Un début de roman fantastique assez prometteur pour ados, signé
Charlotte Bousquet.
"Lune à treize ans et elle voit en noir et blanc..."
Quelle tristesse ou quel handicap !
Avec la frustration, l'auteure associera un peu la perte de goût conjointement à la vision sans couleurs. On comprend, sans la couleur, que notre quotidien serait sans saveurs, penserait-on (nous ne demanderons pas leur avis aux jeunes ados gothiques, là-dessus).
Il nous semblera, pour cette chronique, important d'explorer un peu cet état assez handicapant pour Lune, avant de nous engager plus avant dans le développement de son étrange aventure " Lune et l'ombre".
Est-ce douloureux ? Cela la rend-elle plus triste? Son regard sur le monde va-t-il obligatoirement changer avec l'absence de couleurs ?
Nous imaginerons le trauma et le calvaire de la jeune Lune qui, après avoir connu la couleur toute sa vie, en sera privé à ses 13 ans, sans qu'aucun médecin ne puisse rien y faire. C'est l'isolement, personne ne verra les choses comme elle (et vice versa).
Un monde en noir et blanc. Comment donc faisaient nos ainés avec un écran TV noir et blanc maintenant que nous ne connaissons que la couleur, penseraient peut-être quelques lecteurs ados ?
Les jeunes générations de lecteurs d'aujourd'hui ne sauraient, ne voudraient, ne pourraient s'imposer une vision en noir et blanc pour profiter de leur quotidien certainement. Question de confort visuel. La couleur, c'est la vie!
Un quotidien en noir et blanc.
Terrible quand on aura connu mieux. Certains spectateurs adultes, les plus modestes pendant les années 70, se trouvaient encore équipés d'un téléviseur noir et blanc pour suivre leurs émissions préférées, le journal télévisé. Des années durant et juste ainsi, c'était un plaisir mais si un peu plus distant de la réalité, sans plus de gênes pour autant, les gens d'époque s'émerveillant qu'une retransmission de la réalité soit possible dans ce cube, aussi en noir et blanc soit elle. Ce n'est pas la vie mais juste une vue sans avoir à se déplacer surtout, c'était déja beaucoup.
La rencontre avec le monde en couleur.
Ces spectateurs pourront vous en parler aussi, de ce premier contact avec l'écran couleur: avec toutes les émissions et leurs plateaux télé aux couleurs agressives et chatoyantes. La révélation. Ils auront déclenché dans l'oeil ce drôle de choc visuelle qui ajoutera de la profondeur, de la nuance et de l'émotion aux choses, avec ce bizarre sentiment comme d'avoir un jour enfin recouvrer la vue après des années d'émissions tv dans la brume.
Lune plongera entièrement dans ce filtre de gris, du lever au coucher. Sa mère et elle donneront l'impression de s'être perdues (de vue).
L'origine du Mal.
Charlotte Bousquet dans son intrigue sèmera le doute. Psychosomatique ou maléfique ? Lune, elle, est convaincue. Elle sait que ce filtre visuel s'est imposé avec l'arrivée de Malco, le nouveau compagnon de sa mère. Lune verra encore la vie en rose, grâce à ce qu'elle est mais pas avec ses yeux.
Malco le sinistre amoureux, l'écrivain maudit.
Malco est présenté comme un personnage malveillant, comme la "belle-mère" d'un conte ou même - selon les dires de Lune - c'est un ogre qui viendra dévorer sa joie de vivre, ses réussites, ses complicités mère-fille. Il y aura quelque chose d'ensorcelé.
Ce ne sont pas ses sentiments qui lui feront voir la situation en grisaille.
Non, ça ne sera pas une métaphore, nous le cernerons bien avec les ombres, Lune verra tout en noir (ou plutôt en nuances de "grey" (gris) sans plus d'extase) parce qu'on ne la croira pas mais aussi parce qu'une nuée d'ombres sauvages lui collera aux "basques".
D'où vient vraiment Malco?
Nous lirons, accrocherons pour aller au bout de la suite très troublante et toute en impressions. Lune mettra le pied dehors sans l'autorisation de Malco et ça sera l'alerte.
Que dis-je, la panique : car Lune tombera sur une faille de couleur.
Le regard de Lune s'illuminera de nouveau en tombant sur la reproduction d'un tableau (dans la salle d'attente de son thérapeute).
C'est le feu, de nouveau dans le regard. Il existera donc un espoir de récupérer sa vue, à la normale et malgré les interdictions, Lune ira vérifier au
Musée Marmottan là où est conservée l'originale de cette peinture. Malco sera partout avec la nuit qui tombe, à ses trousses....
On accrochera vraiment bien de notre côté, on sera capté à la fois par l'intrigue frisson mais aussi par les descriptions en noir et blanc tout en douceur. C'est frissonnant sans trop en faire. Malco sera plus qu'un fantasme incessant...
Nous serons à la fois dans le drame familial psychologique et le thriller de conte de fées pour ados.
Nous glisserons de l'un à l'autre. Les plus jeunes ados dévoreront ce premier tome de mise en place très accessible avec un certain plaisir, nous l'assurons.
Lune imaginera-t-elle ce qui lui arrive ?
Les attitudes de Malco seront exagérées, tyranniques, comme avec le méchant d'un conte de pure méchanceté. Et cela offrira à Lune un parcours initiatique courageux.
On aime bien. Et vous ?