La vengeance du Catenacciu et autres contes de Corse : Récits du folklore corse

Le degré de culture d'une région se mesure à la richesse de sa production artistique et littéraire. Et c'est certainement celle qui s'inspire du folklore et des traditions populaires qui est la plus significative.
Les contes que nous livre aujourd'hui Claude Bourguignon représentent l'un des aspects les plus authentiques de la pensée d'une île qui, hélas! perd peu à peu ses caractères particuliers, pour se diluer dans l'anonyme creuset d'une nation moderne. Il n'était que temps de procéder à cette quête et à ce sauvetage.

Il était en train de leur enseigner la façon de fabriquer de la cire, avec le dernier lait de cuisson du brocciu, lorsque l'ogresse arriva, rouge de colère.
"Ne vois-tu pas, pauvre sot, que cela ne sert à rien de leur dévoiler nos secrets, s'écria-t-elle, car ces ingrats vont quand même nous tuer!"
C'était vrai : les bergers les massacrèrent tous les deux. Au moment où leurs corps s'effondrèrent, ils furent transformés en pierre, en deux menhirs que l'on voit encore se dresser au flanc du Monte Revincu.

Au-dessus du petit village de Saint-Pierre-de-Venaco, tout en haut de la vallée du torrent Misogno, se dresse une chapelle d'apparence assez simple, mais qui attire chaque année à la fin de l'été de nombreux pèlerins. Dès l'aube, on les voit grimper à travers la montagne en longs cortèges. Puis, l'après-midi, ils se réunissent pour de grandes réjouissances.
A l'intérieur de cette chapelle on découvre, sur un petit autel, la statue en bois émaillé d'un saint obscur, dont le nom éveille peu d'échos : san Eliseo. Elisée était un pauvre laboureur dont parle la Bible, qui devint prophète et accomplit de nombreux miracles... il y a bien longtemps.

On raconte qu'autrefois la Corse, lorsqu'elle se retrouva perdue au milieu de la Méditerranée, eut peur de sa solitude et se mit à pleurer.
Ses larmes, qui ruisselaient au flanc de ses montagnes, donnèrent naissance à trois fleuves principaux que les Corses appelèrent le Golo, le Tavignano et le Liamone.

"Hier, alors que je revenais de la chasse, un renard noir est apparu devant mon cheval", reprit Agostinu.
Il se signa. Le vieil Anton-Paulu sortit de sa poche son zanettu, la blague en peau de chat retournée où il conservait son tabac, et alluma posément sa pipe.
"C'est signe que quelqu'un va mourir, observa-t-il après en avoir tiré une bouffée.