Citations sur Je crois me souvenir... (40)
Le critique littéraire
Parfois choisi parmi les écrivains ratés, il lui est déconseillé d'exercer des vengeances trop visibles. Souvent lecteur chez un grand éditeur, il ne doit pas davantage paraître privilégier la production de son employeur. Certes, il est autorisé, voire encouragé, à parler favorablement des bouquins publiés par les collaborateurs du journal auquel il appartient mais lorsqu'il critique (sic) l'œuvre d'un ami, il est plus crédible si, au milieu d'un concert de louanges, il inclut une petite fausse note. Moyennant quoi quand le critique littéraire publie à son tour un roman ou un essai il est assuré, en vertu du système dit des renvois d'ascenseur, d'excellents papiers des autres critiques littéraires. Ainsi est-il prouvé statistiquement que, dans les rubriques spécialisées, on parle quatre à cinq fois plus des livres signés par des journalistes écrivains que par des écrivains non-journalistes.
Trois jours plus tard, je passais à la caisse. Vingt ans d'ancienneté, cela ne se refuse pas. Surtout quand on a de menus travaux à faire dans sa maison de campagne. Je me souviens de Bernard Pivot qui, de même, avait quitté Le Figaro nanti d'un confortable viatique et qui, l'ayant transformé en piscine dans sa propriété de Bourgogne, l'avait inauguré solennellement en faisant sceller sur la margelle une plaque indiquant "Bassin Jean d'Ormesson" du nom du directeur académicien qui l'avait mis à la porte.
Manouche
Elle fut la version féminine de Papillon puisque, comme lui, elle tira sa célébrité d'un passé orageux et de mauvaises fréquentations. Son principal titre de gloire était d'avoir partagé le lit du fameux gangster Carbone. Avec des intonations de poissarde, elle m'avait volontiers avoué qu'elle avait été séduite par ses tatouages : "Quand nous faisions l'amour, je ne me suis jamais ennuyée. J'avais toujours de la lecture sur son torse."
Mais le principal passage se situe en 1990 lorsque les rubriques people sont devenues des magazines du même métal. Un titre d'abord puis deux puis trois puis quatre. Aujourd'hui, les plus austères publications se croient obligées d'évoquer la vie privée des stars.
Comme ces dernières se font de plus en plus rares, les people sont descendus jusqu'aux psychopathes et aux schizophrènes de la téléréalité. Mais, hégémonie cinématographique oblige, les acteurs américains se taillent toujours la part du lion. Et dans leur sillage, des petites comédiennes sexy et peu frileuses dont nous connaissons davantage les mensurations que la bibliographie.
Hallier (Jean-Edern).
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Même sa fin aura été originale. Alors que quasiment aveugle il venait d'inaugurer une exposition de ses dessins à Deauville, il décida d'aller faire un tour à vélo. La promenade lui fut fatale. Il est mort sur les planches. Comme Molière.
Presse royale et princière
Recèle les idylles de l'aristocratie avant d'emballer le poisson.
Carmet (Jean).
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Il avait mis au point un comique qui n'appartenait qu'à lui et qui consistait à sublimer le ratage, l'inabouti, le dérisoire. Il nous faisait hurler de joie lorsqu'il décrivait sa vie quotidienne : " j'entre dans un café. Une jolie femme est au bar. Je lui offre un verre. Elle me répond "Casse-toi minable !"...encore un souvenir..." Il m'avait dit un jour, à la fin d'un de ces déjeuners qui ne se terminaient jamais avant cinq heures de l'après-midi : " Les meilleurs moments de ma vie, je les aurai passés au fond d'une chopine."
Carton (Pauline).
Pendant plusieurs décennies, elle tint les rôles de concierges ou de domestique acariâtre dans les films de Sacha Guitry. J'étais allé l'interviewer dans la chambre du petit hôtel où elle avait débarqué venant de sa province un demi-siècle plus tôt. Au milieu de la chambre trônait une énorme malle débordant de vêtements : "Je ne les ai jamais rangés dans l'armoire car je ne savais pas si j'allais rester." Elle avait 87 ans lorsqu'elle enregistra son premier disque. Avec une chanson qui s'intitulait : J'ai un faible pour les forts.
Pris dans le tourbillon des fortunes, des pouvoirs et des ambitions, j'ai mené la vie à grandes guides. A partir du moment où j'ai compris que, pour accéder à la prospérité, il fallait la feindre, j'ai beaucoup frimé et je continue puisque la publication de ce livre donne à penser que j'ai eu une existence susceptible d'intéresser mes contemporains.
Oui, j'ai frimé avec l'alibi de susciter une reconnaissance sociale que la longue théorie de mes échecs scolaires ne m'avait pas apportée, et avec le désir d'être enfin admiré par ma famille.
Le champagne et le whisky coulaient à flots, gommant les timidités, réduisant les complexes et suscitant quelques audaces.