J'aime le personnage d'Antigone, depuis ma découverte, adolescente, de la version d'Anouilh. J'en ai lu plusieurs depuis lors. Jamais je n'avais croisé de version plus proche de mon ressenti initial.
Et j'aime, je l'avoue, le prologue proposé par les éditions de l'Arche, celui de Berlin 1945, plutôt que le nouveau prologue ajouté en fin de livre. J'aime cette vision moderniste de ce mythe antique, ce qui me paraît respecter justement le sens même d'un mythe.
Cela ne me donne qu'une envie, approfondir l'oeuvre de ce dramaturge, trop peu joué, en tout cas dans mon pays.
Parmi les versions d'Antigone, à mon avis, celle de Brecht est la plus proche de nous, celle qui explique le plus notre condition actuelle, et la condition de ces pays qui agonisent sous la tyrannie, de ces peuples tiraillés entre le choix de la révolte et celui de l'endurance passive. Elle se lit d'un seul trait.
Antigone tout le monde ou presque connaît ou en a entendu parler. Personnellement, je découvre cette version germanique, ayant eu envie après ma précédente lecture d'interroger le concept de tragédie. J'avais encore en tête la version de jean Anouilh, plus que l'original de Sophocle.
C'est donc en comparant ces deux versions bien nettes dans mon esprit que je vais commenter brièvement ce livre.
Rien à voir.
Ici, le personnage central est Créon, l'homme d'état. Certains le trouvent "dictatorial", personnellement je préfère le qualifier de pragmatique. Efficace comme on le dirait de nos jours. Il dirige Thèbes d'une main de fer pour son bien selon ses critères : enrichissement grâce à l'asservissement des cités voisines. Brecht ne dénonce pas Créon pour Créon, il pose la question de l'exercice du pouvoir temporel. Simplement, là où Anouilh décrivait un Créon presque victime de sa fonction, Brecht lui fait endosser pleinement le rôle, avec volontarisme.
Le Créon d'Anouilh veut sauver Antigone malgré elle, celui ci n'en a cure, elle doit mourir pour l'avoir défié.
En creux seulement se pose la figure de la résistance des architectes puis victimes de ce système qui tourne finalement à la tragédie. Ses fils, les Anciens cupides, Antigone et Ismène bien sûr.
C'est très beau et fait réfléchir comme seule la littérature sait le faire.
Ouf ! quelle gifle ! quelle trouvaille que ce dialogue entre les deux soeurs en préambule ! Ismène et Antigone, quelles héroïnes ! Que de nuances, de suggestions dans une langue (traduite bien sûr) claire, aisée, forte. Antigone : une reine. Créon, l'autocrate, dominé tout du long par une femme devant l'assemblée des Anciens consternée ; un chef qui supplie presque ses victimes de fléchir, un politicien médiocre, un chef de guerre sanguinaire et calamiteux.
Le mythe d'Antigone raconté par la célèbre pièce de théâtre de Sophocle est sans doute l'un des plus célèbres de l'Antiquité grecque et de la civilisation européenne. La version de Bertolt Brecht insiste sur la violence de la dictature et sur les faiblesses des dirigeants totalitaires qui conduisent des peuples entiers à leur perte et agissent pour des motifs personnels. Brecht qui a lui même vécu les persécutions nazies à s'en exiler aux États-Unis utilise l'histoire contée par le dramaturge grec pour souligner les aberrations et l'oppression du pouvoir dictatorial et l'on peut lire en toile de fond une critique très net de l'Allemagne des années 1930 à 1945. Cette pièce est très intéressante, et très bien écrite, il elle amène à réfléchir sur la notion de pouvoir et de décision. Malgré le titre "Antigone", c'est bien Créon et son comportement dictatorial qui est au coeur de l'histoire.
Cette chanteuse française proche de François Mitterrand en a livré une interprétation baroque étonnante