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Citations sur Chronique japonaise (66)

Si l'on ne peut plus guère progresser aujourd'hui dans l'art de se détruire, il y a encore du chemin à faire dans l'art de se comprendre.
(P 113)
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Mais c'est le propre des longs voyages que d'en ramener tout autre chose que ce que l'on allait y chercher.
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Leurs deux visages malicieux, noircis, usés comme des sous, sont les seuls que je puisse lire, parce qu’à leur âge, mais à leur âge seulement, on retrouve cette liberté et cet abandon qui font ici tout le charme des vieux.
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Autour de moi, toutes les conversations s'embourbent dans des redites d'ivrognes. Chacun a trouvé au fond de son verre un petit morceau de vérité qu'il enseigne inlassablement à des compères qui ne l'entendent pas.
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Sur les mélancoliques faits d'armes qui ont endeuillé le Moyen Age japonais, c'est encore une fois Basho qui a eu le dernier mot. Passant, sa besace de pèlerin sur l'épaule, par le lieu d'un carnage célèbre, il a écrit :

Natsugusa ya !
Tsuwamono-domo ga
Yume no ato...

L'herbe flétrie d'été
C'est bien tout ce qui reste
Du rêve des guerriers...

On a beau répéter que ces samouraïs étaient aussi des esthètes, des connaisseurs en poterie, des calligraphes accomplis, ou, comme le jeune Atsumori - un Lancelot japonais massacré dans la fleur de l'âge -, qu'ils jouaient de la flûte à vous en retourner le cœur, cela ne change rien à l'affaire. Ces passe-temps relevés qui leur font grand honneur ne doivent pas faire oublier que presque toute l'énergie mentale de l'élite étaient consacrée à l'art d'occire et de mourir dans les formes au service d'un patron.
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Je n'ai pas été bien studieux : ce que je sais du Zen aujourd'hui me permet tout juste de mesure à quel point j'en manque, et combien ce manque est douloureux. Je me console en me disant que, dans le vieux Zen chinois, c'était la tradition de préférer, pour succéder au maître, le jardinier qui ne savait rien au prieur qui en savait trop.
J'ai conservé mes chances intactes.
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Sur les deux côtés de la rue, des caisses à ordures disjointes vomissaient leur contenu sur le trottoir. Un bistrot à côté de l'autre. Et tout cela menu, coquet, l'air bricolé de la veille, avec les restes d'une rue plus grande. J'avais faim, j'ai poussé une porte sur laquelle on pouvait lire Café-Bar Shi. Shi - j'ai demandé - veut dire poème. Ça ne m'a pas épaté du tout : dans ma promenade j'étais déjà tombé sur deux tea-rooms Rilke, un snack François-Villon, un billard Rimbaud et un magasin Julien-Sorel (lingerie friponne). On a des goûts relevés, ici. Dans le local pas plus grand qu'une roulotte, j'ai à peine été surpris de trouver trois gravures de Daumier et d'entendre l'électrophone murmurer du Ravel. Une barmaid lilliputienne, bien soignée et gironde, "faite" des ongles aux cils, aussi personnelle qu'une rose en papier. Une clientèle de lycéens, pieds nus dans leurs socques de bois, en uniformes noirs, casquettes noires, qui épelaient, plongés dans leurs noirs manuels, et luttaient contre le sommeil. J'ai juste eu le temps de penser : séminaristes... Tchekhov, et me suis endormi sur une chaise minuscule sans même passer ma commande.
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Deux jours plus tard, vers midi, il y eut une étrange lueur au nord dans le ciel et nous apprîmes qu'un malheur, sur la nature duquel circulaient toutes sortes de rumeurs, avait frappé Hiroshima. Nous avons gagné la ville, à pied mon frère et moi. Bien avant les faubourgs le ciel était gris de suie en suspension. La terre était encore chaude. A l'endroit où se trouvait autrefois l'hôpital, une pancarte barbouillée par des médecins survivants donnait rendez-vous à vingt jours de là aux familles des malades et du personnel disparu, et recommandait de s'éloigner au plus vite. C'est la première fois que j'ai lu en japonais le mot "radiations". Du cœur des ruines montait le ronflement des grillons et des cigales, bien plus résistants que nous, qui agonisaient en chantant.
Au jour dit, nous sommes revenus, nous et ce qui restait de la famille. Il y avait foule autour de la pancarte : vestons rapiécés, vieilles casquettes d'armée, pieds entourés de chiffons : un petit clan primitif apeuré sous un totem tombé du ciel nouveau. Les cendres et les ossements humains récoltés dans les ruines de l’hôpital furent pesés sur une balance et équitablement répartis entre les endeuillés pour que les rites funéraires puissent avoir lieu dans les formes. Je ne me souviens pas d'avoir vu quelqu'un pleuré, je crois que nous avions trop peur : il y avait dans cette ville calcinée une menace qui dépassait bien les sanglots et les larmes. La distribution terminée, chacun s'est égaillé dans le soir en reniflant son chagrin. Nous avons fait le chemin du retour avec notre part nouée dans un mouchoir.
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Il faudrait boire un peu de saké chaud, mais je ne veux pas réveiller cette maison endormie, et je n'ai presque plus d'argent. J'allume une lampe de poche et relis pour me réconforter quelques pages de Jacques le Fataliste, mais on n'y cesse de s'y divertir en bonne compagnie et d'y boire de l'anjou à pichets renversés. Je m'allonge dans le noir en me persuadant, pour endiguer la déroute, que mes deux voisins sont des Bouddhas, et moi aussi. Les derniers sutra l'affirment.
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L'an 557 avant notre ère, le Bouddha Çakya-Muni naît, fils de roi, dans une petite cour du Népal, et sidère les sages-femmes qui le délivrent en leur donnant déjà les conseils les plus pertinents.
Après des années de méditation, il s'aperçoit dans un éclair que ce monde n'est qu'une illusion à laquelle nos appétits nous enchaînent et enseigne "Huit Moyens" pour s'en détacher, échapper au cycle des renaissances, et aller reposer dans la paix du Nirvana (le lieu où rien ne souffle plus). Ayant prêché le respect de toute vie, laissés des sermons (sutra) et formé des disciples, il meurt, et toute la création, désolée, plantes, insectes, hommes et animaux, s'assemble pour veiller sa dépouille. Sauf le chat, qui a préféré ce jour-là "aller à ses affaires", et s'est ainsi taillé, dans toute l'Asie bouddhiste, une réputation de vaurien qui dure encore. Mille ans plus tard, ou presque, en l'année 552 de notre ère, l'empereur du Japon Kimeï déballe dans son palais d'Asuka (au sud de Nara) les présents de son voisin, le roi de Corée, vient de lui faire parvenir. Parmi les pièces de soie, il trouve plusieurs rouleaux des Écritures bouddhiques, puis il démaillote une statue de bronze doré qui est celle du Bouddha. Il l'examine, "bondit de joie (selon le Nihongi) et assure que l'expression de ce Bouddha... est d'une dignité grave telle que Nous n'en avons encore jamais vue."
Par cette seule remarque, qui va si candidement à l'essentiel, l'empereur Kimeï prouve que le Japon du VIe siècle mérite bien le cadeau qui lui est fait.
Entre ces deux évènements, le bouddhisme a fait du chemin. Chassé de l'Inde au bout de quelques siècles, il atteint l'Asie centrale par le Tibet ou par l'Afghanistan et s'enrichit au passage d'influences hellénistes, mazdéennes, tantriques, chinoises et - qui sait - chrétiennes nestoriennes.
En 64 de notre ère, l'empereur Han se convertit.
Au IVe siècle, c'est le tour de la Corée. Puis au bout du voyage, la "Bonne Loi" atteint le pays extrême, le Japon.
Enrichi de toutes les alluvions ramassées en cours de route, le bouddhisme est alors devenu une doctrine multiforme, d'une complexité et d'une richesse inconcevable, allant de la piété la plus frustre aux spéculations métaphysiques les plus vertigineuses. Tous les aspects de la spiritualité asiatique y sont, par un coin ou par un autre, représentés.
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