Je n'accroche pas du tout.
Trop dur à lire
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L’essentiel est inavouable. L’essentiel est aberration.
L’interdit est mon opéra.
Certains jours, j’ai besoin d’écrire des choses qui m’échappent en partie, qui précisément sont la preuve que ce qui est en moi est plus fort que moi. Je voudrais un « si » qui n’existe pas, parce qu’un « si » représente toujours une chose qui ne s’est pas produite… Et puisqu’elle ne s’est pas produite, c’est qu’elle aurait pu ne pas être. Je pensais que chaque jour me rapprochait un peu d’un autre, comme un changement de protocole.
L’histoire est peut-être facile à penser mais elle est difficile à voir pour ceux qui la subissent dans leur chair, qui la vivent dans l’anonymat de la chute exemplaire. Quand on voit la souffrance de l’autre, on voudrait mourir à sa place, mais c’est trop tard, c’est viscéralement trop tard, au sens étymologique latin « visceralis », « de chair ».
On dit que ceux qui disparaissent meurent deux fois dans la violence. Lorsque leur souffle cesse, une agonie invisible se poursuit et la société les assassine encore. À celui ou à celle qui pleure, on va, répétant qu’un devoir moral s’impose, conservant la mémoire de celui qui a été perdu. Cela s’appelle « faire le deuil ».
Écrire, c’est ne pas pouvoir éviter de le faire, c’est ne pas pouvoir y échapper. Les écrits les plus achevés ne sont que des aspects très éloignés de ce qui a été entrevu. La totalité inaccessible qui échappe à tout entendement ne cède en rien à la folie et à ce qui la détruit…
La vraie générosité envers l’avenir consiste à tout donner au présent. Il y a une chronique du corps qui reste à faire et dont on imagine mal l’importance. J’avais besoin de l’appartenance que certains êtres m’avaient donnée pour que je redevienne moi-même. Et quand bien même je serrerais contre moi tous les êtres du monde, je ne serais défendue contre rien.
Interview de Mathilde Brasilier par Christophe Médici le 22 septembre 2015 dans l'émission "Le goût des autres".