– Je ne suis pas sûr d’aimer ce que devient ce monde, murmure Donnelli, mais pour une fois, je bénis Big Brother.
Cette femme, c’était un aimant. Un trou noir. Elle aspirait tout de lui.
Donnelli lève un regard fatigué vers Pfiffelmann.
- Pfiff, qu'est-ce que tu fais encore là !
- Je suis ton équipier, non ? Je fais mon job de flic !
- Tu n'es plus flic, Pfiff.
- Qu'est-ce que tu racontes, flic un jour, flic toujours, tu le sais bien ! Fanfaronne l'autre.
- Plus pour toi.
- Et pourquoi ça ?
- Parce que tu es mort, Pfiff. Tu es mort. Tu n'es même plus vivant. Tu t'es fait descendre il y a trois semaines et je t'ai porté en terre moi-même après avoir rameuté quelques flics juifs du service pour m'aider à te mettre dans le trou.
- Ah oui, c'est vrai...
C'est ce moment de silence que choisit la Big Mama de Big Mama's Wreck Yard pour surgir de la nuit en vituperant. Une lourde et forte femme noire aux yeux fous de colère, aussi large que haute, costaude comme un mécano dans une salopette maculée de cambouis. Elle est armée d'un démonte-pneu et d'un strabisme divergent à donner le mal de mer à un sauveteur marin.
Ça n'avait jamais été facile entre eux. Des amours fugaces. Des heures volées. Mais intenses comme une poussée d'adrénaline pendant un flag. Cette femme, c'était un aimant. Un trou noir. Elle aspirait tout de lui. Son plaisir, sa jouissance, son sperme, ses emmerdes, ses doutes, ses tracas. Elle le possédait comme un ouragan et le rejetait comme un naufragé sur une grève. Vivant mais vidé. Ailleurs. Loin de tout. Quand on pense qu'elle l'a largué au prétexte qu'il était toxique ! Lui! Il gardait plutôt l'impression que c'était elle qui l'avait dissous à l'acide de sa féminité conquérante.
Quand il passe, tous se taisent et le suivent des yeux. Personne ne se moque de lui, mais leur silence est une haine. Sa seule présence, une offense.
On meurt comme ça, en perdant la vie et soudain plus rien n'existe pour vous de tout ce qui continue à être sans vous.
Alors je ne suis ni bleue, ni bite, même si je ne peux pas t’empêcher de me l’asséner à chaque putain de phrase que tu prononces depuis que je suis ta coéquipière. Mais sois certain, Donnelli, sois certain que chaque fois que tu le dis, chaque fois que je l’entends, je pense très fort dans ma tête que tu n’es qu’un sale con de porc de macho de phallocrate de merde de misogyne pervers et d’étron libidineux ! (Mankato) (ça, c'est envoyé !!!)
Quelquefois, les amours inavoués ont le goût doux-amer d’un glaçage à l’orange sanguine.
Jouir et baiser, ça va un moment, mais ça ne construit pas une relation.