AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet

Simon Baril (Traducteur)
EAN : 9782351788813
416 pages
Gallmeister (05/01/2023)
3.67/5   98 notes
Résumé :
Brooklyn, années 1990. Donnie Parascandolo, flic brutal et corrompu, rend des services à un truand local avec deux comparses. Décidé à donner une petite leçon à un joueur minable, il outrepasse quelque peu ses instructions et jette l’homme d’un pont. Malheureusement, le joueur minable ne savait pas nager. Ce qui n’empêchera jamais Donnie de dormir. Il sait bien que dans ce quartier les Italiens règlent leurs affaires entre eux, et que lui n’a rien à craindre de pers... >Voir plus
Que lire après La Cité des margesVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (20) Voir plus Ajouter une critique
3,67

sur 98 notes
5
5 avis
4
10 avis
3
4 avis
2
0 avis
1
0 avis
« - Réfléchissez, dit Giuseppe. Vous êtes des flics, non ? Vous êtes censés protéger les gens comme moi.
C'est mal nous connaître, rétorque Donnie. »

Juillet 1991, au sud de Brooklyn. La quarantaine bien tassée, Donnie Parascandolo est un flic brutal, alcoolique et corrompu, qui vit seul depuis le suicide de son fils Gabe, alors élève en seconde. Accompagné de ses deux acolytes, Pags et Sottile, il joue les gros bras pour Big Time Tommy Ficalora, le chef de la mafia locale.

Cet après-midi-là, alors qu'il est en train de boire avec ses deux compères, il aperçoit Mickey Baldini, dix-neuf ans, ex-étudiant au look de « crust punk », avec ses écarteurs d'oreille et un trait tatoué sur le menton. Mickey est en train de fricoter sur le terrain de basket attenant avec la fille de la voisine de Donnie, Antonina Divino, quinze ans à peine et belle comme un ange. Donnie intervient, voit rouge et balance un coup de batte de baseball sur la tempe de Mickey.

Quelques bières plus tard, il décide d'accomplir une mission que leur a confiée Big Time Tommy. Il s'agit de rendre une visite « virile » à Giuseppe Baldini, père de Mickey et joueur impénitent lourdement endetté auprès de la mafia locale. Las. Donnie outrepasse les ordres et jette Giuseppe d'un pont. L'homme ne savait pas nager.

Bienvenue dans l'atmosphère toute particulière du sud de Brooklyn, le quartier où a grandi William Boyle. Dans cette « Little Italy » se côtoient depuis toujours des mafieux bas du front, des flics pourris, des veuves mélancoliques, des mammas italiennes aussi dévouées que possessives, des adolescents à la dérive.

« La cité des marges » multiplie les narrateurs dont les destinées sont inéluctablement appelées à s'entrechoquer. Les courts chapitres qui composent ce roman choral donnent ainsi successivement la parole à Donnie Parascandolo, Mickey Baldini, Antonina Divino, Ava Bifulco, une veuve bigote, Nick Bifulco, son fils velléitaire, Rosemarie Baldini, qui élève seule son fils Mickey depuis la mort de Giuseppe, et Donna Rotante, l'ex-femme de Donnie.

Ce découpage narratif confère au récit une forme de nervosité très cinématographique qui évoque « Short Cuts » de Robert Altman. Les narrateurs qui se succèdent constituent autant de focales sur une intrigue en forme de peinture virtuose du sud de Brooklyn.

William Boyle fait mouche en parvenant à créer une empathie quasi-instantanée pour ses personnages aussi cabossés qu'attachants. Il construit avec maestria un édifice narratif complexe, où s'entremêlent les destinées de ses protagonistes. Un exercice de funambule, un puzzle dont les pièces s'assemblent pour nous dessiner une fresque enlevée et foisonnante.

Et pourtant. Les ficelles qui tirent les marionnettes du théâtre new-yorkais imaginé par l'auteur sont un peu trop visibles. S'il excelle dans la construction de dialogues mordants, le style épuré de l'auteur n'offre que trop rarement ces phrases qui arrêtent le temps, ces moments de grâce propres à la littérature, ces instants où le roman délaisse son intrigue pour nous emmener dans un ailleurs inattendu, un lieu que l'on nomme poésie.

Lorsque l'on referme « La cité des marges », on a l'impression étrange d'avoir vu une saison entière des Sopranos. C'est sans doute la véritable réussite de William Boyle. Plonger son lecteur dans l'univers truculent et tragique de Donnie Parascandolo, le macho à l'état chimiquement pur, qui est paradoxalement le personnage le plus incarné du roman. Nous peindre un tableau virevoltant et teinté de la douce mélancolie qui traverse « This Is All I Ask ? », qu'interprète Sinatra dans « September Years ».

« Beautiful girls, walk slower when you walk by me.
Lingering sunsets, stay a little longer with the lonely sea
Children everywhere, when you shoot at bad men, shoot at me. »

« Vous les jolies filles, ralentissez le pas quand vous passez près de moi
Vous les couchers de soleil, tenez encore un peu compagnie à la mer.
Vous les enfants, quand vous tirez sur les méchants, tirez sur moi. »

Commenter  J’apprécie          6626
Explorer les fêlures et la mélancolie des êtres ; sonder les âmes de ceux qui sont temporairement en marge des chemins de vie habituels ; placer ses personnages sur l'étroite ligne de crête qui permet de basculer dans le rebond ou dans la chute… William Boyle n'est jamais aussi bon que lorsqu'il laisse libre cours à son humanité littéraire.

Comme hier dans Gravesend ou Tout est brisé, il renoue avec ces thèmes dans La Cité des marges, traduit par Simon Baril, confirmant - à qui en douterait - son extraordinaire talent de conteur lorsqu'il s'agit de raconter la vie des gens simples.

Simple, Donnie ne l'est pourtant pas. Ex-flic et bras armé d'un caïd local du Brooklyn rital, il bascule un matin dans le meurtre en poussant un peu trop loin le zèle de la correction initialement demandée. Une légère bavure vite maquillée en suicide, sans grande conséquence. Jusqu'à ce que deux ans plus tard, la conjonction des hasards fasse ressortir l'affaire, et appelle à la vengeance.

La conjonction des hasards, ce sont des femmes et des hommes inconnus les uns des autres jusque-là, qui vont finir par se croiser. Loin de la théorie des six degrés de séparation, une rencontre devient un lien vers le passé, qui en génère une autre et ainsi de suite. Jusqu'au drame.

Et c'est là que Boyle donne son meilleur, dans l'approche de ces « marginaux » dont la vie peut, ou va basculer, notamment des femmes et des mères : Donna, l'ex-femme de Donnie, qui ne se remet pas de la mort de son fils mais qui retrouve l'espoir d'un avenir avec Mickey ; Ava, mère méritante qui va croiser la route de Donnie, peut-être pour le meilleur ; Antonina, en pleine bascule entre vieille ado ou jeune adulte ; Et même Nick, bouffon obsessionnel et auteur putatif persuadé d'être à deux pas du moment de gloire qui lui est nécessairement promis.

Toute cette galerie de personnages forme un microcosme attachant, placés chacun à des moments charnières de leur vie, où s'ouvre – même faiblement – la lueur d'un autre possible. C'est dans ce moment qu'ils sont faibles, hésitants ou fanfarons. Et c'est dans ce moment qu'ils sont beaux, magnifiés et attachants. Et c'est là que Boyle est grand.

D'autant plus qu'il renoue ici avec les codes appréciés de ses premiers romans : un quartier qu'il affectionne et qu'il décrit avec l'amour aveugle de l'enfant nostalgique ; des bagnoles dont les noms – Brougham, de Ville, Cutlass Ciera – font rêver le petit frenchie amateur de chromes US ; des références (Hunter S Thompson, Mean Streets, Carrie, Frantic, Nick Cave, This Mortal Coil, Gang of Four, Patti Smith…) de son panthéon littéraire, cinématographique et surtout musical, lâchées au détour d'une phrase.

Lire Boyle, c'est avoir l'impression d'être invité à passer un moment avec lui, dans sa famille, sans jamais avoir le sentiment de déranger. Alors assieds-toi, sors un vinyle de Garland Jeffreys et mets New York Skyline en fond. Tu peux maintenant savourer La Cité des marges.
Commenter  J’apprécie          452
On dit de William Boyle qu'il est le Balzac américain tant la galerie de ses personnages offre une étude des moeurs et sentiments dont sont capables les hommes.

Resserrées à Brooklyn, et plus particulièrement dans le quartier Gravesend (où l'auteur est né, a vécu de longues années et travaillé en tant que disquaire), les intrigues de Boyle relèvent, il est vrai, davantage de la Comédie humaine que de simples histoires de polars. L'auteur tresse un écheveau de destins, de vies d'hommes et de femmes que son imagination de romancier fait s'entrechoquer, se croiser, se lier.

Comme dans son précédent roman, L'amitié est un cadeau à se faire, William Boyle débute son récit par un acte violent commis par un protagoniste qui aura des conséquences sur tous les autres ; Comme Rena et son coup de cendrier sur la tempe de son voisin dans le roman précité, ici, c'est le coup de batte de base-ball asséné par Donnie, le flic corrompu, sur le jeune Mickey, suivi par l'élimination expéditive et cruelle d'un débiteur qui va précipiter le carambolage humain deux ans plus tard.

Trois hommes, Donnie, Nick et Mickey, et quatre femmes Ava, Rosemarie, Donna et Antonina : sept personnages forts, que le destin, la brutalité de la vie au sein de ce quartier pauvre et gangrené par la mafia et la délinquance vont se faire télescoper. Si certains se connaissent, sont mère et fils, ex-conjoints, amants, ou tout simplement voisins, d'autres n'étaient pas faits pour se rencontrer hormis des hasards malheureux et des alliances mal choisies.

William Boyle les connaît ces personnages pour les avoir fréquentés, côtoyés. S'il décrit leurs violences, leur détresse, leurs vices, il empreint toujours leur psychologie de beaucoup de douceur et d'empathie.

Le talent de l'auteur nous fait éprouver l'immense chagrin de Donnie d'avoir perdu son petit garçon, la solitude de Donna et sa touchante renaissance dans les bras d'un jeune homme qui pourrait être son fils, les provocations d' Antonina, adolescente sans repères, le quotidien solitaire d'Ava, les rêves chimériques de Nick pour devenir quelqu'un et sortir de son quartier.

Aucun manichéisme dans ce roman bouleversant, formidablement construit et parsemé de références à la musique et au cinéma. A lire avec en bande-son l'album Nebraska de Bruce Springsteen et les mélodies de Neil Young.

En somme, plus je découvre cet auteur, plus j'aime le lire. Éteindre la lune sera le suivant, j'ai hâte !





Commenter  J’apprécie          340
Petite virée dans un Brooklyn à la fin des nineties quartier, on est si proches de Little Italy qu'on en sent clairement le parfum.

Casting composé de flics plus que pourris, de personnages au bout du roll's, de mamma comme n'en fait que l'Italie, de mafia aussi omnipotente que flippante et de personnages à la marge du rêve américain, y'a de quoi faire.

Composé d'abord comme un roman noir à la facture classique, William Boyle prend un temps précieux et un plaisir certain à implanter des personnages cabossés par la vie dans un décor pittoresque à en être palpable. Fin psychologue et observateur perspicace de ses contemporains il dresse des portraits convaincants humains, et de destinées tantôt branlantes tantôt obstinées et inamovibles.

Il a une patte et le coup de main qui va avec pour nous mitonner une sauce qui si elle sent bon l'Italie et rappelle le Gang des rêves de Lucia di Fulvio, avec un peu plus de lucidité car ici le rêve américain n'existe plus : il y a comme un petit relent empyreumatique, ce petit arrière-goût de noirceur qui bien qu'annoncé d'entrée s'atténue peu à peu pour revenir après un solide tiers du livre. Transformée la fresque colorée en roman noir à tendance dramatique.

Si j'ai admiré l'adresse avec laquelle l'auteur tisse l'écheveau des destinées de ses personnages via l'utilisation d'une langue simple et directe, et l'inclusion trop importante à mon goût de références cinématographiques et musicales, le name dropping ici est un peu fatiguant, et rappelle la manière d'Easton Ellis sans son intensité. L'auteur au final déploie un schéma narratif classique au service d'une intrigue un peu convenue même si elle réserve de belles surprises on sent qu'il manque un petit quelque chose pour exhausser la saveur de la lecture. La réflexion sur les thèmes abordés est uniquement laissée au lecteur et le roman semble un peu trop classique, ne sortant pas du lot par une plume racée, foisonnante ou lyrique je ressors de cette lecture avec de la curiosité sur le reste de l'oeuvre de l'auteur mais une petite réserve sur sa capacité à m'émerveiller.
Commenter  J’apprécie          235
Tous les ingrédients sont réunis dans cette comédie noire pour produire un roman passionnant.
Des personnages haut, très haut en couleurs, des dialogues acérés, un contexte géographique près de Brooklyn, des flics pourris, des âmes perdus et beaucoup de fantômes.
L'auteur nous présente plusieurs acteurs de l'intrigue qui vivent à proximité, qui se connaissent de loin et dont les histoires vont se percuter et même drôlement se percuter.
C'est bien écrit, c'est sombre, c'est triste mais je suis restée de marbre car tout cela manquait d'un petit quelque chose pour déclencher un plaisir de lecture.
Comme quoi de bons ingrédients ne suffisent pas à faire un grand plat.
Commenter  J’apprécie          250


critiques presse (2)
Telerama
13 février 2023
La Cité des marges, cinquième roman de William Boyle, est publié aux éditions Gallmeister, toujours sous le regard attentif de François Guérif, qui évoque carrément une « comédie humaine » lorsqu’il parle de ses héros, qui peuplent toujours les mêmes trottoirs.
Lire la critique sur le site : Telerama
LaCroix
07 octobre 2021
Ce roman choral de William Boyle renoue avec le Brooklyn des années 1990, où évolue une galerie de personnages à la marge terriblement attachants.
Lire la critique sur le site : LaCroix
Citations et extraits (9) Voir plus Ajouter une citation
Ces murs nous ne racontent rien de la vie de Rosemarie. Elle a déjà été dans d'autres maisons comme la sienne, et les gens y affichent leur histoire. Les mariages, les communions, les vacances, les photos de classe. Tous ces trucs, elle les a, mais pas sur ses murs. Ses albums sont enfouis en bas du placard de sa chambre. Des photos collées à des pages noires qui avec le temps se détachent. Elle n'a pas la force de les regarder. C'est trop triste de penser à tout ce qu'elle a perdu, à tous les avenirs qui existaient encore potentiellement au moment où ces clichés ont été pris.
Commenter  J’apprécie          90
La plupart des gars de son âge ne la trouveraient sans doute pas belle. Lui, oui. Il en tire une certaine fierté. C'est génial qu'elle revendique de ne pas ressembler à une jeunette et dise aimer faire son âge. Elle sait qui elle est et ça lui donne confiance en elle. Elle arbore son échec sur son visage et ça la rend épatante. Il aime qu'elle soit divorcée. Il aime ses cheveux bruns parsemés de gris et sa peau pâle. Il aime qu'elle ne se maquille pas beaucoup. Il aime qu'elle ait des rides, des petites lignes autour des yeux et de la bouche. Et elle a une silhouette qu'aucune fille de vingt ans ne pourrait avoir.
Commenter  J’apprécie          60
- Parle-moi de ta mère.
- il n'y a rien à raconter.
- Il doit bien y avoir quelque chose.
- Je ne sais pas. Elle va bien. Elle travaille à la résidence Sea Crest de Coney Island. C'est une maman. Elle fait des trucs de maman.
Donna rit.
- Je suis une maman. J'étais une maman. C'est quoi des trucs de maman ?
- Je ne sais pas. (Il marque une pause, tachant de ne pas se tromper). Faire la cuisine, faire le ménage, s'inquiéter, être sans arrêt sur mon dos.
- Je me disais bien que tu pensais à ce genres de choses. Toutes les mères ne sont pas comme ça. Tu en as conscience, j'espère ?
- J'en sais rien.
- Je parie que ta mère a toute une variété de rêves.
- Faut croire.
Commenter  J’apprécie          50
Quand Rosemarie a demarré sa carrière d'aide-soignante il y a près de vingt ans, elle imaginait faire un métier utile, mais c'est difficile et triste, et ça l'a épuisée, et elle enchaîne les journées à Sea Crest en pilote automatique, évitant de plonger son regard dans les yeux perdus de telle ou telle vieille dame à laquelle sa fille ne rend visite que pendant les vacances.
Commenter  J’apprécie          90
"Réfléchissez. Vous êtes des flics, non ?
Vous êtes censés protéger les gens comme moi.
- C'est mal nous connaître. "
Commenter  J’apprécie          200

Videos de William Boyle (8) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de William Boyle
Eteindre la lune
autres livres classés : brooklynVoir plus
Les plus populaires : Littérature étrangère Voir plus


Lecteurs (337) Voir plus



Quiz Voir plus

Retrouvez le bon adjectif dans le titre - (6 - polars et thrillers )

Roger-Jon Ellory : " **** le silence"

seul
profond
terrible
intense

20 questions
2831 lecteurs ont répondu
Thèmes : littérature , thriller , romans policiers et polarsCréer un quiz sur ce livre

{* *} .._..