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Critique de Biblioroz


Voilà une lecture exquisément victorienne, diantrement gothique et délicieusement aristocratique où le mystère se répand par petites touches et pas uniquement dans le secret de la belle lady dont la véritable identité nous apparait très rapidement.

Les premiers mots nous arrachent de notre fauteuil pour nous propulser immédiatement dans les jardins du château d'Audley, dans le Comté d'Essex. Son arche ancienne surmontée d'une horloge détraquée s'ouvre sur d'imposants rhododendrons, un étang, un vieux puits dissimulé, un verger aux arbres noueux et bien sûr un magnifique manoir tout recouvert de lierre. Des siècles d'existence témoignent de son mélange d'architecture, les nombreuses pièces ayant été rajoutées au fil du temps.
Le calme enveloppe les lieux et seuls les tilleuls bruissent dans le vent.
Ce cadre, majestueusement décrit, m'enchante. Il répond tout à fait à ma fascination des vieilles résidences de l'aristocratie anglaise. Mary Elizabeth Braddon met dans toutes les descriptions de son roman autant de côtés lugubres, sombres ou sinistres que d'aspects paisibles, chatoyants, reposants, selon les circonstances de son récit.

Mais revenons à cette vénérable demeure. Derrière les lourdes portes en chêne foncé, vivent sir Michael Audley, sa fille de dix-huit ans, Alicia, et sa toute récente seconde épouse lady Lucy Audley. Au grand dam d'Alicia, sa très jeune belle-mère subjugue son monde avec son délicieux sourire, son enjouement perpétuel, ses irrésistibles boucles blondes, sa beauté éblouissante. Son père est fou du petit air enfantin de sa nouvelle femme mais Alicia, et même son chien César ne se laissent pas éblouir par cette couche de gracieusetés et voient plus distinctement ce qui se cache derrière cette façade frivole et coquette.

Robert, le cousin d'Alicia n'est pas dupe non plus et découvre très tôt que lady Audley excelle dans l'art de se composer un visage pour charmer son monde, bien armée de sa beauté. Il vient de retrouver George Talboys, un ami d'école, revenu de Sydney où il était parti faire fortune, abandonnant alors sa femme et son bébé. Mais alors qu'ils prennent un café ensemble, un Times qui traîne sur la table révèle le décès de cette femme tant aimée.

Et les mystères, situations et évènements étranges comme la disparition de George à Audley Court même vont s'enchaîner, distillant une atmosphère que l'auteure manie à la perfection pour capter l'attention de son lecteur. Elle laisse planer des ombres de plus en plus noires sur cette disparition.
L'équilibre combinant suspense, psychologie et descriptions se maintient tout du long. Mary Elizabeth Braddon s'attarde avec talent sur les traits de ses personnages. Leurs évolutions sont captivantes. Robert, qu'elle nous présente comme un jeune homme paresseux, apathique, fuyant responsabilités et soucis s'acharne progressivement à démasquer la coupable. Mais il ne faut pas oublier qu'à cette époque l'honneur est une grande dignité dans l'aristocratie et que l'on ne doit pas la salir.
De plus, son oncle lui est cher donc les tourments, doutes et angoisses se multiplient. Comment accepter d'être l'instrument de la ruine d'une personne généreuse et honnête mais aveuglée par l'amour ?

Bien sûr, pour parfaire un bon roman victorien, les évènements à sensation se teintent d'un peu de romance. Alicia s'épuise à tenter d'attirer l'intérêt de son cousin qui s'horrifie de ses gestes brusques, son caractère impétueux nous offre le délice d'échanges verbaux fougueux avec un Robert qui, comme à son habitude, se contente de lever bien haut ses épais sourcils.

Alors, si parfois j'ai bien senti que l'auteure tirait un peu en longueur certaines scènes, ce livre est resté récalcitrant à être posé dans un coin de longues heures durant. Il me fallait continuer à découvrir les moindres détails de tous ces actes cachés, démasquer toutes les vilenies de l'être humain tout en me délectant, encore et encore, de l'élégance de la plume du XIXe. Traversant les saisons, quel régal de plonger dans cet univers de vieux manoirs avec sa cohorte de domestiques qui exécutaient les moindres tâches, servant avec déférence cette aristocratie qui se laissait vivre sans jamais se préoccuper du quotidien.
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