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EAN : 9782843032028
192 pages
La Dispute (25/11/2010)
3.5/5   1 notes
Résumé :
Ce livre est une version entièrement remaniée de l’ouvrage Le pouvoir des mots, paru aux éditions La Dispute en 2010, et aujourd’hui épuisé. L’ensemble des chapitres est réécrit et actualisé avec de nouveaux exemples récents (par exemple l’expression « le grand remplacement » apparu sous la plume d’un écrivain d’extrême-droite en 2011 ou le lapsus « Une loi du sièxe euh une loi du siècle » d’un homme politique en 2015) et une première partie, entièrement inédite, qu... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Laver les mots, c'est leur redonner leur sens réel

Le langage est une pratique sociale pas un donné a-historique ou neutre. « Pouvoir nommer et catégoriser les objets du monde ou les personnes représente une puissance symbolique formidable ». le langage est, comme la grammaire, un enjeu de luttes (voir par exemple le récent ouvrage publié sous la direction d'Eliane Viennot : L'Académie contre la langue française. le dossier « féminisation » ou le site Les mots sont importants (LMSI).

Dans son avant-propos, Josiane Boutet parle des pratiques langagières, de politique de linguiste et présente les différents chapitres du livre.
Je n'aborde que certains points développés.

Déclaration universelle des droits de l'homme. Universelle et non internationale comme proposé par certains. Mais dire des êtres humains et non de l'homme reste toujours problématique dans certains pays, comme la France.

Une molécule, benfluorex, un nom scientifique reconnue par l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS) et, par un tour de passe passe, un nom commercial, Médiator pour un autre objet médical et plus tard un scandale sanitaire.

Des migrant-e-s, des immigré-e-s, des demandeurs/demandeuse d'asile, une soit-disant crise des migrant-e-s médiatiquement exploitée et une politique stigmatisante. le choix des mots.

Trois exemples. Nommer les objets, nommer le monde, nommer les personnes « n'est pas un acte anodin ». de quoi parle-t-on, comment le dit-on, sous quelle forme linguistique ?

Josiane Boutet revient sur l'histoire des langues, ces systèmes de signes spécifiques, ces moyens « de concevoir, d'exprimer et de transmettre », cette « technologie intellectuelle performante ». Elle critique, entre autres, l'idéologie linguistique de la neutralité instrumentale, la non-prise en compte de la matérialité propre du langage, l'illusion de la parole libre, les pratiques de communications politiques construites sur les techniques de la publicité…

Elle parle des langues, de leur capacité de représentation symbolique du monde, des fonctions du langage, des routines langagières, de la puissance d'action du langage (voir le travail de Victor Klemperer sur la langue des nazis), des relations complexes entre « les activités de travail et les activités langagières », de conception matérialiste du langage, de « la réalité empirique de ce que font les locuteurs dans la matérialité des situations sociales et les interactions verbales », de pratique sociale… Je regrette que ne soit pas abordé le sexe des langues ou l'analyse des constructions langagières au prisme du genre.

Les mots « pour dire la condition ouvrière et les conditions de son émancipation », la constructions sociale du sens, la critique des mots, « rétablir la vérité », faire émerger « le sens social et conflictuel de mot », l'appropriation des mots des autres, la langue totalitaire, le novlangue, Victor Klemperer et George Orwell, la construction de l'appauvrissent de la langue par la syntaxe et le vocabulaire…

Le pouvoir de nommer, la variabilité des catégorisations d'une langue à l'autre, Renaud Camus et « le grand remplacement », les mots de la droite-extrême, nomination et non-nomination, l'expression des rapports sociaux, l'activité permanente de renomination, la créativité verbale en situation professionnelle, le retournement du stigmate (sans-culottes, beurs, black is beautiful, les chiennes de garde…), les techniques de l'efficacité verbale, l'éloquence, « I have a dream », influencer-persuader-convaincre, « Pour parler franchement, votre argent m'intéresse », la force de la voix, la propagande, « We Can Do it ! », la lecture-retournement de l'affiche du régime de Vichy sur le groupe Manouchian…

Jouer avec les mots, « Rêve générale », la suspension du sens, l'intertexualité, les interprétation de « nature sexuelle » (je regrette l'absence du traitement du sexisme verbalisé en tant que tel), les figures de rhétorique, le rythme et le sens sonore des mots, les joutes verbales, les insultes rituelles (et j'ajoute, le plus souvent sexiste, homophobe et raciste)…

Les actes de langages, jurer solennellement et prêter serment, les « verbes performatifs », ceux qui « exhibent une force propre, une puissance spécifique », la variabilité des énoncés en fonction des contextes, notre proximité de pratique avec les chamanes indiens ou les sorcier-e-s créoles…

J'ai notamment apprécié le chapitre sur « les énoncés standardisés, routinisés et obligatoires », les langages opératifs, ceux d'autorité du droit, les commandements « divins », les souhaits et les ordres, « Les différentes expressions linguistiques de l'ordre et du commandement posent la question de la façon dont l'autorité et son double l'obéissance s'énoncent dans une société ou une culture donnée », les transformations des relations sociales dans l'espace public (il y aurait beaucoup à dire aussi sur les évolutions dans l'espace dit privé qui n'en reste pas moins un espace de rapports sociaux et donc de politique)…

Les injures, les manifestations verbales contre Christiane Taubira, le racisme décomplexé en mots, le « casse-toi pauvre con » d'un président, « le procédé du renvoi à l'employeur de l'insulte, ce retour de boomerang », la chienlit, les injures au travail, les violences verbales. Cependant, je ne partage pas l'opinion de l'auteure sur ce qu'elle nomme la tendance à perdre leur charge négative, dépréciative et insultante des expressions comme « enculé », « pute », « pouffe », « pouffiasse », « mongol ». Il s'agit bien d'une banalisation du sexisme, de l'homophobie, du racisme… de l'intégration de la stigmatisation et de la dépréciation dans le quotidien des mots. Et que ces mots soient majoritairement employés par des individus mâles en dit long sur la socialisation masculine…

Josiane Boutet indique cependant que « les violences verbales constituent l'un des éléments de construction des rapports sociaux, ici conflictuels ».

Les mots peuvent avoir aussi, dans certaines circonstances, une puissance magique, dans les incantations, les mots des chamans, les mots des sorcier-e-s, les prières, mais pas seulement… et la rationalité ou l'irrationalité n'est pas toujours celle des « autres » et comme l'indique l'auteure les différents modes d'appréhension du monde peuvent coexister.

Les mots ne sont donc pas de simple vecteur de communication, ils participent à la construction d'une certaine matérialité de ou dans les rapports sociaux. Les mots et leur pouvoir… « Parce qu'ils construisent nos mémoires. Parce qu'ils nous font agir, nous conduire ou adopter tel ou tel comportement Parce qu'ils nous font penser. Parce qu'ils nous font rêver »
Lien : https://entreleslignesentrel..
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Citations et extraits (3) Ajouter une citation
Parce qu’ils construisent nos mémoires. Parce qu’ils nous font agir, nous conduire ou adopter tel ou tel comportement Parce qu’ils nous font penser. Parce qu’ils nous font rêver
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Pouvoir nommer et catégoriser les objets du monde ou les personnes représente une puissance symbolique formidable
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Les différentes expressions linguistiques de l’ordre et du commandement posent la question de la façon dont l’autorité et son double l’obéissance s’énoncent dans une société ou une culture donnée
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