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EAN : 9782253164173
384 pages
Le Livre de Poche (01/03/2017)
3.73/5   660 notes
Résumé :
Plateau de Millevaches. Judith et Virgile tiennent une petite ferme dans un hameau. Le couple a élevé Georges, un neveu dont les parents sont morts dans un accident de la route quand il avait cinq ans. Il vit dans une caravane tout près de chez son oncle et sa tante. Lorsqu'une jeune femme vient s'installer chez lui, lorsque Karl, ancien boxeur tiraillé entre pulsions sexuelles et croyance en Dieu, emménage dans une maison du même village, et lorsqu'un mystérieux ch... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (189) Voir plus Ajouter une critique
3,73

sur 660 notes
Plateau est un livre rural où l'écriture, imagée et forte à souhait car fiévreuse, infernale, torturée fait tout.
Autant un Zola s'attelle à explorer avec minutie les détails d'une réalité misérable, Bouysse s'attelle à décortiquer l'environnement avec une minutie d'orfèvre.

Quatre personnages gravitent ici sur le Plateau. le vieux couple dans sa ferme, Virgile qui « a serré si fort son destin de paysan entre ses mains, qu'il a fini par ne plus sentir palpiter son coeur au bout des doigts. » et Judith, atteinte d'une maladie qui ne sera jamais nommée, le chasseur ancien boxeur, Karl perturbé par le sexe et dieu, Georges le neveu élevé par le couple, un homme que « personne n'a préparé à l'émotion, et encore moins au désir. Personne n'est jamais entré dans sa vie. Trop occupé à fouiller la terre ». Seul et perclus dans sa caravane, « une caravane cabossée, une drôle de coquille argentée décollée du sol ». Et enfin Cory, une nièce qui fuit un passé malheureux, une femme qui tente de « devenir une étoile morte. Devenir. Renaître. Enfin. »

Il y a aussi le chien de Virgile, un chien qui « couine comme un demeuré. Comme un damné pris dans les flammes de l'enfer. »

Puis surtout cette nature ténébreuse, obscure, d'une beauté suicidaire qui hypnotise, nous tient en haleine, en équilibre sur le fil ténu de l'intrigue où secrets, non-dits, solitude, honte, peurs se disputent la première place d'une danse macabre.

J'ai rarement lu une écriture aussi riche et impeccable tel un Émile Zola moderne. On en prend plein la figure de ces images qui transcendent et scalpent les ténèbres et la folie.
J'ai avalé des litres d'images scabreuses, griffues, calcifiées sans pour autant parvenir au summum de l'exaltation car tout est sourd ici, les personnages sont mystérieux, silencieux, seule la nature laisse présager le désastre.

Lire Plateau c'est une expérience hors du commun pour qui aime les écritures où les ombres explosent de mille feux, où c'est la nature qui tremble et s'enflamme devant des hommes meurtris et prisonniers dans les aphtes de traumatismes divers.

« Ici, c'est le pays des sources inatteignables, des ruisseaux et des rivières aux allures de mues sinuant entre le clair et l'obscur. Un pays d'argent à trois rochers de gueules, au chef d'azur à trois étoiles d'or.
Ici, c'est le Plateau. »
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Le temps a passé entre ma lecture de Grossir le Ciel et celle-ci, je n'osais pas tenter une éventuelle déception après le choc inouïe, la déflagration dingue ressentie après avoir refermé le premier. Idiote que je suis, la magie ( noire, très noire ) a opéré à nouveau.

Faut dire qu'on retrouve dans Plateau les mêmes ingrédients , les mêmes qualités que dans Grossir le ciel :

- à la rudesse des paysages cévenols répond la rugosité somptueuse de la Corrèze, certaines descriptions sont incroyables pour convoquer les forces de la nature, autant de métaphores à la violence des sentiments qui agitent les personnages.

- le goût pour les personnages forts, il y en a plus ici, certains inoubliables comme Karl, le boxeur fou pathologiquement croyant, irrécupérable définitivement ; Cory, la femme battue venue se réfugier loin de son homme-torture, une femme fatale qui ne le sait pas mais déclenche une avalanche de passions ; Georges, le taiseux qui a tant besoin de dire après des décennies de frustrations à tenter d'ensevelir ses aspirations profondes ; et même un mystérieux Chasseur qui rode, qui rode ...

- des secrets enfouis comme des bombes à retardement qui dont on pressent très vite qu'elles vont exploser à la face de tous : quel art pour distiller une ambiance sourde, angoissante, dramatique dès les premières pages !

La langue est très travaillée, souvent lyrique, presque trop parfois, je me suis un peu perdue dans le recours à un vocabulaire tellement pointue que j'ai du m'armer de mon petit Larousse pour éclairer mes lacunes. Quand on a autant de style, pas la peine de le forcer !

Au final, j'ai été emportée illico dans cette tragédie grecque, comme hypnotisée par la puissance qui se dégage de ces pages et ce talent fou à injecter de la compassion dans une noirceur absolue, le tout dans une approche profondément intimiste. Un auteur très singulier assurément.
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Ici, c'est le Plateau. Le pays des sources inatteignables, des ruisseaux et des rivières aux allures de mues, des rochers se dressant vers le ciel. Un endroit où l'on s'y jette parfois. Où l'on s'y perd surtout. C'est ici qu'ont élu domicile Virgile et sa femme, Judith, un couple vieillissant et ancré dans cette terre, et Georges, leur neveu qui a perdu ses parents bien trop tôt dans un accident de voiture. C'est ici que leur voisin, Karl, un ancien boxeur, est venu se retirer, pour de mystérieuses raisons. Un hameau tranquille, perdu, loin de tout. Une tranquillité bientôt bousculée par l'arrivée de Cory, la nièce de Virgile, victime des mauvais coups de son mari, le bien nommé "Homme-torture" et par ce chasseur qui rôde...

L'on plonge au coeur du Plateau, celui de Millevaches, en compagnie de ces quelques âmes perdues du hameau. Au coeur d'un monde rural taiseux et aux secrets enfouis. Franck Bouysse dépeint avec force tous ces personnages, que ce soit Judith atteinte d'Alzheimer ou Virgile qui perd progressivement la vue, qui, au fil des pages, s'étoffent et se déploient ou se recroquevillent. Des personnages, denses et fouillés, qui se révèleront par la seule présence de Cory. L'auteur n'a pas son pareil pour décrire cette nature sauvage, les sentiments qui habitent chacun ou l'âpreté de la vie. D'une précision et d'une méticulosité ciselées, d'une écriture lyrique, poétique, d'une richesse et d'une finesse incroyables.
Un roman bouleversant, sombre et d'une cruelle beauté...

Merci Cécile...
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Ayant adoré, bonjour l'euphémisme, Grossir le Ciel assimilé à un somptueux dessert gastro, je récidive, empli d'une confiance inébranlable, avec ce Plateau de fromages et sa farandole de pâtes molles à croute fleurie.
Je reprendrai plutôt du dessert...

Pouf pouf je recommence.
Lieu paumé, à mille lieues de toute urbanisation échevelée, ok.
Personnages taiseux au passé empli de secrets inavouables, j'ai.
Grain de sable venant perturbé tout ce petit monde et le précipitant vers un chaos annoncé, yes it is because i do.

Tout est là et pourtant je n'y ai pas retrouvé le plaisir éprouvé à la lecture de son précédent livre.
Les personnages possèdent une densité rare, c'est un fait.
Le contexte géographique, dénué de toute urbanisation parasitaire, renforce paradoxalement le sentiment d'humanité éprouvé à l'égard de ces naufragés volontaires.
La trame est retorse, l'intrigue parfaitement dosée et le final particulièrment éprouvant, pourtant j'en ressors un brin déçu, effet de comparaison oblige.
Peut-être me plains-je que la mariée est trop belle, allez savoir.

Une chose est avérée, c'est cette énorme qualité d'écriture propre à vous immerger pleinement en un espace donné.
J'avoue, cependant, avoir parfois lâché le fil pour cause de vocable ne rentrant pas dans les 1257 mots fièrement épinglés à mon tableau de chasse. La faute m'en incombant, certes, mais quand même, ça casse un chouïa la dynamique.

Parallèlement, j'y ai trouvé de parfaits moments de grâce.
De ces passages où le temps s'arrête, cédant la place à une émotion paroxystique.
Judith m'a ému au plus haut point, mélange de force et de faiblesse, trahie par une conscience vagabonde.

Le fait d'avoir enquillé Plateau juste après Grossir le Ciel a certainement biaisé mon jugement.
Si j'aurai su, j'aurai patientu.
Il n'en reste pas moins un très bon moment dont il serait fâcheux de se priver.

Merci Cécile...

3,5/5
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Lorsque Cory se résout à fuir la violence de son compagnon, elle se réfugie sur le Plateau de Millevaches en Corrèze, chez sa tante Judith. La vieille femme malade y vit avec son époux Virgile dans la dernière ferme d'un hameau perdu, avec pour seuls voisins leur neveu Georges qui campe dans une caravane, et Karl, un homme au passé mystérieux venu chercher la solitude. Leur besogneuse tranquillité va pourtant être mise à mal par un chasseur qui rôde discrètement aux alentours et par la résurgence de vieux secrets.


Publié après Grossir le ciel, Plateau reprend les mêmes ingrédients - l'univers sombre et âpre d'une nature grandiose mais intransigeante, l'isolement de personnages fêlés et cabossés désespérément accrochés à leur coin de campagne, un huis-clos inquiétant et oppressant où pourrissent de vieux secrets -, avec toutefois un je ne sais quoi de moins convaincant : sont-ce la folie de Karl et l'étrangeté du chasseur qui désarçonnent le lecteur, un peu dubitatif face à ces deux assez improbables protagonistes, en complet décalage avec le si parfait réalisme des autres caractères du roman ?


L'on y retrouve aussi avec plaisir l'inimitable style de Franck Bouysse. L'écriture précise et travaillée séduit et impressionne par le juste et original choix des mots et des expressions. Les dialogues claquent avec une authenticité saisissante. Les évocations lyriques de la nature en font un personnage à part entière, sublime, écrasant et maléfique. Pourtant, là aussi, j'ai été moins ensorcelée que dans les autres romans de l'auteur, car souvent déconcertée par trop de phrases suggestives et sans verbe, et par une poésie qui finit parfois par friser l'ésotérisme.


Après mes trois coups de coeur absolus pour Né d'aucune femme, Grossir le ciel et Glaise, c'est donc une toute relative déception qui m'a accompagnée dans Plateau : voici encore un excellent livre, reconnaissable entre tous pour l'incomparable patte de l'écrivain, mais néanmoins selon moi, pas le meilleur roman de Franck Bouysse.

Lien : https://leslecturesdecanneti..
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Citations et extraits (159) Voir plus Ajouter une citation
J'aime pas l'hiver qui se balade sous les vêtements et qui te crevasse les mains, j'aime pas le printemps qui te baratine en te promettant monts et merveilles, j'aime pas l'été qui déverse des nuées de bestioles et qui brûle les promesses, et j'aime pas non plus l'automne qui repeint le décor avec des belles couleurs pour le supprimer après. J'aime pas les saisons d'ici. Y a jamais rien qui change durablement, rien à espérer que de dérouler une corde que d'autres ont enroulée pour nous, rien qui vaille la peine de se battre. On gagne jamais, on attend que ça se passe.
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Et il y a des livres disposés sur les meubles et quelques rayonnages méticuleusement classés par auteur.
Georges les a tous lus au moins une fois :
Faulkner, Steinbeck ,Caldwell,Shakespeare, Carver, Thomas, ceux-là plusieurs fois .
Ceux qui ouvrent les horizons ,
ceux qui parviennent à déplacer ce maudit Plateau
par-delà des méridiens
bandés comme des arcs magiques.

[...] Tant de fois il a rêvé d'ailleurs ,
au fil des pages froissées
dans de fiévreuses nuits
dévalant des jours sans frissons.
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Des milliers d'années que l'homme se trompe, à se croire roi de ce territoire impossible à domestiquer. Des fermes en caravansérails abandonnés, mirages flottant sur de déplorables oasis sanctifiés par d'annuelles oboles faite à une végétation rapportée. Humains voyageurs poussés à une sédentarité par la peur de l'inconnu. Proies immobiles faciles à mettre en joue. Suppliciés volontaires, qui se résument à la somme de vide qu'ils étreignent toute leur vie. À penser que leur sillage demeurera gravé dans la terre, qu'elle n'en finira jamais de plaider leur cause, et que leur travail y suffira. À se croire ainsi utile à quelque immense projet. À se croire si forts, qu'ils en oublient précisément d'être inutiles: leur humaine mesure. Cette dérisoire lutte qu'ils mènent contre eux-mêmes sans le savoir, et qui les mène à l'oubli.
Qu'il en soit ainsi.
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Il sait.
Il sait tant de choses au sujet de la peur et du sang. Leur goût. Le ferment si excitant de la crainte qui fait relever la tête au cerf inquiet et voler plus haut les oiseaux dans le ciel. La proie, qui ne soupçonne encore rien du sang qui déboule d'un torrent d'altitude. Peur et sang, jumeaux maléfiques s'abreuvant à son propre sein.
Il sait.
Il est une ombre en suspension, diluée, insaisissable, chantournée au gré des vents de ses désirs.
Une ombre, qui hante le silence et frôle les clochers des églises.
Tout à la fois.
L'ombre d'un homme.
Il est le Chasseur.
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Virgile coupe par la tourbière, passe à proximité de l'imposante bâtisse abandonnée des Ores. Toujours le même malaise qui le saisit. Une attraction le pousse à s'approcher. Façade recouverte de lierre en lianes crampons, qui s'en vont rejoindre la charpente écorchée, soulevant des ardoises mémorables, pareilles à des tables de la loi brisées et jetées à terre par de nouveaux adorateurs. Immense Léviathan accompagné dans la mort par une tribu de choucas qui tournoient entre les cheminées de briques, leurs voix en glas martelant les nuages de leurs pâles becs à l'approche de l'intrus. Carcasse renfermant les ombres du passé libérée de toute quête terrestre, glorifiée. Intime fuselage en capside protectrice des formes les plus abolies du mal.
(p 118 livre de poche)
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Vidéo de Franck Bouysse
Franck Bouysse est de retour! Dans ce deuxième tome de la série La Marche du Rêveur, Franck Bouysse, en maître du suspense et des grands espaces, nous offre le magnifique récit d'une liberté.
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