Alerte tornade coup de coeur !
Et une nouvelle fois, ce sont les éditions Gallmeister qui nous offre un premier roman fascinant mettant en scène une jeune héroïne, après les soeurs Nell et Eva de Dans la forêt , après Turtle de My Absolute darling. Je suis béate d'admiration face à la capacité de cette maison d'éditions à dénicher des trésors qui sortent des sentiers battus et rebattus de la littérature américaine.
Fin fond de l'Alaska, Tracy, donc, 17 ans, en colère, rebelle, renvoyée de son établissement scolaire pour s'être battue avec un camarade, mère décédée, un père qui tente de la canaliser en lui interdisant ce pour quoi elle vit : prendre soin de ses chiens de traineau, faire du mushing, sortir dans les bois, chasser. Ce n'est pas seulement une envie d'être à l'extérieur, elle en a organiquement besoin.
« J'ai senti quelque chose de sauvage monter en moi. Un puissant désir de courir aussi loin que je pouvais, jusqu'à ce que la tête se vide intégralement et que ma peau s'arrête de bourdonner que que je sois capable de me concentrer suffisamment longtemps pour poser un collet et attendre qu'une petite bête se pointe, et alors là je pourrais m'abandonner complètement quelques instants, mes yeux et mes oreilles cesseraient de m'appartenir, ce seraient ceux d'une marte ou bien d'un écureuil. »
J'ai rarement rencontré une héroïne aussi marquante. Car Tracy - comme souvent les jeunes personnages de Stephen King - a un « don », un don surnaturel ( que je tairai absolument, quelques billets de retour le dévoilent, fuyez pour avoir le privilège d'être surpris, horrifié, esbaudi, mal à l'aise. Un don qui est surtout une façon pour elle de faire vivre la mémoire de sa mère décédée dans des circonstances mystérieuses, de comprendre ce legs, de grandir avec et d'accepter sa nature profonde.
Que signifie être sauvage ? Jusqu'où va aller Tracy avec ce « Wild inside » ( titre original ). L'auteur sème des péripéties sur la route de Tracy : une agression dans la forêt, un agresseur en liberté, un jeune homme mystérieux qui s'installe chez elle et son père, une compétition de mushers ... J'ai vibré à mesure que la tension s'installe, monte, se tord jusqu'à la paranoïa, jusqu'à cette fin imprévisible et pourtant si cohérente et superbe. J'ai aimé que Jamey Bradbury laisse beaucoup de place à l'imagination du lecteur. Jamais ou quasi elle ne décrit ces personnages mais son écriture dense et riche sonde au plus près les émotions de Tracy. On est viscéralement avec elle dans les paysages grandioses de l'Alaska.
Entre thriller psychologique, conte initiatique avec une pointe de fantastique. Un incroyable roman , original, intense et hypnotique qui palpite encore une fois ses pages refermées. Une bombe !
Lu dans le cadre de l'US Book Challenge
Lire un livre avec une couverture rendant hommage aux paysages américains.
https://www.facebook.com/groups/294204934564565/
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Grand.
Grand espaces, grands bois, grand Nord, grand froid.
Chiens.
Chiens de traîneaux, chiens de meute, chiens courants, chiens de tête, chiens de garde, chiens de chasse.
Sang.
Hérédité, filiation, legs, ADN. Féminité, menstruation. Chasse, prédateur, crime. Scarification, estafilade, blessure, hémorragie. Vampire.
Adolescence.
Désir, trouble, identité, genre , sexe.
Sauvage, c'est un peu tout cela.
C'est un premier roman, et on se dépêche de lui trouver des parrains et des marraines , à cet enfant trouvé, pour essayer de lui coller une étiquette rassurante. ...
Bien sûr, Into the wild, à cause du titre -The Wild Inside est le titre anglais de Sauvage- , pour le" wild" incontestable du décor et des personnages. La ville est loin, la forêt dicte sa loi, et c'est la loi du sang.
Peut-être un zeste de Dans la forêt? mais dans Sauvage on est plus dans une sorte de fantastique poétique, métaphorique et discret que dans un roman post apocalypyique plus ou moins lourdingue.
Une pointe de My absolute Darling , alors, pour l'adolescente en pleine déréliction? Tracy, petite soeur nordique de Turtle, la californienne? Sauf que le prédateur ici tarde à montrer son visage..
Richard Wagamese, donc, à cause de la neige, de la forêt giboyeuse et des lacs gelés ? Mais le musher a remplacé le trappeur ou le hockeyeur. Et point de culture ni de légendes indiennes, juste le souvenir de Curwood, le chasseur de loups ou de grizzly.
Sauvage...avant tout, un livre inclassable.
Et bourré de qualités !
Formidablement écrit , grâce au pouvoir magique du sang, du sang "bu" -ah ce verbe "boire" employé absolument comme pour une grande addiction alcoolique !- qui permet mieux qu'une focalisation interne de "voir" et de "sentir" avec les yeux , la sensibilité d'un autre.
Il suffit de boire le sang et Je est un autre...Rimbaud n'est pas loin, et ses Voyelles en couleurs!
Fascinant par les images qu'il fixe sur notre rétine.
Maman au bout de l'allée, immobile dans son manteau rouge qui vole au vent du soir.
Jesse , rat androgyne, discret, fureteur, l'oeil et l'oreille aux aguets, rompu à toutes les ruses, tous les mensonges.
Papa, sévère et tendre. Rassurant et naïf. Papa si fort et si fragile.
Scott le casanier, petit garçon d'intérieur, tendre et solidaire qui dessine sa vie plus qu'il ne la vit. Scott l'imagier, le chasseur d'images.
Et Tracy, surtout - dite Trace- comme ces traces qu'elle suit pour relever ses pièges. Trace-Hécate, Trace-chasseresse, Trace la louve, la trappeuse, la musher, la surineuse, Tracy-messer sans gants blancs. Tracy la Sauvage.
Et les chiens, les chiens partout, dans le chenil, la cour, le traîneau, le panier, le canapé,le lac..
Je ne vous raconterai pas Sauvage.
Je voulais juste vous le faire humer un peu, comme on flaire une piste fraîche et qu'on part au petit trot derrière son fumet encore accroché aux brins d'herbe, aux cailloux, aux branches basses, et qu'insensiblement on accélère, avec le coeur qui bat plus vite, qu'on couche les oreilles et qu'on devient aveugle et sourd à tout ce qui n'est pas cette odeur, cette tension, cet appel impérieux.
Laissez-vous happer, envoûter, entraîner par ce premier roman coup de maître, puissamment original et dérangeant; laissez-vous imprégner par ce livre chaud au goût de fer, comme le sang.
Sauvage? Attention, chef d'oeuvre!
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Dans l’excellent Sauvage, Jamey Bradbury met en scène une jeune fille, Tracy, qui entre dans l’intimité des bêtes en buvant leur sang et qui cherche son identité dans la nature de l’Alaska.
Lire la critique sur le site : LeSoir
Si on aime les histoires déroutantes qui se déroulent en pleine nature, on adorera ce premier roman de l’auteure américaine Jamey Bradbury.
Lire la critique sur le site : LeJournaldeQuebec
C'est comme ça, la vie n'est qu'un vautour avide. J'ai lu des choses sur les vautours, ils mangent et mangent et mangent encore, même quand ils sont repus ils continuent, ils dévorent tout ce qu'ils ont devant eux. La vie avale un truc et ça ne fait que la rendre plus avide, alors elle se met à en avaler d'autres. Ça commence par Maman. Elle marche dans la nuit et ne revient jamais. Ensuite ce sont les chiens, cédés les uns après les autres. Puis notre mode de vie. Puis Papa, la façon dont les choses se passaient entre nous deux. Et si vous croyez qu'il est possible de s'habituer à ce genre de deuils, c'est que vous n'avez pas encore assez vécu. Rien de reste.
L’eau ne suit pas un cours rectiligne, elle contourne les arbres et les rochers, se faufile par les cols des montagnes, sans jamais cesser de descendre jusqu’à son but. À observer Jesse, j’ai commencé à apprendre que, pour obtenir ce que l’on veut, il est parfois plus simple de prendre son temps et de contourner les obstacles au lieu de tenter de passer en force.
La vie avale un truc et ça ne fait que la rendre plus avide, alors elle se met à en avaler d'autres. Ça commence par Maman. Elle marche dans la nuit et ne revient jamais. Ensuite ce sont les chiens, cédés les uns après les autres. Puis notre mode de vie. Puis Papa, la façon dont les choses se passaient entre nous deux. Et si vous croyez qu'il est possible de s'habituer à ce genre de deuils, c'est que vous n'avez pas encore assez vécu. Rien ne reste.
Je passais autant de temps que je pouvais dans la forêt. À me voir, vous vous seriez peut-être dit, Mais t’as que dix-sept ans, t’es une fille, t’as rien à faire toute seule dehors dans la nature sauvage où un ours pourrait te déchiqueter, un élan te piétiner. Mais la réalité, c’est que si on m’emmenait moi et n’importe qui d’autre dans la nature sauvage et qu’on nous y abandonnait, vous verriez bien lequel de nous deux en reviendrait une semaine plus tard, saine et sauve, et même en pleine forme. Je fais du traîneau pratiquement depuis que je sais me tenir debout, et à l’âge de dix ans j’emmenais des petits attelages sur la piste pour des sorties de deux jours, et parfois plus, sans autre compagnie que celle de mes chiens. J’ai participé à l’Iditarod Junior dès que j’ai pu, et à seize ans je concourais dans mes premières compétitions professionnelles.
Puis je me suis tenue dehors avec le vent qui se drapait autour de moi, envoyant des bouts de glace et de neige me mordre le visage. Je me suis retournée. J'ai laissé l'instinct et la mémoire me guider vers la maison, invisible dans les tourbillons de neige. Tout était invisible.
En quête de bons livres à lire ? Découvrez l'actualité de Babelio et les livres du moment en vidéo.
Ce mois-ci, on s'est intéressés aux couvertures de livres, et surtout, à ce qui fait qu'un livre peut d'abord nous attirer à travers sa couverture. En début de vidéo, Pierre et Nicolas reviennent sur une étude Babelio sur le livre en tant qu'objet, et vous proposent quelques exemples de livres dont ils ont particulièrement apprécié les couvertures dernièrement. le reportage suit cette idée, avec le témoignage d'un libraire et de trois lectrices, qui nous expliquent leur rapport aux couvertures des livres qu'elles lisent et achètent.
Retrouvez aussi une présentation des différents défis de lecture 2020 sur Babelio, ainsi que nos interviews récentes…
0:01 Présentation du sujet par Pierre et Nicolas
Notre étude sur l'aspect physique des livres : https://babelio.wordpress.com/2018/10/15/couvertures-quatriemes-de-couvertures-bandeaux-quen-pensent-les-lecteurs/
Notre liste (très subjective) des 25 plus belles couvertures de livres de 2019 : https://babelio.wordpress.com/2019/12/30/les-plus-belles-couvertures-de-livres-de-2019/
Les livres présentés :
Ben Marcus, ‘L'Alphabet de flammes' : https://www.babelio.com/livres/Marcus-Lalphabet-de-flammes/575718
Jean-Marie Blas de Roblès, ‘Dans l'épaisseur de la chair' : https://www.babelio.com/livres/Blas-de-Robles-Dans-lepaisseur-de-la-chair/953393
Capucine et Simon Johannin, ‘Nino dans la nuit' : https://www.babelio.com/livres/Johannin-Nino-dans-la-nuit/1109603
Jamey Bradbury, ‘Sauvage' : https://www.babelio.com/livres/Bradbury-Sauvage/1111399
Patrice Gain, ‘Le Sourire du scorpion' : https://www.babelio.com/livres/Gain-Le-Sourire-du-scorpion/1191031
8:46 Reportage à la librairie la Manoeuvre, Paris 11e
Les livres présentés :
Neely Tucker, ‘Seules les proies s'enfuient' : https://www.babelio.com/livres/Tucker-Seules-les-proies-senfuient/1158845
Kim Un-Su, ‘Sang chaud' : https://www.babelio.com/livres/Kim-Sang-chaud/1182330
D.B. John, ‘L'Etoile du Nord' : https://www.babelio.com/livres/John-Letoile-du-nord/1098431
James Carlos Blake, ‘Crépuscule sanglant' : https://www.babelio.com/livres/Blake-Crepuscule-sanglant/55986
Erik Orsenna, ‘L'Exposition coloniale' : https://www.babelio.com/livres/Orsenna-Lexposition-coloniale/12746
Trevanian, ‘Shibumi' : https://www.babelio.com/livres/Trevanian-Shibumi/91361
Gérard Mordillat, ‘Quartiers de noblesse' : https://www.babelio.com/livres/Mordillat-Quartiers-de-noblesse/1199025
Roxane Gay, ‘Hunger' : https://www.babelio.com/livres/Gay-Hunger/1204139
Valérie Manteau, ‘Le Sillon' : https://www.babelio.com/livres/Manteau-Le-sillon/1048733
Manu Larcenet, ‘Thérapie de groupe' : https://www.babelio.com/livres/Larcenet-Therapie-de-groupe-tome-1--Letoile-qui-danse/1192698
Toni Morrison, ‘Beloved' : https://www.b
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