Avant toute chose, je tiens à éclaircir un point : il est inutile de comparer cette oeuvre au Seigneur des Anneaux, comme j'ai déjà pu le lire. Si le thème de l'anneau fait se rapprocher les deux oeuvres, cela s'arrête là, car elles sont vraiment différentes. Édouard
Brasey s'est en partie inspiré de la tétralogie de Wagner, qui elle est apparue avant le Seigneur des Anneaux (saga magistrale au demeurant).
Tolkien s'est lui aussi inspiré de la mythologie nordique pour créer "son monde". Mais à la différence de ce dernier, Édouard
Brasey a écrit l'histoire de la mythologie Scandinave dans son ensemble, respectant les grandes lignes tout en la remaniant (j'appuie bien sur ce point) ! Donc, autant prendre une saga pour ce qu'elle est, l'apprécier à sa juste valeur et lui rendre l'hommage qu'elle mérite, ce que je vais tenter de faire ici.
Cette saga est absolument fascinante (je pourrais user de pleins d'autres superlatifs) ! Je suis rapidement rentré dans l'histoire, pour ne plus en ressortir. J'ai même eu l'impression de l'avoir finie trop vite.
En décidant de retranscrire cette fabuleuse mythologie en une série de 3 romans (4 à l'origine), l'auteur est parvenu à lui rendre ses
lettres de noblesse, bien qu'il ait évidemment dû faire certains choix (impossible de tout inséré ou respecté à la lettre pour une mythologie aussi dense et sujette à diverses interprétations), mais grand bien lui en a pris. Tout en respectant les grandes lignes, l'auteur a su réinterpréter ces légendes, incorporant des histoires dans L'Histoire. J'ai retrouvé avec une immense joie les personnages qui me bercent depuis mon enfance.
Ce que j'ai particulièrement aimé, c'est que j'ai eu l'impression de lire un conte, à la fois héroïque et tragique. Grâce à une superbe écriture, pleine de lyrisme, de poésie et de panache (bien qu'il y aient quelques répétitions parfois dans certains mots), l'auteur a vraiment construit un roman, et non une encyclopédie. Bien que romancée, l'auteur a su insuffler à sa saga un souffle épique, en phase avec l'époque dans laquelle elle se déroule, agissant comme un conteur narrant les légendes de la mythologie nordique. de ce fait, il a évité les clichés du genre, misant sur la psychologie des personnages et leur histoire. Point de manichéisme à l'horizon donc, car quasiment tous les personnages sont gris, et c'est un point fort que je salue.
Les personnages sont vraiment au centre de l'histoire, chacun y a sa place, l'auteur ayant pris soin de bien développer une grande partie d'entre eux.
Tour à tour héros et anti-héros, ils sont tous la proie du Destin, d'une puissance qui leur est supérieure. Même les Dieux sont contrôlés par une force qui les dépasse. L'auteur a, là aussi, évité les clichés, car ces derniers sont faillibles, mortels. Il dépeint des Dieux pas si différents des Humains malgré leur statut divin.
Bien que je regrette la quasi-absence de deux personnages qui pour moi ont leur importance dans les événements mythologiques, il est indéniable que l'auteur a su rendre les personnages dignes d'intérêt, leur donnant un côté très réaliste de par le fait qu'ils sont nuancés. Si beaucoup d'entre eux se révèlent intrigants ou détestables selon les situations (je pense à Loki, qui ne cesse de m'interpeller par sa complexité), le personnage de Sieglinde m'a touché, et j'ai littéralement adoré Brunehilde et Siegfried. Ce dernier n'a, au départ, rien du héros que l'on connait. Son récit est bien amené, l'auteur a pris le temps de s'approprier le personnage et ses différentes facettes. J'ai pris énormément de plaisir à retrouver ce héros que j'aime tant, bien qu'au début il n'en était rien. Malgré son statut de guerrier invincible, lui aussi n'est qu'un instrument dans l'histoire, manipulé bien malgré lui. C'est un personnage qui va pourtant apprendre de ses erreurs, et apparaitre au final beaucoup plus compréhensif qu'il n'y parait.
Quant à Brunehilde... certainement le personnage féminin que je préfère parmi tous ceux que j'ai pu croiser jusqu'à présent. Elle qui a fait le choix de devenir femme et mortelle, tout en gardant sa prestance de Walkyrie. Il m'était impossible de ne pas être touché par son histoire, tout ce qu'elle a vécu et souffert. Forte, implacable, sensible, aimante... elle est beaucoup de choses à la fois. Comme tout le monde, elle a ses failles, mais sait reconnaitre ses erreurs et se révèle plus humaine que la plupart des personnages. Elle est incroyable, fascinante, et plus encore.
Même si l'histoire de la mythologie nordique est sûrement l'une des plus connues, il serait injuste de dire qu'elle n'apporte aucun enseignement, bien au contraire. Il y a tant à dire en fait, car les messages délivrés restent très actuels.
Édouard
Brasey a su dépeindre les personnages et les univers avec justesse et précision, rendant le tout très imagé. Les 9 mondes sont tour à tour enchanteurs et horribles, décrits comme des personnages à part entière. Il a pris tout son temps pour poser son récit, expliquant avec clarté la naissance des 9 mondes et les créatures qui les peuplent. de ce fait, son travail de documentation est absolument énorme, car il n'a rien laissé au hasard, réussissant à créer un récit cohérent, pouvant convenir aussi bien aux néophytes qu'aux connaisseurs.
À travers cette histoire, je me suis retrouvé à l'origine du monde, jusqu'à sa chute. Les Dieux apparaissent friables malgré leur grande puissance, car rongés par le doute et les remords (particulièrement Odin), se montrant à la fois héroïques, égoïstes et cruels. de plus, ils ne disposent pas de cette liberté qu'ont les humains. La nature humaine est dépeinte dans ses grandes largueurs, dans ce qu'elle peut avoir de plus beau et de plus vil en même temps, et il y a beaucoup de choses à en tirer.
Mais ce qu'il y a de marquant, c'est que les femmes occupent une place centrale à travers la saga. Ce sont finalement elles qui ont le contrôle des événements, et de ce fait, l'auteur évite encore une fois les clichés et idées reçues.
Je suis admiratif de tout ce que l'auteur a construit. Il est parvenu à créer une saga romanesque qui n'avait pas vu le jour avant lui. Il a su faire preuve de modestie, n'ayant aucune prétention quant à l'oeuvre de Wagner, et ça force le respect.
Cette fantastique et épique trilogie, à la fois pleine d'amour, de tristesse et de fureur, restera dans ma mémoire, et mérite amplement les éloges que je lui fais, tout comme à son auteur.
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