- Ne vous leurrez pas. Vous ne faites pas partie de ce petit nombre. Elles se suffisent à elles-mêmes, se flattent, s’encensent, s’enivrent de leurs trouvailles, se séduisent, se trahissent et n’ont que faire ni des petites parvenues ni des hommes. Comme dit ma servante : « Les hommes, il faut les faire courir pour tout ce qu’ils nous font marcher ».
Une corne de brume. Des pierres sèches se lamentent. Le cri des mouettes affamées perce l'air. Sur le chemin creusé d'ornières qui serpente entre les champs couverts d'une mousse couleur vert râpé, Gros Grain, le cheval de trait du père Louis, peine à tirer la charrette. Emilie et son amie Guénolé se cramponnent aux bourriches du vieux paysan. Elles ont faim, sont gelées, leurs pieds sont gourds. Leur ventre gargouille. Emmitouflées dans leurs pèlerine noire, elles se tiennent par la main. Sur leurs genoux, des petits couteaux et des tranches de pain noir, enveloppés dans un torchon.
Je préfère être une aimable précieuse qu'une mondaine dispendieuse. La première pense, la seconde dépense.
Seule près du berceau vide, Emilie est prise de vague à l’âme. Les femmes du monde n’allaitent pas. Je suis une femme du monde. De quel monde ? songe- t-elle.
Le besoin des femmes de se faire remarquer est peut-être un signe de leur fragilité, suggère Emilie. Les critiques qu’elles provoquent dérangent. Jusqu’à présent, elles n’avaient droit ni à la parole ni à l’écriture. N’est-ce pas un progrès que de voir une poignée d’entre elles ouvrir la voie ?
L’amitié qui succède à une passion est le seul sentiment qui dure.
- . . . parmi nos nombreux amusements, nous avons pour habitudes de lire nos lettres en public et parfois de les décliner dans des genres différents. .Vous voyez ?
- Tout à fait, Madame. Un exercice de style qui suppose de se glisser dans des tonalités diverses, de passer de la sincérité à la malice, du sérieux à la légèreté . . . se grise Emilie.
Si haut qu'on soit assis,on n'est jamais assis que sur son cul.