Depuis que les livres existent, les histoires prennent racine dans le passé pour comprendre le présent, elles peuvent aussi projeter dans le futur, demain ou dans 50 ans, par le biais d'une vision de tous les imaginaires possibles, le temps donnera alors raison et souvent, pour le meilleur et le pire.
Quand la fiction dépasse la réalité ...
Le monde actuel vit une époque de tous les bouleversements et de toutes les gestations, prémices d'un monde meilleur ou au bord d'un précipice qui pourrait le plonger plus rapidement que les prédictions l'annoncent, dans la lumière et dans l'ombre, deux visages qui présentent leur face, à l'instar de la couverture symbolique du livre que je vous propose de découvrir, La théorie de la paire, quand vous vous regardez dans un miroir, quand vous apercevez votre reflet dans la vitrine d'un magasin ou sur les parois de l'ascenseur, quand vous prenez la voiture en vérifiant votre maquillage dans le rétroviseur, quand votre double vous dévisage, que voyons-nous ? Sommes-nous ce que l'image nous renvoie ou bien s'agit-il d'une vision déformée de la réalité ?
Imaginons-nous faire le bien aujourd'hui dans les progrès de la science ou de la technique ? Ma grand-mère avait coutume de dire le progrès c'est la destruction, le début de tendre vers une utopie, s'ils permettent de soigner et de vivre mieux, de rallonger quelque peu l'espérance de vie, d'utiliser au mieux le potentiel de chacun vers un monde plus juste et meilleur, c'est sans compter sur les dérapages qui ne manquent pas de trahir l'idéal recherché, rompre avec le pacte initial de protéger la planète et les siens, d'accélérer le mouvement pour la dématérialisation à outrance, ce qui induit à préserver la forêt ici ou en choisissant le recyclage, c'est aussi dans le même temps, la déforestation massive à la vitesse d'un terrain de football toutes les ... 7 secondes, le temps d'écrire cette chronique, imaginez grosso modo c'est l'équivalent de 500 terrains qui seront rasés et repoussant toujours plus loin les indiens d'Amazonie, un exemple parmi d'autres ...
"Tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles."
Dans cette histoire qui peut se lire comme une fable philosophique ou de science-fiction, c'est une approche originale pour appuyer sur des sujets sensibles, pour les raisons invoquées ci-avant mais aussi cette perte d'humanité qui se profile, lentement mais inexorablement, comme une sonnette d'alarme, un cri d'alerte pour sensibiliser les risques de voir une société tomber dans une vertigineuse chute sans retour arrière possible, une récit sombre mais qui est éclairé par la présence lumineuse de Joy, sa touchante relation avec Jonaz, quand un récit se transforme alors en une quête identitaire et initiatique, la vie prend de nouvelles couleurs et d'espoir, au-delà du quotidien morose dans lequel les deux protagonistes cherchent encore un sens à donner à leur vie, la plume de l'auteure se permet de prendre des virages à 180 degrés pour nous faire prendre conscience, nous réveiller que demain est déjà ... aujourd'hui !
“Nous pourrions bien nous apercevoir un jour que les aliments en conserve sont des armes bien plus meurtrières que les mitrailleuses.”
George Orwell (auteur de
1984)
A travers une construction alternant présent et futur, s'imprégner de cette vision désincarnée d'une humanité qui poursuit une utopie insensée, le ressenti est viscéral pour trouver matière à réfléchir, à donner une nouvelle définition à notre foi en l'être humain, un monde aseptisé et glaçant, quand la révolution du tout numérique d'aujourd'hui se mute en un soulèvement des machines, Terminator n'est jamais très loin, ni le monde de Brazil cher à
Terry Gilliam et son film culte et éponyme, ni le cauchemar imaginé par
George Orwell avec
1984, les cataclysmes sont des catastrophes majeures et détournés pour l'exploitation, pour le bénéfice de classes dirigeantes promptes à assurer un cycle infernal, la transmutation a déjà commencé, la soumission est de rigueur, que reste-t-il de l'âme et des rêves ?
"Science sans conscience n'est que ruine de l'âme."
François Rabelais (1494-1553)
L'auteure égrène des possibles scénarios, suffisamment crédibles en faisant appel à un bouleversement de tous les codes usités et linguistiques d'aujourd'hui, ce tourbillon d'hypothèses dans lesquelles d'autres personnages seront embarqués dans uns spirale palpitante, comme dans Matrix, cherchez le lapin, il vous emmènera loin voire très loin dans les sphères gravitationnelles, projection holographique et autres dérives technologiques, pas le temps de souffler, cela s'intensifie à la vitesse du son, les pages suivent le même rythme, un roman qui ouvre les yeux et développe des pistes de réflexion fondamentale, quel monde désirons-nous pour les enfants ? Quel héritage laisserons-nous à nos enfants ? Cette figure du père est décliné à plusieurs facettes, dans cette anfractuosité et vision secondaire, il est des valeurs que tout un chacun cherchera à tout prix à retrouver, le partage et l'amour des siens, la vie pourra alors, de nouveau, briller ...
Un premier roman auto-édité qui m'a impressionné par sa capacité à toucher des points sensibles, un cheminement original pour renverser des idées acquises, le sentiment parfois de se perdre dans les méandres d'un monde qu'on ne reconnaît plus, entre la vision onirique et la violence des rappels du quotidien, la fatalité et le destin sont étroitement liés, une société dystopique, des personnages repoussés dans leur dernier retranchement, entre le bien et le mal, cette notion de fracture est apparente, dans la conjoncture actuelle, un roman qui sonne juste et appuie un peu plus sur la rupture d'une société en proie avec ses doutes existentiels, le banc des accusés n'est pas encore remplis mais c'est juste une question de temps.
"Plus vous voudrez accélérer les progrès de la Science et plus vite vous la ferez périr ; ainsi succombe la poule que vous contraignez artificiellement à pondre trop vite ses oeufs."
Friedrich Nietzsche (1844-1900)
La théorie de la paire de
Evelyne Boury-Sipelgas est un roman intelligent et d'une actualité brûlante, à méditer et à découvrir pour avoir une petite idée du monde de demain et surtout pour comprendre le présent, les enjeux sociétaux, les questionnements inévitables dans la recherche scientifique et technique, jusqu'où pouvons-nous aller et quelles sont les limites à ne pas dépasser sous peine de perdre et surtout de nous ... perdre.
“Ce qui constitue l'essence d'être un être humain, c'est de ne pas rechercher la perfection.”
George Orwell (auteur de
1984)