Notre ami HORUSFONCK nous aura dit l'essentiel sur cette conclusion à la saga "Spirou et Fanta" (5 tomes à ce jour) d'
Emile BRAVO ! Rappelons qu'il nous faut découvrir ce chef d'oeuvre du roman graphique du XXIème siècle (que personnellement je placerai aux côtés de "L'Arabe du Futur" de
Riad SATTOUF et des "Chefs-d'oeuvre de
Lovecraft" par
Gou TANABE).
Cette quatrième partie intitulée "Une fin et un nouveau départ" ("Spirou. Journal d'un ingénu" ayant servi de brillant Prologue et de matrice aux 4 tomes de "L'espoir malgré tout" qui suivront), c'est un peu l' "Adieu à beaucoup de personnages" (1915/1947) de
C.F. RAMUZ...
Pour l'inventeur du roman-poème, il nous fallait dire adieu à la petite
Aline, la fille-mère délaissée et suicidaire d'"
Aline" (1905), à Emile Magnenat, le notaire "cornard" de "
Les Circonstances de la vie" (1907), à Jean-Luc, le misérable et christique alcoolodépendant de "
Jean-Luc persécuté" (1909) à Aimé Pache, artiste besogneux échouant à Paris d' "
Aimé Pache peintre vaudois" (1911), enfin à Samuel Belet, ce trimard aux plusieurs existences de "
Vie de Samuel Belet" (1913)... et prendre un nouveau départ : germant au cours du premier conflit mondial, de retour au bercail suisse, un "second RAMUZ" va naître, ce
lui des romans dits "mystiques"...
Finalement, "Une fin et un nouveau départ" c'est tout cela : Kassandra Stahl, la petite fiancée de Spirou, disparaît dans les limbes (à l'instar d' "
Aline") mais échappée de la Shoah, "renaît" dans sa nouvelle patrie palestinienne, Blanchard (le journaliste marron, toujours du côté du manche) perd la partie et devient un nouveau Magnenat proscrit, Felix et Felka disparaissent dans le train de déportés vers leur sinistre disparition (il laissera une oeuvre picturale troublante et nous apprendrons la réalité de l'existence trop brève de Felix Nussbaum, peintre assassiné à Auschwitz qui nous rappelle le sort de
Bruno SCHULZ, écrivain-peintre et graveur tué d'une balle dans la nuque par un obscur gestapiste dans son ghetto de sa ville natale de Drohobycz) : "
Jean-Luc persécuté" (ivre de son seul art) et "
Aime Pache, peintre vaudois", c'est
lui ! Spirou et Fantasio ne disparaissent pas, eux, ils survivront à la guerre (toujours absurde et injuste) — comme Samuel Belet survivra aux chaos de la Commune et à toutes les épreuves de sa longue existence — et vivront éternellement dans les mémoires de leurs lecteurs grâce aux talents successifs de
ROB-VEL,
JIJE,
André FRANQUIN et
Emile BRAVO !
La mise en couleurs (tirant sur le sepia) due à
Fanny BENOÎT est toujours harmonieuse et impressionnante.
On peut juste regretter que ces 40 pages soient d'une quantité réduite, forcément un peu déceptive, et trahissent une partie peu de nos attentes sans doute démesurées... mais c'est le choix éthique de BRAVO de nous dire ainsi (sans trop se soucier que d'innombrables tâcherons tâchent en ce moment de reprendre "Spirou et Fanta", en bâclant les psychologies et sans autre projet graphique qu'une branchouillitude "standard" toujours moche et vulgaire)... "Adieu à beaucoup de personnages" est respectable, même si nous le regrettons ! Toutes ces années à vivre et souffrir avec eux... Qui sera le nouvel
Emile Bravo ?
Allons, allons, cher
Emile BRAVO, votre "Fin d'une tragicomédie humaniste en quatre volumes" (en conclusion de cette page IV de couverture cartonnée), est certes l'arrivée des Alliés en territoire belge, la Libération et son incontournable épuration, bref, la fin des souffrances... mais ne nous abandonnez pas totalement comme ça (aux mains de charlatans bâcleurs si peu doués) "nos" Spirou, Fantasio, le Spip, le père Anselme (Mais qu'est-ce qu'il irait f...tre au "Congo belge", le pauvre ? Il va vite en rev'nir avec Ernestine), les deux frangines de la ferme, Edmond et son bataillon de résistants, ces gavroches de Lucien et P'tit Louis (encombré de sa p'tite soeur), terreurs des terrains vagues !!!