Citations sur Le choix d'une femme libre (16)
Il n'y a pas de femme au monde qui puisse résister aux soins assidus et à
toutes les bonnes attentions d'un homme qui veut la rendre gaie , joyeuse
et réceptive au véritable bonheur .
Elle semblait le regretter. Sans doute était-elle assez mûre aujourd'hui, pour souhaiter rencontrer le grand amour au lieu de continuer à le fuir. Hélas, et si désespérante que soit cette vérité, il ne pouvait pas être celui qui la rendrait heureuse dans l'avenir.
Trop impatient, trop nerveux, il traitait ses conquêtes comme il menait ses affaires : tambour battant. Peut-être devrait-il demander à Violaine ce qu’elle en pensait. Jusque-là, elle ne lui avait jamais rien dit à ce sujet, ni reproches ni compliments, et la question risquait de l’intriguer ! Comment la formuler, d’ailleurs ? « Ma chérie, comment me trouves-tu, au lit ? » L’idée lui arracha un sourire crispé. En réalité, Lucrèce lui faisait peur, c’était aussi puéril que ça. Une femme comme elle méritait un bon amant, et s’il continuait à s’angoisser, il serait d’autant plus maladroit.
Jamais, de toute son existence, il n’avait fait l’amour avec une telle passion. Au moins, il était certain d’avoir su la satisfaire, mais ce n’était pas une consolation. Décidément, il était fou d’avoir cédé à la tentation, le prix à payer pour cette nuit unique allait être exorbitant.
Cet agrandissement couleur lui permettait de contempler Lucrèce aussi souvent qu’il le désirait. Là-dessus, elle était belle à se damner avec ses petites mèches brunes sur le front, ses grands yeux lumineux, ses traits fins, sa silhouette de tanagra. Il se sentait amoureux comme un collégien, ce qui était la meilleure chose qui lui soit arrivée depuis un temps infini. Aucun de ses succès professionnels ne lui avait procuré une telle émotion, une aussi forte impression d’être vivant. Cette fille le fascinait, le subjuguait, le rendait fou depuis la première minute où il l’avait rencontrée. Et même si elle avait été moins jolie, il l’aurait aimée quand même, parce qu’elle possédait une intelligence remarquable qui le bluffait. Comparée à toutes les idiotes qui se jetaient à son cou uniquement parce qu’il avait le pouvoir de faire ou défaire une carrière – il était assez rusé pour ne pas en être dupe –, Lucrèce lui inspirait une authentique admiration, sentiment qu’il n’avait jamais éprouvé envers aucune femme.
En quatre ans, il avait fait de ce journal l’un des plus importants magazines d’information du marché. Et le tirage continuait à grimper, les abonnements à se multiplier, les annonceurs à affluer. Une formidable réussite, exactement telle qu’il l’avait prévue. Sur le marché de la presse écrite, il n’existait alors aucun hebdo sachant traiter l’événement en toute objectivité mais sans aucune complaisance. Avec des photos réalistes sans être racoleuses ou choquantes, des textes de qualité, des interviews exclusives et intégrales, ainsi qu’un dossier exhaustif chaque semaine, Claude-Éric avait pris le parti de l’exigence.
Il a toutes les chances de gagner la partie, tu le sais,; et moi aussi
Quitter la France revenait à quitter Lucrèce, or il en était incapable. La jeune femme s’était imposée dans sa vie malgré lui, prenant de plus en plus d’importance, et il avait rompu avec son passé d’homme à femmes sans attaches. Il avait beau savoir que leur différence d’âge condamnait leur histoire à plus ou moins brève échéance, il ne pouvait pas se résoudre à s’éloigner délibérément. Il l’aimait, il souffrait de la voir trop rarement, mais il ne lui en montrait rien, persuadé que c’était la seule façon de la garder encore un peu.
À l’époque, il collectionnait les succès, adorait les femmes, excellait à les combler, mais ne passait jamais deux nuits avec la même. Lucrèce avait été une exception pour lui. Leur relation épisodique avait duré. Non seulement il avait révélé toute la sensualité qui sommeillait en elle, mais il l’avait réellement épanouie. Sans aucun serment d’amour, sans la moindre contrainte, leur histoire était devenue une liaison.
Pourquoi avait-elle cédé si vite au charme de cet homme de quarante ans, à son regard bleu pâle, à sa gentillesse ? Bien sûr, il était terriblement séduisant et il savait en jouer, mais Lucrèce n’ignorait pas qu’à travers lui, elle s’était surtout offert la possibilité de régler ses comptes. Il connaissait son père, ils avaient été copains en fac de médecine. En devenant sa maîtresse, elle donnait la preuve qu’elle pouvait conquérir sans peine un homme de cette génération-là.