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EAN : 9782228894005
227 pages
Payot et Rivages (26/01/2001)
4.07/5   326 notes
Résumé :
« Il entre du grelottement dans la musique japonaise. »

« Le voyageur est une source continuelle de perplexités, écrit Nicolas Bouvier. Sa place est partout et nulle part. Il vit d’instants volés, de reflets, de menus présents, d’aubaines et de miettes. »

Voici donc le Japon selon Bouvier. Un archipel pétri par l’histoire et le spirituel qui est autant le pays des samouraïs que celui des humbles. Là où d’autres convoquent une bibliothèq... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (36) Voir plus Ajouter une critique
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Pèlerin, je le suis en m'aventurant sur les traces de Bashô, poète itinérant et errant dans les profondeurs de son pays. Avec comme guide Nicolas Bouvier, j'explore l'âme de ce pays, mon coeur en voie d'explosion. Ce n'est pas une simple virée estivale, un voyage d'un mois de mai avec ses espoirs et ses tristesses, ce voyage au Japon, où les fleurs de cerisiers s'ouvrent comme le sourire d'une jolie femme. Avant de tracer ma voie dans les méandres des temples, au-delà du Mont Fuji, je recompose l'histoire de ce pays. Je revois ses religions, son histoire, sa philosophie, et ses traditions. La folle passion qui m'habite, mon corps immergé dans ce pays devient fébrile et fiévreux, comme la première fois que je me mets à nu dans le onsen que l'on aurait dit perdu en pleine campagne, comme la première fois que l'on met un pied dans une nouvelle gare, comme la première fois que l'on croise le sourire d'une rencontre.

Les premiers mouvements du bouddhisme, les premières persécutions chrétiennes, la première bombe atomique, l'histoire avance au fil des pages de Bouvier entre deux citations de Bashô, son maître indéniable, son guide tant spirituel que littéraire. Nicolas me donne des cours d'histoire, de géo-politique, de religion. Il a raison, pour comprendre un pays, un peuple, il faut d'abord s'attaquer à son passé, avant de grimper les sentiers errants de la basse campagne.

Bien entendu, le voyage date un peu. 1965, c'est pas loin d'être une éternité à la vitesse où avance le monde actuel. Les grandes villes ont énormément subi de grandes mutations inhumaines. Cependant, certains coins ruraux n'ont guère changé en un demi-siècle. Nicolas pourrait encore faire avec force et foi mon guide pour parcourir les chemins détournés de ce pays où le soleil se lève toujours plus à l'est. Nicolas Bouvier pourrait même s'affirmer "je suis un écrivain japonais" que cela ne serait pas une usurpation d'identité tant il est imprégné de ce pays, tant il me fait partager son amour de ce pays. Il y a bien longtemps, je me souviens d'avoir traversé les Balkans dans sa Fiat, là c'est vers un autre peuple qu'il m'emmène. Traversant le pays du sud au nord, de la moiteur des temples à la neige des solitudes, j'erre l'âme silencieuse à la recherche du regard d'une geisha qui m'offrira certainement la beauté de son âme et de son pays dans le rouge à lèvre de son sourire.
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Nicolas Bouvier est un écrivain voyageur, - le fut plutôt, car il s'en est allé pour un voyage sans retour, enfin c'est ce qu'on dit, emportant j'espère là-bas avec lui son stylo et son cahier à spirale… Nicolas Bouvier nous a tant appris sur l'usage du monde, une façon de voyager avec curiosité et élégance.
L'usage du monde est un de ces rares récits de voyage qui a su me procurer des ailes. Les ailes servent à partir, mais aussi à revenir…
Chronique japonaise pourrait avoir la même vertu. Ce que j'ai aimé dans ce voyage, c'est le Japon non pas selon les Japonais, mais selon Nicolas Bouvier.
J'ai voyagé dans ses pas, convoquant la complexité d'un archipel pétri d'histoires et de mythes, captant la magie des instants volés, l'aubaine des chemins, dévoilant la musique des détours, restituant les odeurs de l'air, de l'apesanteur aussi, le contour d'un visage, le reflet d'un regard, les mots appris au gré des rencontres et des connivences ici et là…
C'est l'histoire d'un voyage mêlant le récit de ses trois séjours au pays du soleil levant avec quelques épisodes fondateurs de son histoire. Pourtant ce n'est pas un livre historique et le récit de voyage ne serait rien sans cette passerelle jetée vers l'âme fondatrice de l'archipel. Nicolas Bouvier est un passeur, un voyageur étonné, un écrivain étonnant par sa manière de nous restituer le vertige de ses pas, son errance, son émotion…
L'histoire du Japon nous parle d'un pays qui fut longtemps une terre d'accès difficile. Sans doute faut-il y voir un trait commun à beaucoup d'îles lointaines et de ses habitants. L'histoire du Japon est faite d'ombres et de lumières, de douceur et de violence. Les persécutions, les guerres, la spiritualité, l'odeurs des fleurs de cerisiers, ont façonné l'âme du Japon et c'est ce qui fascine Nicolas Bouvier dans son périple.
Chronique japonaise regroupe plusieurs textes écrits entre 1955 et 1970. Cela fait un bail, me direz-vous, le Japon a dû changer depuis ce temps-là. Sans doute oui, mais le Japon de Nicolas Bouvier restera éternel puisque c'est le sien…
J'ai aimé sa manière de voyager vers nous, lecteurs, dans ce livre totalement bancal, imparfait, mais si riche et si attachant. Parlant des autres dont il nous raconte un peu leur histoire, il nous rend ses personnages quotidiens si familiers. Ce sont des scènes de rues, des scènes de vie, quotidiennes et inoubliables. Aller boire du saké chez deux Coréennes, la mère et la fille… Nous parler d'un petit temple bouddhiste à la campagne où le bonze sommeille sur sa bouteille de bière. Voir un spectacle de no dans une école. « Visages de femmes pleins d'espièglerie, de rides et de sérénité ». Nous dire que le no est plus lent que tout ce que le mot lenteur suggère à l'Occidental… Que dirait-il aujourd'hui, Nicolas Bouvier de cette lenteur dont nous avons tant besoin ?
Le no, ce sont aussi des masques, c'est une manière de frapper le tambour, c'est le trait fin qui dessine la frontière entre deux mondes. Peut-être que l'oeuvre de Nicolas Bouvier se résume à cette grâce en apesanteur ?
Tout comme j'aime tant la littérature japonaise pour ses rivages, pour cela aussi.
Sans peut-être l'imaginer un seul instant, sait-t-il qu'alors déjà il nous parle de lui-même ? Et c'est ce qui le rend si attachant dans ce récit humble et riche.
De temps en temps, tel un petit Poucet rêveur, Nicolas Bouvier égrène sur son chemin des haïkus du moine-poète Basho.

« de temps en temps
Les nuages nous reposent
De tant regarder la lune. »

Ou bien encore :

« Mes larmes grésillent
En éteignant
Les braises. »

Loin des clichés et des représentations que nous pouvons nous faire de cette terre japonaise, Nicolas Bouvier nous en livre son âme dans le saisissement de ses contrastes et de ses contradictions. C'est un tableau impressionniste plongé dans une modernité déjà fulgurante.
Nicolas Bouvier nous entraîne du nord au sud, d'est en ouest. Kyoto, Hokkaïdo, Kagoshima, Oshiamambe, Tokyo…
Et puis il y a ce village voisin d'un volcan où j'ai apprécié à mon tour de me glisser dans les sources chaudes qu'on appelle onsen…
Nicolas Bouvier traverse des lieux, traverse les pages, nous traverse à son tour, laissant du sel de la mer de Chine ou du Pacifique sur nos paupières.
Au milieu du récit, Nicolas Bouvier nous livre cette phrase sidérante par son intemporalité :
« Si l'on ne peut plus guère progresser aujourd'hui dans l'art de se détruire, il y a encore du chemin à faire dans l'art de se comprendre. »
Comme tout récit de voyage, celui-ci est inachevé puisqu'il comporte en lui cette part béante de tous les séjours que n'aura pas fait l'auteur par la suite…
Sait-t-il à ce moment-là qu'un jour il mourra, nous laissant désormais orphelins de nos ailes ?

« La mission de l'homme
sur la terre est
de se souvenir »
Henry Miller
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Maître incontestable du récit de voyage, considéré comme un « saint patron » par la nouvelle génération d'écrivains voyageurs de langue française, Nicolas Bouvier fait aujourd'hui partie des grands classiques du XXème siècle du genre, ou faudrait-il plutôt dire, de ce mélange de genres que constitue le courant littéraire du travel writing.
Sous le titre de CHRONIQUE JAPONAISE, l'auteur regroupe ici différents textes composés au long de ses nombreux séjours au pays du Soleil-Levant, entre 1955 et 1970. D'emblée, le recueil peut paraître assez hybride dans sa forme: chroniques éparses, datées mais présentées néanmoins sans aucun souci particulier de classement chronologique et linéaire, quelques chapitres «taillant à grands coups dans la cosmogonie japonaise» et survolant histoire de la culture nippone depuis ses origines jusqu'au XXème siècle, extraits de journaux intimes, poèmes s'y succèdent et s'intercalent, donnant ainsi à l'ensemble l'aspect d'un collage, à première vue, donc, hétéroclite.
Tracés d'un plume légère, aux reflets irisés, impressionnistes, manifestant parfois une pointe de cette frugalité qui habite aussi l'esprit japonais, par moments délibérément elliptique, « émiettée » selon le mot de l'auteur lui-même, on ne retrouve aucun mouvement volontaire d'approche cumulative ou didactique de ces souvenirs de voyage japonais, y compris même dans les chapitres que l'auteur aura dédiés à l'histoire du pays. Aucune tentative non plus de traduction intellectualisée ou de systématisation interprétative face à une des cultures pourtant les plus codifiées, perfectionnistes et esthétisantes de la planète.
Poète de l'instant par excellence, l'auteur considère par ailleurs que «les plaisirs simples sont les meilleurs». Wanderer dans l'âme, c'est en chemineau errant au gré du vent, se laissant guider essentiellement par l'intuition, son imagination et ses envies du moment, qu'il aura le sentiment de vivre pleinement et de partager le meilleur de sa pensée et de sa sensibilité personnelles avec son lecteur. S'étant par exemple retrouvé un petit matin dans une gare routière à Hataka, et ayant aperçu derrière son comptoir un limonadier suivant du doigt, avec la marchande de sorbets voisine, tous les deux «transportés, absents», la partition d'un récitatif de théâtre No qu'un lecteur de cassettes audio braillait en même temps haut et fort dans le vacarme général, il écrira: « C'est dans la mesure où elle est spontanée et «plaisir de l'instant», que cette culture japonaise que nous cherchons à emmailloter dans le discours ou l'explication, est si impressionnante. On était ce matin-là bien loin des pâmoisons érudites qui la tuent.»
C'est donc en routard dépouillé de bagages, de guides de voyages ou d'attentes particulières, attrapant les idées «sans faire exprès», les écrivant sur des bouts de papier souvent égarés «dans la couture des poches», que Nicolas Bouvier semble chercher sa voie. Y compris, aux risques et périls d'être déçu ou imprévoyant, ce qu'il paraît accepter tout aussi bien et en toute sérénité, comme faisant juste partie des choses. C'est ainsi, par exemple, qu'on le voit se lancer, sans trop se poser de questions, en scandant poétiquement « la mer...la mer», sur un trajet de vingt kilomètres à pied pour regagner Noboribetsu par une plage déserte, à la tombée de la nuit, parcours erratique durant lequel, obligé de traverser un chenal reliant la mer à la lagune, il faillit «rejoindre l'armée de fantômes qui hantent le détroit de Tsugaru ». Aussi, est-il visiblement plus à l'aise et davantage épanoui, seul passager dans un bus arrivé à son terminus dans un coin perdu de l'île d'Hokkaido, qu'en pénétrant dans la baie de Matsushima, un des «Trois Paysages» du Japon où, tombé sur «des longues files de touristes» attendant qu'on vienne «les conduire au paysage comme des enfants qu'on mène à la toilette», il se verra contraint d'attendre l'aube, le lendemain, afin d'y retourner «une demi-heure au moins entre le premier soleil et le premier train de Sendaï, où l'on peut encore aller la voir sur la pointe des pieds», et de pouvoir enfin s'extasier comme le moine-poète Basho en s'écriant comme il le fit : «Matsushima yah!».
Un autre poète, moins connu et Sud-Américain cette fois-ci, Mário Quintana, disait, lui, avoir toujours détesté de voyager ; ne s'étant quasiment jamais éloigné de sa ville d'origine, il définissait les voyages comme une vaine tentative de «changer le décor à sa propre solitude». N'est-ce pas, pourtant, me suis-je paradoxalement demandé après la lecture de CHRONIQUE JAPONAISE, ce que chercherait au fond Nicolas Bouvier, ainsi que la plupart de ses héritiers actuels, écrivains voyageurs de plus en plus nombreux, au point de constituer un véritable courant littéraire à part? Pourquoi voyagent-ils en définitf ? Que cherchent-ils à l'autre bout du monde, quelquefois aux antipodes mêmes de leur «décor» d'origine ? Sylvain Tesson, par exemple, figure de proue du genre en France, confiait ne pas voyager pour aller à la «rencontre de l'autre», une absurdité, d'après lui, en tant qu'objectif, au même titre que «visiter des monuments» ou «goûter la cuisine locale».
En partant à l'autre bout du monde, que chercherait-on d'autre, en fin de compte, sinon soi-même ?
Ce paradoxe apparent, j'ose imaginer, ne déplairait certainement pas à Nicolas Bouvier. A l'image de ces koans inextricables du Zen japonais, si appréciés par l'auteur de CHRONIQUE JAPONAISE, cela pourrait, de mon point de vue, seoir parfaitement à l'esprit vif, si souvent intranquille et, en filigrane, mélancolique que j'ai perçu chez ce grand écrivain voyageur.
Ainsi, répondant à sa femme Eliane, rentrée en Europe, et qui l'avait exhorté dans une lettre qui lui était adressée «Regarde bien Kyoto pour moi, j'en ai l'ennui», écrira-t-il :
«Maintenant que tout ce qui te pesait ici, que la légère odeur de deuil qui flotte parmi tant d'autres est tenue à distance, tu tires du vivier de ta mémoire les images qui te plaisent et tu les enlumines patiemment en levant parfois les yeux sur les prés verts d'Europe. Et c'est ainsi que les livres s'écrivent. J'aurai moi aussi bientôt l'ennui de cette ville, parce qu'elle est unique, admirable...et que j'y ai vécu.»
A bord du paquebot qui le ramenait en Europe de son voyage en Orient, le poète Alvaro de Campos, hétéronyme de Pessoa, noyé dans les fumées d'opium, s'exclamerait à son tour : «Pourquoi suis-je allé visiter l'Inde qu'il y a, s'il n'y a d'autre Inde sinon l'âme en moi ?»
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Livre que j'ai lu il y a maintenant plusieurs années. Outre le récit d'une errance dans ce pays, je retiens, comme toujours chez Bouvier, une envie d'aller à la rencontre de la population, de coller au plus près du quotidien de ces gens, en dehors des sentiers battus. Je me souviens également de sa volonté de voyager quasiment sans argent, provocant ainsi des rencontres plus authentiques et des relations plus spontanées, n'hésitant pas à se retrouver dans des situations extrêmes. (je pense aussi à Cendrars). C'est un parti pris que je trouve vraiment très audacieux, que l'on retrouve également dans « L'usage du monde ». Souvenir également de son chapitre sur Hokkaido, à la rencontre des Aïnous. Région, qui encore de nos jours reste très peu parcourue par les voyageurs. Comme toujours, Bouvier, au-delà d'un récit de voyage, nous offre une véritable leçon de vie et un regard non conventionnel sur le monde.
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Grand écrivain voyageur Nicolas Bouvier s'est imprégné de cet archipel d'îles du Japon pour nous livrer un peu de l'âme de ses étranges habitants dans Chroniques Japonaises. Brasser toute l'histoire du Japon depuis sa création, sa genèse aussi céleste et lunaire qu'une terre dissimulée derrière huit épaisseurs de nuées blanches, comme pour échapper encore à nos regards, est un pari un peu fou.

Décrire le Japon d'aujourd'hui qui puise dans la zen attitude, la suprême qualité du sage indifférent à la rumeur, être cartésien, cérébral c'est oublier que la nature est la source de toute leur spiritualité, au Japon il faut se faire voyageur, glaner les odeurs, les couleurs, les parfums, et s'abandonner à leur lanterne magique.

Ils sont frère et soeur, leurs noms Izanagi et Izanami, ce sont les créateurs du Japon.
"Dans une auguste union, ils joignent leurs augustes parties, et engendrent trois enfants ».
 »ils s'y prennent comme il faut , assistés par une bergeronnette, qui de sa queue bat la mesure, et cette fois la soeur épouse accouche des huit îles du Japon" Et ainsi de suite, vers une nombreuse postérité, dont les Kamis deviennent les multiples divinités, comme le Kumi du crachat!
"La naissance la plus importante, est issue de l'oeil gauche de Izanagi est Amaterasu O-mi Kami, déesse de la lumière, ancêtre du clan impérial et figure la plus importante du shinto.
En dernier acte c'est la déesse du rire qui s'exhibe, provoquant un gigantesque fou de rire des dieux.


Le japon a ainsi de toute pièce recréé leur histoire, et très largement fourni les preuves de son prodigieux pouvoir assimilateur, les empereurs piocheront dans les idéogrammes et mettront à profit les conceptions chinoises. Les religions seront assimilées et reconverties aux Dieux et aux coutumes du pays du soleil levant.

Toute l'épopée de St François Xavier est analysée, jusqu'à sa disgrâce , les nombreuses églises fondées dans tout le pays faisaient de l'ombre à l'empereur, mais malgré les suicides des convertis, le catholicisme se maintenait. La fin de son essor signe aussi le replis du pays pendant plus de deux cent ans.

La mondialisation qui se mit en place vers 1850, allait bouleverser le pays, et la nouvelle devise devint "tant qu'il y aura de nouveaux mondes à conquérir le samouraï japonais s'en emparera."

Vagabonder dans ce Japon fut un pur bonheur, et la découverte de leur imagination pour, imposer une singularité tenace et indestructible, me fit tenir une longue liste de coutumes intemporelles, en ces quelques notes.

la propreté élevé à l'un des arts sublimes, discrétion dans la gestuelle journalière, au point de masquer par la musique les pets ordinaires, ou aller vers l'hygiène corporelle jusqu'à la recherche naturelle du plaisir... Que dire des hommes qui n'ont pas une bonne odeur, voici un pays cible pour nos parfums, qui voguent sur la vague d'Hokusai, comme une barque de la félicité.

Zen est ici plus qu'une philosophie, et n'en déplaise à nos normaliens, c'est apprendre à tout oublier, sinon la verge du maître peut s'abattre sur vous, si une idée ancienne est formulée: les fidèles sont plutôt insoumis, et si les nôtres se dirigeaient vers une telle insoumission?

Si nous avons développé l'art de la table, au Japon le jardin est un lieu de méditation et de culture. Des règles immuables doivent être dissimulées. le jardin japonais est un havre de parfums et de saveurs, où les truites se cachent,  Le bureau des jardins et des étangs de Didier Decoin, dans un petit village de l'Empire du Japon, au XIIe siècle, illustre bien cet engouement.

Le peuple Aïnous vous réservera encore une immense surprise, ce peuple japonais considéré comme le plus velu du monde!

Cependant l'histoire du japon ne peut faire l'impasse de l'ensemble des guerres, que ses empereurs successifs se sont entêtés à mener. Pour quelles avancées?
On ressent après le drame d'Hiroshima et de Nagasaki, que le pays, ne puisera aucune de ses ressources pour faire la guerre et apportera toute son intelligence pour conserver la paix.

Nicolas Bouvier se fait un redoutable conteur pour nous permettre de traverser ces années sombres, sans tomber dans un exposé titanesque, il sait nous dire l'essentiel, avec justesse et simplicité sans occulté aucun fait important.

"Paver la route vers une grande paix pour les générations à venir en endurant l'intolérable et en supportant l'insupportable": tel est la ligne intangible du Japon , "décret impérial diffusé le 15 Août 1945".

Quand on a traversé Giverny, et goûté à ses nénuphars, on perçoit combien , il y a une fibre musicale et bariolée qui se met à vibrer , ici pour les estampes et les maîtres japonais comme Hokusai, les jardins qui se japonisent avec délices, ou les multiples complicités partagées avec ses artistes. Là bas au soleil levant les français sont vus avec étonnement, et notre indiscipline reste une énigme pour un peuple qui a su se faire un grand nom dans la haute couture et devenir un prophète de la grande cuisine.

Un très beau voyage en 250 pages pour cette Chronique Japonaise



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critiques presse (1)
BDGest
18 septembre 2015
Cet album s'avère être un excellent témoignage que devraient apprécier tous les voyageurs et autres expatriés en partance pour le pays du Soleil levant.
Lire la critique sur le site : BDGest
Citations et extraits (65) Voir plus Ajouter une citation
L'an 557 avant notre ère, le Bouddha Çakya-Muni naît, fils de roi, dans une petite cour du Népal, et sidère les sages-femmes qui le délivrent en leur donnant déjà les conseils les plus pertinents.
Après des années de méditation, il s'aperçoit dans un éclair que ce monde n'est qu'une illusion à laquelle nos appétits nous enchaînent et enseigne "Huit Moyens" pour s'en détacher, échapper au cycle des renaissances, et aller reposer dans la paix du Nirvana (le lieu où rien ne souffle plus). Ayant prêché le respect de toute vie, laissés des sermons (sutra) et formé des disciples, il meurt, et toute la création, désolée, plantes, insectes, hommes et animaux, s'assemble pour veiller sa dépouille. Sauf le chat, qui a préféré ce jour-là "aller à ses affaires", et s'est ainsi taillé, dans toute l'Asie bouddhiste, une réputation de vaurien qui dure encore. Mille ans plus tard, ou presque, en l'année 552 de notre ère, l'empereur du Japon Kimeï déballe dans son palais d'Asuka (au sud de Nara) les présents de son voisin, le roi de Corée, vient de lui faire parvenir. Parmi les pièces de soie, il trouve plusieurs rouleaux des Écritures bouddhiques, puis il démaillote une statue de bronze doré qui est celle du Bouddha. Il l'examine, "bondit de joie (selon le Nihongi) et assure que l'expression de ce Bouddha... est d'une dignité grave telle que Nous n'en avons encore jamais vue."
Par cette seule remarque, qui va si candidement à l'essentiel, l'empereur Kimeï prouve que le Japon du VIe siècle mérite bien le cadeau qui lui est fait.
Entre ces deux évènements, le bouddhisme a fait du chemin. Chassé de l'Inde au bout de quelques siècles, il atteint l'Asie centrale par le Tibet ou par l'Afghanistan et s'enrichit au passage d'influences hellénistes, mazdéennes, tantriques, chinoises et - qui sait - chrétiennes nestoriennes.
En 64 de notre ère, l'empereur Han se convertit.
Au IVe siècle, c'est le tour de la Corée. Puis au bout du voyage, la "Bonne Loi" atteint le pays extrême, le Japon.
Enrichi de toutes les alluvions ramassées en cours de route, le bouddhisme est alors devenu une doctrine multiforme, d'une complexité et d'une richesse inconcevable, allant de la piété la plus frustre aux spéculations métaphysiques les plus vertigineuses. Tous les aspects de la spiritualité asiatique y sont, par un coin ou par un autre, représentés.
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Deux jours plus tard, vers midi, il y eut une étrange lueur au nord dans le ciel et nous apprîmes qu'un malheur, sur la nature duquel circulaient toutes sortes de rumeurs, avait frappé Hiroshima. Nous avons gagné la ville, à pied mon frère et moi. Bien avant les faubourgs le ciel était gris de suie en suspension. La terre était encore chaude. A l'endroit où se trouvait autrefois l'hôpital, une pancarte barbouillée par des médecins survivants donnait rendez-vous à vingt jours de là aux familles des malades et du personnel disparu, et recommandait de s'éloigner au plus vite. C'est la première fois que j'ai lu en japonais le mot "radiations". Du cœur des ruines montait le ronflement des grillons et des cigales, bien plus résistants que nous, qui agonisaient en chantant.
Au jour dit, nous sommes revenus, nous et ce qui restait de la famille. Il y avait foule autour de la pancarte : vestons rapiécés, vieilles casquettes d'armée, pieds entourés de chiffons : un petit clan primitif apeuré sous un totem tombé du ciel nouveau. Les cendres et les ossements humains récoltés dans les ruines de l’hôpital furent pesés sur une balance et équitablement répartis entre les endeuillés pour que les rites funéraires puissent avoir lieu dans les formes. Je ne me souviens pas d'avoir vu quelqu'un pleuré, je crois que nous avions trop peur : il y avait dans cette ville calcinée une menace qui dépassait bien les sanglots et les larmes. La distribution terminée, chacun s'est égaillé dans le soir en reniflant son chagrin. Nous avons fait le chemin du retour avec notre part nouée dans un mouchoir.
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Le 15 août 1549, le jésuite François-Xavier arrive au Japon sans savoir que le Christ l'y a précédé de trois siècles. Les Bouddhistes chinois du moyen-âge ont en effet entendu parler de ce "Sage" d'Occident et l'on transformé en un bodhisattva qui pénètre au Japon sous le nom d'Inro Bosatsu et se noie dans l'immense panthéon national avec son message et son origine.

Au même moment, la chrétienté, qui a eu vent des mérites de Cakya-Muni, se l'est attribué sous le nom de saint Josephat (corruption de Bodhisat), qui, en compagnie de son convertisseur, saint Balaam, va se perdre presque aussi vite dans la foule des saints du calendrier (27 novembre). Mais d'un côté comme de l'autre, on a oublié cet échange de politesse. Tout est à reprendre.

[...] Mais François-Xavier ignore encore cet art du compromis [...] Il est chez les païens, il flaire l'idolâtre partout. Égaré dans une société dont il ne soupçonne encore ni les forts ni les faibles, il joue seul sa partie, tranche, embarrasse, brusque son monde, accumule les erreurs.

Quand les bonzes Zen qui l'on accueilli en ami l'entendent déclarer que les satori (illuminations) de leurs illustres devanciers chinois ne sont qu'impostures et sornettes, ils lui ferment leur temple au nez.
Quand le Daimyo de Satsuma apprend qu'aux dires du docteur étranger, ces ancêtres -qu'il faut vénérer- brûlent en enfer faute d'avoir été baptisés, il fronce le sourcil et le prie d'aller prêcher ailleurs.
Quand un seigneur voisin qui reçoit l'expulsé à bras ouverts -comptant lui acheter de la poudre à canon- l'entend assurer que la sodomie met l'homme en dessous du porc, le Daimyo, qui s'autorise ce passe-temps alors fort répandu chez les militaires, blêmit et le met à la porte. Les lettrés qui l'invitent courtoisement pour qu'il expose sa doctrine ne lui cachent pas combien l'idée d'un dieu parfaitement bon créant un diable très puissant pour tourmenter les créatures qu'il aime leur paraît singulière et même divertissante. Quand enfin il s'efforce, avec l'aide d’interprètes insuffisants, de rendre dans une des langues les plus difficiles du monde les rudiments de la doctrine chrétienne, il traduit Dieu par Kami (on sait l’ambiguïté du terme), pêché par tsumi (une "pollution" sans connotations morales), emprunte le reste du vocabulaire à la terminologie bouddhique et s'engage ainsi dans un maquis de quiproquos dont on n'est pas encore sorti.

C'est délicat d'apporter une morale nouvelle à des gens qui ont depuis si longtemps et si prudemment choisi celle qui leur convient.

Sans se laisser abattre, il visite encore plusieurs royaumes et, le cœur déchiré, quitte le Japon en 1551, n'ayant converti qu'une poignée de plébéiens et qu’un seul seigneur d'importance, dont la syphilis n'avait pas résisté au baptême.

(P 64)
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Il y a des bergères qui épousent le fils du roi, et il y a aussi des gens dont le karma était de vivre - et quoi qu'ils aient pu tenter avant- un torchon à la main. J'y pense en observant le patron de ce petit café " ouvert la nuit" sur la grand-route de Nagasaki. Son visage gris ressemble exactement à un torchon ou à un mouchoir qui aurait écrasé bien des larmes, connu bien des fonds de poche et des lessives. Il est plein d'une bonté chiffonnée. Je trouve aussi dans ses gestes les traces de cette hésitation continuelle que l'instruction vous donne, et cette distinction fourbue. Il vient d'une autre vie, c'est évident, et rien dans son enfance ne devait sentir le percolateur ni le gas-oil. Ses parents ou ses maîtres n'avaient jamais prévu qu'il finirait ici, passant le torchon sur ce petit comptoir en parlant d'une voix sourde. Peu importent les débuts, étudiant recalé ou instituteur resté en rade après une querelle avec le syndicat.
L'essentiel c'est que ce torchon qu'il tient comme un sceptre était dans ses étoiles et que la vie les a désormais réunis. Il semble le savoir et s'en trouver très bien. Certain d'être à sa place, sorti de la mêlée des coudes et des épaules, il est tout au spectacle de son café et écoute ses clients avec une attention que, même dans l'amour, on rencontre rarement. Les gens ne sont pas accoutumés à ce qu'on leur prête autant d'existence, au bout de cinq minutes, les voilà déjà aux confidences. Lui, la tête penchée, il enregistre, opinant parfois du torchon; et je me demande quels sentiments il collectionne ainsi, à quelle passion, à quelle maladie, à quelle insuffisance de l'âme il s'intéresse aussi fort?
p 249-250
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Sur les deux côtés de la rue, des caisses à ordures disjointes vomissaient leur contenu sur le trottoir. Un bistrot à côté de l'autre. Et tout cela menu, coquet, l'air bricolé de la veille, avec les restes d'une rue plus grande. J'avais faim, j'ai poussé une porte sur laquelle on pouvait lire Café-Bar Shi. Shi - j'ai demandé - veut dire poème. Ça ne m'a pas épaté du tout : dans ma promenade j'étais déjà tombé sur deux tea-rooms Rilke, un snack François-Villon, un billard Rimbaud et un magasin Julien-Sorel (lingerie friponne). On a des goûts relevés, ici. Dans le local pas plus grand qu'une roulotte, j'ai à peine été surpris de trouver trois gravures de Daumier et d'entendre l'électrophone murmurer du Ravel. Une barmaid lilliputienne, bien soignée et gironde, "faite" des ongles aux cils, aussi personnelle qu'une rose en papier. Une clientèle de lycéens, pieds nus dans leurs socques de bois, en uniformes noirs, casquettes noires, qui épelaient, plongés dans leurs noirs manuels, et luttaient contre le sommeil. J'ai juste eu le temps de penser : séminaristes... Tchekhov, et me suis endormi sur une chaise minuscule sans même passer ma commande.
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"On ne fait pas un voyage, c'est le voyage qui nous fait" - Nicolas Bouvier La Ride : un road movie où l'amitié vous guidera d'un coup de pédale dans une aventure au coeur de la France !
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L'usage du monde - Nicolas Bouvier

En juin 1953 débute l’aventure. Nicolas et Thierry partent-ils à pied, en voiture ou à dos d’âne ?

à pied
en voiture
à dos d’âne

10 questions
153 lecteurs ont répondu
Thème : L'usage du monde de Nicolas BouvierCréer un quiz sur ce livre

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