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Citations sur Raisons pratiques : Sur la théorie de l'action (25)

Pour comprendre la logique spécifique des pratiques qui ont pour principe des dispositions, il faut abandonner la distinction canonique entre l'explication par des causes et l'explication par des raisons. (p. 229)
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Une des difficultés de la lutte politique aujourd'hui, c'est que les dominants, technocrates ou épistémocrates de droite ou de gauche, ont partie liée avec la raison et l'universel : on se dirige vers des univers dans lesquels il faudra de plus en plus de justifications techniques, rationnelles, pour dominer et dans lesquels les dominés, eux aussi, pourront et devront de plus en plus se servir de la raison pour se défendre contre la domination, puisque les dominants devront de plus en plus invoquer la raison, et la science, pour exercer leur domination. Ce qui fait que les progrès de la raison iront sans doute de pair avec le développement de formes hautement rationalisées de domination [...], et que la sociologie, seule en mesure de porter au jour ces mécanismes, devra plus que jamais choisir entre le parti de mettre ses instruments rationnels de connaissance au service d'une domination toujours plus rationnelle ou d'analyser rationnellement la domination et tout spécialement la contribution que la connaissance rationnelle peut apporter à la domination. (p. 167)
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Le désenchantement que peut produire l'analyse sociologique de l'intérêt au désintéressement ne conduit pas inévitablement à un moralisme de l'intention pure qui, attentif seulement à l'usurpation de l'universalité, ignore que l'intérêt à l'universel et le profit d'universel sont indiscutablement le moteur le plus sûr du progrès vers l'universel. [...]
Poser en termes sociologiquement réalistes la question de la morale en politique ou de la moralisation de la politique, c'est s'interroger, très pratiquement, sur les conditions qui devraient être remplies pour que les pratiques politiques se trouvent soumises, en permanence, [au] test d'universalisabilité [cher à Kant] ; pour que le fonctionnement même du champ politique impose aux agents qui s'y trouvent engagés à temps plein des contraintes et des contrôles tels qu'ils soient contraints à des stratégies d'universalisation réelles. [...]
La morale politique ne peut pas tomber du ciel ; elle n'est pas inscrite dans la nature humaine. (p. 242-243)
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La fraude fiscale est là encore aujourd'hui pour attester que la légitimité de l'impôt ne va pas de soi.
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Est-ce que des conduites désintéressées sont possibles, et, si elles le sont, comment et à quelles conditions? Si l'on reste dans une philosophie de la conscience, il est évident qu'on ne peut répondre que négativement à la question et que toutes les actions apparemment désintéressées cacheront des intentions de maximiser une forme quelconque de profit. En introduisant la notion de capital symbolique (et de profit symbolique), on radicalise en quelque sorte la mise en question de la vision naïve : les actions les plus saintes [...] pourront toujours être suspectées [...] d'être inspirées par la recherche du profit symbolique de sainteté, ou de célébrité, etc. [...]
Pourquoi est-il important de penser en termes d'habitus? Pourquoi est-il important de penser le champ comme un lieu qu'on n'a pas produit et dans lequel on est né et non pas comme un jeu arbitrairement institué? Parce que cela permet de comprendre qu'il existe des conduites désintéressées qui n'ont pas pour principe le calcul de désintéressement, l'intention calculée de surmonter le calcul ou de montrer qu'on est capable de le surmonter. [...] Dans les sociétés d'honneur bien constituées, il peut y avoir des habitus désintéressés et le rapport habitus-champ est tel que, sur le mode de la spontanéité ou de la passion, sur le mode du "c'est plus fort que moi", on accomplit des actes désintéressés. Dans une certaine mesure, l'aristocrate ne peut pas faire autrement que d'être généreux, par fidélité à son groupe et par fidélité à lui-même comme digne d'être membre du groupe. C'est ce que signifie "noblesse oblige". La noblesse, c'est la noblesse comme corps, comme groupe qui, incorporée, faite corps, disposition, habitus, devient le sujet de pratiques nobles, et oblige le noble à agir noblement.
Lorsque les représentations officielles de ce que l'homme est officiellement dans un espace social considéré sont devenues des habitus, elles deviennent le principe réel des pratiques. (p. 161-163)
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"[...] comme le dit Austin : le président de la République est quelqu'un qui se prend pour le président de la République, mais qui, à la différence du fou qui se prend pour Napoléon, est reconnu comme fondé à le faire".
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Il est vrai que l'analyse sociologique ne fait guère de concessions au narcissisme et qu'elle opère une rupture radicale avec l'image profondément complaisante de l'existence humaine que défendent ceux qui veulent à tout prix se penser comme "les plus irremplaçables des êtres". Mais il n'est pas moins vrai qu'elle est un des instruments les plus puissants de connaissance de soi, en tant qu'être social, c'est-à-dire en tant qu'être singulier. Si elle met en question les libertés illusoires [...], elle offre quelques-uns des moyens les plus efficaces d'accéder à la liberté que la connaissance des déterminismes sociaux permet de conquérir contre les déterminismes. (p. 11)
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Peut-être la situation où je m'étais mis en entreprenant de démontrer, devant des publics étrangers, la validité universelle de modèles construits à propos du cas particulier de la France, m'a-t-elle permis d'aller, dans ces conférences, à ce que je crois être l'essentiel de mon travail [...].
D'abord une philosophie de la science que l'on peut dire relationnelle, [...] trop rarement mise en oeuvre dans les sciences sociales, sans doute parce qu'elle s'oppose [...] aux routines de la pensée ordinaire [...] du monde social, qui s'attache à des "réalités" substantielles, individus, groupes, etc. [...].
Ensuite, une philosophie de l'action [...] dispositionnelle qui prend acte des potentialités inscrites dans le corps des agents et dans la structure des situations où ils agissent ou, plus exactement, dans leur relation. Cette philosophie [...] a pour clé de voûte la relation à double sens entre les structures objectives (celles des champs sociaux) et les structures incorporées (celles de l'habitus) [...]. Elle [s'oppose à un] certain structuralisme en refusant de réduire les agents qu'elle tient pour éminemment actifs et agissants (sans en faire pour autant des sujets) à de simples épiphénomènes de la structure [...]. [Elle] s'affirme d'emblée en rompant avec nombre de notions [...] ("sujet", "motivation", "acteur", "rôle", etc.) et avec toute une série d'oppositions socialement très puissantes, individu/société, individuel/collectif, conscient/inconscient, intéressé/désintéressé, objectif/subjectif, etc., qui paraissent constitutives de tout esprit normalement constitué. (p.9-10)
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Les groupes récompensent universellement les conduites qu'ils tiennent pour universelles en réalité, ou, à tout le moins, en intention, donc conformes à la vertu ; et ils accordent une faveur particulière aux hommages réels, et même fictifs, à l'idéal de désintéressement, à la subordination du moi au nous, au sacrifice de l'intérêt particulier à l'intérêt général, qui définit, très précisément, le passage à l'ordre éthique. On peut donc tenir pour une loi anthropologique universelle qu'il y a du profit (symbolique et parfois matériel) à se soumettre à l'universel, à se donner (au moins) les apparences de la vertu, à se plier, extérieurement, à la règle officielle. (p. 240-241)
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La plupart des oeuvres humaines que nous avons l'habitude de considérer comme universelles - droit, science, art, morale, religion, etc. - sont indissociables du point de vue scolastique et des conditions économiques et sociales qui le rendent possible et qui n'ont rien d'universel. Elles se sont engendrées dans ces univers sociaux très particuliers que sont les champs de production culturelle (champ juridique, champ scientifique, champ artistique, champ philosophique, etc.) et dans lesquels sont engagés des agents ayant en commun le privilège de lutter pour le monopole de l'universel et de contribuer ainsi à faire avancer, peu ou prou, des vérités et des valeurs qui sont tenues, à chaque moment, pour universelles, voire éternelles. (p. 230)
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