Les perturbations de l’humeur sont difficiles à mettre en mots. L’affect, l’humeur sont des vécus beaucoup plus que des pensées, que le sujet et les autres tentent de conceptualiser et de verbaliser. Les artistes, les poètes, qui souffrent souvent eux-mêmes de ces troubles, perçoivent et décrivent beaucoup mieux les états d’âme douloureux ou perturbés. Actuellement, les critères diagnostiques et les échelles d’évaluation aident à les objectiver et même à les mesurer. Mais c’est le patient lui-même qui connaît de l’intérieur ces expériences et, quand il peut les raconter, les dire, un premier pas est déjà franchi dans l’abord thérapeutique.
L’humeur de la plupart des personnes oscille autour d’une ligne de base moyenne, en fonction de l’état de l’organisme, de la situation externe, des événements de vie et de l’anticipation ainsi que de la disposition et du tempérament propre du sujet. Chez certains, il n’y a pratiquement pas de modification de l’humeur, qui reste constante. À l’opposé de ces sujets à humeur égale, il y a ceux dont l’humeur varie plus nettement tout en restant dans des limites normales. Par contre, dans les dérèglements pathologiques de l’humeur, celle-ci fait des écarts importants avec des hauts et des bas, et l’on est alors dans le domaine de l’excitation maniaque ou hypomaniaque, ou de la dépression.
La dépression n’est pas une maladie à proprement parler. Il ne s’agit pas d’une « espèce naturelle ». Comme en médecine organique il y a une insuffisance cardiaque, une insuffisance hépatique, rénale, respiratoire, par épuisement des ressources adaptatives et fonctionnelles d’un organe particulier, la dépression représente un effondrement (break down) du fonctionnement psychique, et un dérèglement de son fondement cérébral. L’expérience de la vie prend une autre allure : perte de désir, de projet, d’espoir, de confiance, d’estime de soi, sentiment de vide existentiel, souffrance psychique indicible avec parfois désir de mort, etc.
Les symptômes psychiques concernent les sentiments d’inutilité, de non-valeur (effondrement de l’estime de soi) ou de culpabilité inappropriée, une difficulté à penser et de concentration avec indécision. Enfin, des pensées récurrentes de mort, d’idéation suicidaire ou de tentative de suicide viennent signer la gravité de la dépression. Cet état doit être différencié des symptômes dépressifs observés dans les deux mois qui suivent un deuil et qui, spontanément régressifs, sont supposés être « normaux ».
L’affection commence assez tôt dans la vie, à l’adolescence ou chez l’adulte jeune. Les formes pubertaires et même « pédiatriques » semblent en augmentation. Elles paraissent alors incomplètes, atypiques et restent souvent ignorées. Il faut encore de nombreuses années pour que le diagnostic correct soit posé. Autant d’hommes que de femmes sont concernés par ce trouble, alors que, pour la dépression récurrente unipolaire, le sex ratio est de deux ou trois femmes pour un homme.
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