Dans la jungle des villes

Etonnante modernité, déroutante confrontation, conflit énigmatique, dans ce jeu des existences, misérables ou parvenus happés par la grande ville.

La version initiale de la pièce a été créée en 1923 à Munich, année chaotique, de crise, d'hyperinflation, celle du putsch d'Hitler dans la même ville, cette pièce ne pouvait qu'être perçue, comme un scandale. Années 1920, celles de l'émergence du Mouvement Moderne, du cubisme… celles d'un Chicago en plein essor, d'un vaste chantier attirant les migrants ruraux du Middle-West dans cette frénésie urbaine, où tout va si vite, où les existences se jouent au gré des opportunités et du besoin de se nourrir, dans un rythme urbain soutenu tel celui du jazz. C'est ce Chicago de 1912 que l'on retrouve dans Chicago Poems de Carl Sandburg, séquence d'un monde bouleversé et en mouvement.

Lorène de Bonnay à propos de la mise en scène de la pièce par Roger Vontobel (Théâtre National de la Colline, Paris 2012) révèle que Bertolt Brecht s'inspire de deux romans publiés en 1905 et 1906 dont l'action se situe à Chicago, « la jungle » d'Upton Sinclair qui s'intéresse à la misère du prolétariat dans la grande ville et « la roue » de Johannes Jensen qui traite d'un combat entre deux hommes. Mais il y a là, à l'évidence, une singularité, une force du verbe comme du propos dans cette oeuvre de jeunesse de Bertolt Brecht, bien avant même le théâtre de l'absurde.

Déroutant, à lire et surtout relire pour tout saisir !