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Critique de GeorgesSmiley


Vous aimez les maths ? Moi, non plus. L'éthologie alors ?... Moi non plus, je ne savais pas que c'était avant d'avoir ouvert ce roman. Maths et éthologie, voilà un cocktail qui, à première vue, pourrait obtenir un agrément de la sécurité sociale au vu de ses supposées vertus soporifiques. Oui, mais c'est William Boyd. Son talent, son humour ne mériterait-il pas un peu plus de confiance ? Ne serait-ce que pour apprécier une nouvelle fois cette écriture si habile à décrire les paysages ou les pensées et sentiments de son héroïne.
Elle s'appelle Hope Clearwater, en français Espoir Eau Limpide. Que raconte-t-elle, Melle Eau Claire ? Elle nous parle de la science, la science avec un grand S, qui ambitionne de tout explorer, de tout expliquer, de tout savoir. Elle nous parle des scientifiques, son mari d'abord, mathématicien brillant courant après la gloire, brûlant de l'envie de planter son drapeau personnel au sommet de l'Everest des mathématiciens. Elle ne comprend que très peu de choses à ses travaux, le lecteur que je suis encore moins. Peu importe, elle constate peu à peu qu'à se creuser la cervelle à la recherche de son graal professionnel, il creuse la tombe de son mariage et de sa santé mentale. Il espère pouvoir démontrer un raisonnement aussi phénoménal que limpide (comme l'eau claire, bien sûr) et il s'y noie. Voilà pour les sciences exactes.
Et les sciences humaines ? Prenez l'éthologie (étude scientifique des comportements animaliers), parce que Hope est éthologue. Après le naufrage de son mariage, elle accepte un poste en Afrique pour étudier le comportement de grands singes, des chimpanzés plus exactement, dont l'espèce humaine partage 98% des gênes. Je vois bien que vous préférez les singes aux mathématiques. Les chimpanzés sont sympathiques, mignons, attendrissants… Hope va travailler pour Eugene Mallabar, une sommité (j'ai failli écrire « comme son nom l'indique ») dans le domaine. Il a tout créé, tout vu, tout appris, il sait tout des grands singes (on pense à l'icône Jane Goodall). La guerre civile qui a freiné l'élan du domaine où il les étudie depuis vingt-cinq ans va se terminer. le manuscrit du futur grand succès de librairie qu'il consacre régulièrement à ses protégés est presque terminé, les commentaires élogieux sont déjà prêts, les donateurs reviennent, les carnets de chèques réapparaissent. Un joli cours d'eau rempli de succès et d'argent va couler de nouveau pour couronner une carrière entièrement consacrée à nos gentils cousins les grands singes. Ce ne serait vraiment pas le moment d'aller prétendre qu'en guise d'animaux sympathiques et attendrissants, ils sont en fait très belliqueux, pratiquant l'assassinat de leurs congénères les plus faibles avec cruauté (oui, oui), et dévorant les enfants de leurs victimes. Comment réagirait le gourou, guide suprême et expert incontesté si une imp(r)udente venait à lui servir cette chanson ? Mal, sans doute, c'est tout son business qui pourrait s'effondrer.
Voilà, les scientifiques en prennent pour leur grade : le besoin de tout mettre en équation, de démontrer le théorème qui ferait passer son découvreur à la postérité ou la tentation de raconter de belles histoires au grand public pour récolter le maximum de gloire et d'argent. On s'interroge quant à la réelle utilité et au désintéressement des innombrables ONG qui consacrent une partie de plus en plus importante de leur temps et de leurs moyens à…récolter de l'argent plutôt qu'à agir. Le personnage de Mallabar, mi-gourou de secte, mi-dictateur est impressionnant de même que les arrangements et compromissions des autres membres de son équipe. le plaisir de lecture est au niveau des autres oeuvres du maître, en particulier quand, comme à l'accoutumé, il décrit un paysage (je me souviens d'une moto qui progresse solitaire au pied du Kilimandjaro dans l'excellent Comme Neige au Soleil) d'automne en forêt ou d'hiver en bord de mer. On se passionne pour le sort des primates les plus faibles et on admire le courage de Mademoiselle Eauclaire luttant, au péril de sa vie, pour que la vérité ne reste pas enfouie sous la canopée de la forêt équatoriale et la mauvaise-foi de son patron.
Encore un excellent William Boyd !
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