— Ah ! mon Dieu !
— Eh ! qu’as-tu donc ? fit Mme Tussaud effrayée.
— Je parie qu’il y a de la politique là-dessous. J’ai lu dans mon journal qu’on faisait des arrestations.
Si banale que soit la phrase exclamée par Tussaud, elle est typique pour l’époque. L’Empire avait fait entrer dans nos mœurs l’accusation politique, et lorsque l’on était quelque temps sans voir paraître un ami, sous cet étrange gouvernement, la première explication qui venait aux lèvres était : « Il est arrêté. »
On lisait dans les journaux le matin, entre deux faits, cette phrase, qu’on aurait pu faire cliché, tant elle servait souvent :
« Hier matin, quelques arrestations ont été faites dans le douzième arrondissement. La police aurait à cette heure, entre les mains, les principaux auteurs d’un vaste complot contre la sûreté de l’État. »
Ou encore :
« De nombreuses arrestations ont été faites hier, dans différents quartiers de Paris. Les inculpés sont membres de l’Internationale. »
Tout individu qui, en causant, touchait à la question sociale était naturellement de l’Internationale. Aussi, la pensée qui venait de jaillir du cerveau de Claude Tussaud était-elle toute naturelle ; cependant Mme Tussaud se contenta de hausser les épaules, en disant :
— Je le souhaiterais, pour nous et pour lui.
Le métier que je fais est souvent méprisé, parce qu’il est exercé par un tas de coquins et de vauriens, qui s’en servent ou en politique ou en affaires… Moi, je suis un ancien soldat ; autrefois, je me bat-tais contre les ennemis de mon pays ; aujourd’hui, je me bats contre les ennemis de tout le monde. Je suis avec les bons contre les coquins. Voilà mon métier, et ce que vous me proposez est dans ma ligne. J’accepte. Je suis votre homme. Ils ont fi-ni leur instruction ; nous allons en faire une autre ; et, lors du jugement, nous agirons quand nous aurons trouvé la vérité.
— Vous êtes persuadé que c’est lui ?
— Je ne l’ai pas vu, pas reconnu ; mais ça ne fait rien, j’en suis certain ; il n’y a que ce coquin-là capable de ça…
— Le ratichon, dit Chadi, voulez-vous me l’abandonner, je m’en charge, moi, et vous verrez que, moi aussi, je sais les enfoncer, les mouches.