que nous prenions vers sept heures. Le soleil brûlant, radieux et pur était déjà haut. Une brume parfumée, qui brillait comme de l'azur, se glissait parmi les arbres puis se dissipait ; au-delà des sommets boisés étincelait la blancheur éternelle des montagnes enneigées... Au retour, je passais par le marché de notre village où la chaleur se mêlait à l'odeur du fumier séché qui s'échappait des cheminées ; on y commerçait ferme, on s'y bousculait au milieu des gens, des chevaux et des ânes : le matin, il y avait là des montagnards en grand nombre, venus de tribus différentes. Les jeunes Tcherkesses marchaient gracieusement dans leur longue robe noire et leurs sandales rouges. Elles avaient la tête prise dans des tissus noirs, comme pour le deuil, d'où s'échappaient parfois, furtivement, leur regard d'oiseau.
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Ainsi j'ai survécu à sa mort, après avoir dit hâtivement que cela me serait impossible. Mais au souvenir de tout ce que j'ai connu depuis, je me demande toujours : mais finalement qu'y a-t-il eu dans ma vie ? Et je me dis : rien d'autre que cette soirée froide d'automne. A-t-elle vraiment eu lieu ? Oui, tout de même. Et c'est la seule chose qui ait existé dans ma vie ; le reste n'est qu'un rêve inutile. Et je crois, je crois avec ferveur qu'il m'attend quelque part là-bas, avec le même amour, la même jeunesse que ce soir là. "Fais ta vie, sois heureuse sur la terre et viens me rejoindre...". J'ai vécu, j'ai eu du bonheur, et maintenant je ne serai plus longue à venir.

3 mai 1944
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