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EAN : 9782889490578
202 pages
5 sens éditions (13/08/2018)
4.75/5   8 notes
Résumé :
Alors que sévit la Grande Guerre en Europe, un jeune Algonquin de treize ans doit entreprendre sa quête de vision. Cependant son père, homme-médecine, a d’autres projets. Il l’envoie en mission pour interpeller ceux qui menacent son peuple et pour que s’accomplissent les prophéties. Il doit pour cela faire un tambour, c’est en le battant qu’il trouvera sa destination. Commence alors un voyage initiatique et périlleux dans les couleurs des quatre points cardinaux, le... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (8) Voir plus Ajouter une critique
Tout commence par une loi. Celle du changement. Changement de traditions. de modes de vie. de coutumes. de l'interdiction. Interdiction de sortir d'un territoire attribué. La vie change autour des Algonquins. Quel sera leur avenir sur la terre de leurs ancêtres? Quel sera le destin de ce peuple qui vit en harmonie avec la nature qui l'entoure? plus rien ne sera comme avant. Que d'inquiétude! Cette ancienne vie qui s'en va avec le départ de l'un des leurs vers le monde des esprits. La fin d'un monde respectueux de rites millénaires préservant la nature.
Achack a, entre ses mains, le destin de son peuple. La quête se déroule en douceur, entre leçons de vie, questionnements, conseils des plus âgés. le lecteur découvre avec bonheur les rituels Algonquins, leur lien à la nature à laquelle ils s'identifient. Aux coutumes et traditions si respectueuses de la vie en général. Cette quête est initiatique et l'initiation est une quête qui mènera Achack au plus profond de lui, de ses desseins. le tambour devient symbole. Devient le lien entre la vie et la mort. Symbole de cet éternel recommencement. Achack arrivera t-il à avoir des visions? Pourra t-il aller au bout de sa mission? Cette dernière portera t-elle les fruits escomptés? A quel prix?
Le chant du tambour est un superbe roman. Un roman de sagesse. Sagesse du peuple Algonquin. Peuple qui arrive à la fin d'un cycle de vie. Doucement, lentement, au rythme de la nature, de l'éveil de la maturité d'un homme-enfant, nous avançons page par page à la découverte de deux peuples, au choc de leur rencontre, de leur destin si éloigné l'un de l'autre mais si lié. Destins liés rien que pour le pire. le chant du tambour est le roman des vies aussi résonnantes que le tambour. C'est un très beau roman où le destin d'un peuple lié à la nature basculera définitivement vers une fin inexorable. Une ode à la nature porteuse de vie, de beauté, d'espoir foulés au pied. Par une loi.
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Alors cette histoire est paradoxalement très douce et très dure !

Nous découvrons Achack, jeune algonquin, qui va devoir entreprendre son initiation. Et il va devoir affronter bien des épreuves pour arriver au but de son voyage. 

Ce n'est pas le genre de lecture que j'ai habituellement mais là c'est tellement prenant, le voyage est tellement captivant.
On est à côté de ce jeune indien tout le long, on a peur, on compatit, on est peiné, on est content, soulagé, fier et heureux.
On le suit dans son parcours et on souffre avec lui comme on vit sa joie et ses victoires.

La plume de Jean-Luc est fluide, douce, pudique. Il nous enveloppe dans son univers et celui de son personnage. 

La structure du livre est parfaitement équilibrée, divisée en plusieurs parties correspondant aux étapes du voyage, divisées elles même en chapitres courts ( pour moi c'est très important).

Voyagez aux côtés de Achack, embarquez dans une culture aussi belle que fascinante, aussi douce que respectueuse, aussi forte que fragile. 
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Ce que j'aime bien dans ces moments de lecture et de chronique, c'est de découvrir de nouveaux auteurs, de nouveaux livres, de lire de nouveaux thèmes et parfois, comme le livre d'aujourd'hui, de lire quelque chose de totalement différent de ce que je lis actuellement.

Mais le vrai plaisir, la vraie surprise est dans l'histoire de son livre "Le chant du tambour".

L'histoire est vraiment très belle et, même si certains passages sont un peu lourds à lire (c'est mon unique reproche!), elle est clairement magnifique.

Entre rites, culture et traditions, on suit l'histoire d'un jeune algonquin pris au milieu de sa culture ancestrales et de la culture des blancs, nouvelle.

Une recherche de soi, perdu entre traditions et nouveautés en quelque sorte.

Mais c'est surtout le lien entre la vie et la mort, le rapport aux ancêtres qui est mis en avant.

Et, il faut être honnête, Jean-Luc Bermond sait y faire.

L'écriture est bien, le vocabulaire riche, et nous laisse nous imprégner de la culture, des valeurs parfois lointaines ou perdues...

Une superbe lecture qui vraiment dépayse et nous permet de nous ouvrir l'esprit.



C'est donc pour moi une vraie réussite!

Je lui mets la note de 16/20





Même si ce n'est pas un coup de coeur, il  faut avouer que j'ai pris beaucoup de plaisir à lire ce livre.

Je remercie son auteur, Jean-Luc Bermond pour sa confiance et le fait de me l'avoir envoyé à l'autre bout du monde.

Personnellement, je ne peux que vous le conseiller, surtout si vous voulez lire quelque chose de particulier qui ne vous laissera pas indifférent.

Lien : https://patrickjamesnc.com/l..
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L'histoire parle de Achack, 13 ans, jeune Algonquin qui doit partir pour sa quête de vision, et devenir adulte. Cependant son monde est en plein changement avec l'homme blanc qui met en péril la culture et les traditions de son peuple, commence alors un voyage plus grand pour Achack.

L'histoire est très belle, très poétique, elle nous entraîne dans les rites et la culture méconnue du peuple Algonquin. L'écriture est douce avec un vocabulaire riche.

Je ne me suis cependant pas attachée ni aux personnages. Je crois que ce livre est à l'opposé de mes habitudes de lecture. L'histoire d'Achack est initiatique et spirituelle, bien loin du Young Adult et du fantasy ^^.

J'ai pris du temps pour lire ce livre. le manque de dialogue et les énormes pavés de descriptions m'ont ralentie dans ma lecture. Malgré ça, tout est beau et décrit avec une telle poésie (je me répète) que cela apporte un petit je ne sais quoi qui fait qu'on l'aime.

Conclusion :

Je n'ai pas d'avis particulier sur ce livre mais si l'on aime les parcours initiatiques il y a de grandes chances qu'il plaise. J'ai buté sur les descriptions mais ce n'est qu'une questions de goût. La critique est courte car j'estime avoir dit ce qu'il y avait à dire, j'ai tenté le récit spirituel de Achack et je ne l'ai ni aimé ni détesté, la seule chose que je retiens c'est la magnifique plume de l'auteur qui garde sa poésie et sa douceur du début à la fin.
Lien : http://www.christiefo.com/20..
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article sur le chant du tambour dans l'hebdomadaire numérique Horizon Pyrénées
Culture
Le chant du tambour, voyage initiatique au pays des
Algonquins et de la spiritualité amérindienne
Le roman de Jean-Luc Brémond, publié par une maison d’édition alternative, est une ode bouleversante à la culture et à la spiritualité des premiers habitants de l’Amérique du Nord.
Achachak, un jeune algonquin, quitte sa tribu et sa fiancée pour se lancer à la recherche de sa vision, rituel initiatique de passage vers l’âge adulte. Mais son père, homme-médecine, espère surtout qu’il entrera en relation avec les Blancs pour les dissuader de mettre en péril l’avenir de son peuple. Au cours de son long périple à travers le continent américain, Achachak effectue de nombreuses découvertes. Sa confrontation avec le monde des Blancs est
violente. Mais, avec l’aide de deux musiciens tibétains, il retrouve la veine prophétique de son peuple et la capacité à transmettre l’espoir et la dignité, grâce au chant du tambour.
Ce roman de Jean-Luc Brémond nous plonge au cœur de la culture et de la spiritualité des Amérindiens. L’écriture subtile et poétique de l’auteur nous éveille à la vision du monde que partageaient les premiers habitants du continent américain, avant d’être submergés par l’invasion européenne. Un récit pétri d’humanisme et de respect envers la nature.
Jean-François Courtille

Lien : https://www.jlbecrit.ovh/201..
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Citations et extraits (5) Ajouter une citation
Un fracas percutant, un tremblement du fleuve, une
explosion de ses eaux ! Achack jaillit de sa couche et se
saisit du couteau qu’il gardait toujours sur lui. Debout, vêtu
de son pagne, ses deux pieds plantés sur le sable mouillé,
les yeux écarquillés, il chercha à comprendre d’où venait
le danger, la masse qui avait bien pu faire un tel bruit ?
Une sirène, au son grave et caverneux, retentit dans le cou-
chant rouge sang sur l’eau rubis. Encore un de ces bateaux
sans rames sillonnant continuellement le fleuve ! Achack
resta bouche bée. Fleuve, berges, forêts et monts s’embra-
saient, un grand incendie dans le soir tombant. Au centre
des flammes grenat, sur les braises incandescentes, le corps
cramoisi, l’Algonquin ne savait s’il flambait ou rêvait. Un
songe ? Non, le début de la saison chaude, précoce comme
l’avait été la saison froide, empourprait le mois de mai. Un
signe ? Oui, les couleurs enflammées indiquaient à Achack
qu’il avait pris la direction du rouge de l’été.
Un grand geyser jaillit des eaux sanguines, suivi d’une
masse sombre bondissant dans le ciel rutilant. Elle vrilla
et retomba dans une gerbe tumultueuse d’écume. Une
baleine ! Un rorqual venu du Labrador faire des provisions
de planctons dans les eaux douces et salées de l’embou-
chure du Saguenay. Achack jubila. Émerveillé par les bonds
spectaculaires du poisson géant, il entendit la messagère
du Grand Esprit le conjurer de faire comme elle, d’avoir
l’audace de sortir des eaux rassurantes de son nid pour
s’élancer dans l’inconnu de la vie. Affaibli par son jeûne,
Achack s’immergea dans des rêves rubescents. Toujours
pas de visions d’animaux !
À la clarté du jour, la rive apparut au levant. Des terres
infinies, boisées et illuminées de garance. Le soleil se dres-
sait au-dessus de son lit vermeil. Sternes, cormorans et
Fous de Bassan s’activaient en criant dans le ciel carmin.
Des huards et des dauphins plongeaient dans les flots
incarnats. Sa tête moustachue hors de l’eau, un loup-marin
nageait dans le courant, Achack décida de le suivre. Il plaça
les poissons semi-séchés dans sa peau d’orignal, la roula
avec sa lance et la posa par-dessus son sac. Après avoir
enfilé en bandoulière son arc et son carquois rempli de
flèches, sa besace de l’autre côté, son instrument dans le
dos, sa mailloche dans la main, il se mit en route, hésitant à
faire résonner son tambourin, de crainte de rencontrer des
pêcheurs de capelans ou réveiller les habitants endormis
dans les habitations colorées peuplant les berges.
Apercevant des Blancs se regrouper sur la plage, Achack
s’éloigna du Saint-Laurent au large duquel des bélugas for-
maient de multiples arcs scintillants. Il ne se sentait pas
encore prêt. Il ne se sentait pas encore prêt. Afin de se
mettre à couvert, il se dirigea vers un bois de trembles. Il
avait repéré un vallon parallèle au fleuve, vierge d’habita-
tions, à l’orée de la forêt d’épineux, il le suivrait pour se
cacher sitôt le danger. En frappant son guide de bois et de
peau tendue, il se faufila entre des bosquets d’arbres aux
bourgeons pourpres, des prairies garnies de fleurs mauves
et violettes, des rivières remplies de saumons rosés.
Ayant repris son jeûne, il contourna des fermes et des
champs cultivés, croisa des troupeaux de bêtes cornues
comme le bison ou chevelues, effrayantes, tel le géant
cannibale des légendes de son peuple. Achack paniqua. À
l’ouest, les villages de planches ou de pierres avaient rem-
placé les arbres et les clairières. À l’est, les landes étaient
entièrement peuplées. Il ne lui restait plus qu’à regagner
la paix du fleuve. De peur d’être remarqué, il installa son
bivouac à l’orée d’un bois de bouleaux à papier, au-dessus
d’un village trempé par la bruine. Dans l’attente imminente
de son animal protecteur, fermant les yeux, il fit sonner sa
percussion en un battement lancinant, un rythme feutré.
Cinq jours qu’il ne mangeait plus, à s’en tordre les boyaux,
qu’il calmait sa faim en buvant abondamment l’eau des
ruisseaux. Sa quête restait vaine. De rage d’être abandonné
par le Grand Esprit, il jeta son instrument et se mit à pleu-
rer, ce qu’il ne faisait plus depuis de nombreuses années.
Le couchant ardent fit saigner le ciel. Achack vit alors son
totem. Un renard roux dans l’embrasement de la soirée,
immobile près d’un hêtre cuivré, sa fourrure orangée se
confondant avec celle des bosquets. Le corps vacillant,
l’Algonquin sentit sa tête tournée et s’effondra sur le sol.
Tout devint nuit.
Un renard s’avançait vers lui, le reniflait, le poussait de son
museau pour le forcer à se relever. Il se mit à parler : « je peux
me fondre et m’intégrer dans mon environnement, y devenir invisible
à chaque instant. Je sais m’adapter aux circonstances, trouver des
astuces pour guetter les vivants, prêt à m’échapper aux moindres mou-
vements. Fais comme moi, fonds-toi dans les paysages hostiles. »
Achack ouvrit les yeux, le renard était toujours là.
Convaincu que le songe n’était pas encore sa vision, l’ado-
lescent répondit à l’animal :
« Tu m’invites au camouflage, à observer discrètement
les hommes blancs, sans pour autant prendre de risques
pour ma sécurité. Merci. »
La bête bondit dans le fourré. Après avoir étalé sa peau
d’orignal, Achack se recouvrit de sa chaude couverture et
s’endormit sans tarder.
L’enfant des lacs et des forêts respira l’air du littoral
avec bienfait et un sentiment de liberté, une impression
de nouveauté. Par ses eaux écarlates, côtes cerise, rochers
amarante, sable brique, horizon enluminé, le sud invitait
Achack à le suivre. En retour il fit chanter son tambour,
martelant le sable de ses pieds en l’honneur des êtres des
eaux, goélands, achigans et éperlans. Sur le point de défail-
lir, tant la faim le tenaillait, il affrontait ce qu’il ne pouvait
éviter plus longtemps : les Blancs. Il y en avait partout,
sur la plage, dans l’eau, sur les galeries des maisons qui
surplombaient le rivage, le visage plus rougeaud que pâle.
Le jour, développant l’art du camouflage enseigné par
l’esprit du renard, Achack contournait les pêcheurs affré-
tant leurs canots et démêlant leurs filets, bambins occupés
à jouer en revenant des cours ou les séchant, mères les
surveillant. Non pas qu’il se fondait dans le paysage, qui
le pourrait dans une zone sans arbres pour s’y cacher ? En
gardant une relative distance avec sa population, il s’accep-
tait différent. Le soir, il profitait d’être seul sur les rivages
pour avancer tard jusqu’à la nuit, battant la peau tendue
jusqu’à sombrer dans un cauchemar peuplé d’automobiles
se déplaçant en détonant sur les routes et dans les bourgs.
Plus Achack progressait, plus la terre grossissait de
Blancs lui manifestant indifférence ou raillerie. Les petits
couraient derrière lui en riant et criant. Les adultes se
moquaient de lui : le sauvage qui ne savait pas que le
monde était civilisé. Des quolibets qui transperçaient l’au-
tochtone de flèches de rejet. Était-il possible qu’il y eût
parmi ces gens des êtres sensés, au visage hospitalier, aux
mains désarmées, désireux de connaître les traditions de
son peuple, sa spiritualité, des personnes prêtes à écouter
son tambour, le messager des esprits ? L’Algonquin attei-
gnit le grand rassemblement de la nation des visages pâles.
Tant et tant d’individus ! Achack put presque les toucher.
Un jour chômé, le dimanche sacré, un temps où il était
bien vu de relâcher. Révulsés par cette étrange apparition
venue contrarier leur sortie, frôler leurs petits, les habitants
s’indignèrent du manque de pudeur de l’Indien le torse nu,
un pagne au-dessus de ses cuisses, un sac et des armes dans
le dos. Les sauvages ne devaient-ils pas vivre sur les terres
qui leur étaient réservées et, s’ils les quittaient, montrer un
laissez-passer ? Que faisaient donc les autorités ? Ne
disaient-elles pas que tous les Indiens devaient être absor-
bés dans la société civilisée, que leurs danses et leurs pra-
tiques sacrées n’étaient plus autorisées ? Pourquoi la police
montée n’intervenait-elle pas pour séquestrer cet opportun
jouant et chantant pour les ensorceler ? Ravis de ce diver-
tissement, les plus jeunes s’amusèrent de voir cet incongru
marcher proche d’eux, les yeux affolés, le visage crispé,
le pas saccadé, comme s’il découvrait pour la première
fois leur monde pourtant vieux de près de trois cents ans.
Rabaissé à en avoir la nausée, Achack redoublait d’efforts
pour ne pas s’effondrer. Comme la tortue, il se replia en
lui-même pour y chercher la sécurité, y puiser la force de
continuer. Au fond de sa carapace, parcouru de frissons, il
percevait la menace destructrice de ce peuple arrivant sans
cesse sur cette terre, dans leurs grands bateaux et véhicules,
comme ce camion chargé de troncs d’arbres qui roulait sur
la route asphaltée. Il laissa sa colère remonter.
« Le deuxième prophète du quatrième feu disait vrai.
C’est le visage de la convoitise qu’ils affichent, la jalousie de
notre liberté ! Les objets qu’ils apportent de leurs contrées
ou qu’ils fabriquent dans leurs cités, ne sont pas pour être
partagées mais bien pour dominer ! Leur soif de posséder
entraîne la mort de nos rivières et de nos forêts ! »
Sa mission lui parut ridicule. Le monde était déjà trop
abîmé. Le garçon était certain d’arriver trop tard pour inter-
peller les autres afin qu’ils arrêtent leur folle destruction,
tant elle était déjà entamée. N’allait-il pas se faire prendre
dans la toile collante de la civilisation des Blancs, succom-
ber à leurs fausses promesses de richesse, s’éloigner de la
sagesse des aînés ? L’angoisse et le découragement le sub-
mergèrent. Sans s’en rendre compte, il produisit des sons
si forts que les personnes, ahuries, s’écartèrent devant lui.
L’image du lapin revint dans la mémoire du musicien, le
messager de la peur lui rappeler de ne pas y céder ni d’y
résister. Le pouls de l’Algonquin devint plu
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Arrivé à un long grillage ceinturant un grand parc
somptueux, des bâtisses opulentes, des arbres étranges,
des plantes insolites qui cachaient la vue sur l’océan, les
chariots empruntèrent une large avenue soignée, bordée de
monuments et fontaines. Ils évitèrent les riches bâtiments,
luxueux palais, pour se diriger vers des pauvres baraque-
ments. Les gardes firent descendre les prisonniers un à un
et les envoyèrent défiler devant des médecins, infirmières,
scribes en blouse longue. Après les avoir examinés avec
soin, palpés honteusement, le personnel leur fit signer un
document. Une procédure zélée, bâclée, pleine de cynisme
et d’efficacité. Une simple croix suffit à les enregistrer. Les
formalités accomplies, les sauvages furent conduits dans
leur cantonnement, des bunkers borgnes en béton, aux
murs lézardés, d’authentiques cachots pour de dangereux
prisonniers. À leur grande surprise, ils étaient déjà pleins
d’hommes, femmes et enfants, la peau de toutes les cou-
leurs, sauf le blanc. Achachak prit le temps de dévisager
un à un les occupants. La forme de leurs habits, leurs com-
portements transpiraient la vastitude du monde inconnu :
des têtes enturbannées, chapeautées, cachant des cheveux
longs ou rasés ; des corps en apparat éclatant, robe, bou-
bou, sari, saroual, kimono, djellaba, poncho, dhoti, sinh,
tunique ou jupe brodée, des pagnes différents de ceux
des Nations de cette terre. Parmi eux, le jeune Algonquin
aperçut un petit groupe habillé de soie, aux traits mongo-
loïdes et yeux très bridés. Bien qu’attiré par eux, il n’osa les
approcher. Pour l’heure, il devait trouver une place pour y
étaler sa peau parmi les nombreux lits superposés qui ne
laissaient que peu d’espace pour circuler. Le dortoir était
déjà bondé, les premiers habitants de cette terre étaient les
derniers arrivés dans la communauté des expatriés.
Placé en haut d’un lit superposé, à côté d’Abooksigun
endormi tel un pesant ours perché sur un arbre, Achachak
écouta les pleurs des bambins, les conversations des aînés
s’éteignant de couches en couches, les cauchemars tour-
mentés qui gémissaient dans l’inquiétant et long tunnel.
Il ne put fermer les yeux tant l’angoisse étranglait ses
entrailles et garrottait ses pensées. Lors de son transport
express vers l’extrémité de l’univers, il n’avait pas pu battre
la terre de ses pieds, il avait été emporté dans la tornade de
l’injustice, à en perdre peut-être la raison. Dans ce gouffre
de la déportation, comme auparavant dans celui de la pri-
son, devrait-il encore braver pour garder son honneur ? Il
était las de lutter. Gagné par la fatigue et l’impuissance, il
ferma enfin les yeux et sombra dans un sommeil profond.
Un cercle, une grande roue, un anneau parfait. Achachak était
en son centre, il était un arbre garni de feuilles et de fleurs, il marchait
en frappant son tambourin. À l’est il reçut la paix et un calumet.
Au sud, il fit un feu et reçut une plume d’aigle. À l’aide de la grande
rémige il fit circuler la fumée, d’abord de la tête aux pieds des par-
ticipants, puis il l’adressa aux quatre directions sacrées, au cercle de
l’assemblée. À l’ouest, il reçut un sac-médecine rempli de foin d’odeur,
de sauge, de cèdre et de tabac. Il récolta d’autres plantes. À l’aide
de ces herbes, il se mit à soigner la terre habitée. Au nord, il entra
dans une tente à sudation. Avec le tabac et le foin d’odeur de son sac-
médecine, il purifia le centre de la loge, puis il aspergea d’eau les
pierres brûlantes que lui apportait par quatre fois le portier. Il agita
le hocher devant les membres des Nations du levant, du midi, du cou-
chant et du septentrion. Il poursuivit avec les membres des plaines et
des forêts, devant un émissaire d’une autre terre représentant les mon-
tagnes et enfin devant un envoyé Blanc venu sur les eaux. Il leur joua
du tambour. Les participants s’approchèrent de lui en soufflant dans
leur sifflet en os d’aigle. La percussion leur répondit par un chant.
Achachak et Abooksigun marchaient sur une allée
bordée d’acajous, santals, acacias et ébènes, leur sortie
quotidienne. Après chacun des trois repas servis dans
un immense réfectoire, ils s’échappaient de leur prison
dorée pour respirer la beauté des lieux. Le lendemain de
leur arrivée, leur captivité s’était transformée en un séjour
hospitalier, au point de ne plus se sentir incarcéré, mis à
part, bien sûr, les nuits claustrées dans leurs dortoirs popu-
leux, les jours confinés dans un parc grillagé, le bruit des
vagues sur la plage qui leur donnaient des envies d’éva-
sion. Ils avaient accès à la cafétéria, au gymnase, à la pièce
commune, aux douches collectives et même à une salle
de cinéma où leur étaient projetés des films muets et des
flashs d’information, en particulier les nouvelles du front.
Elles étaient récentes, effrayantes, rapportant la guerre de
tout un continent. En l’espace de quarante jours, un assas-
sinat, des alliances, des défiances et l’histoire commençait.
Des armes sophistiquées dont beaucoup sous-estimaient
la puissance, des tueries que les dirigeants ne semblaient
vouloir arrêter, à en juger par la légèreté des empereurs qui
continuaient à chasser, jouer ou bien qui voyageaient dans
leurs yachts privés, jusqu’à leur entrée dans les hostilités.
Un mois auparavant, en une seule journée vingt-sept mille
soldats français avaient été tués. Durant deux semaines, les
détenus avaient regardé, horrifiés, les corps déchiquetés,
ensanglantés, jonchant les champs de bataille, craignant
que ce conflit gagnât leurs pays colonisés.
Au travers les grilles, des jardiniers au visage basané soi-
gnaient des citronniers, orangers, pêchers, abricotiers épar-
pillés parmi des palmiers et des marronniers. Achachak
fut émerveillé par la diversité des plantes, la forme des
arbres, l’abondance de la végétation, la chaleur du soleil, la
douceur de la mer, lui qui venait du nord boréal. D’autres
ouvriers, à la peau ébène, travaillaient des plates-bandes de
yuccas, nopals et cactus.
« Ces hommes qui ont la couleur de la nuit, sont-ils
venus de l’ouest ? interrogea le garçon, retrouvant là le
teint qui l’avait tant impressionné lors des arrêts dans les
gares de la plaine et à l’arrivée.
– Ils ont été pris dans un autre continent. Ils sont libres
aujourd’hui, toutefois ils ne sont pas venus de leur plein
gré.
– Comment sais-tu cela ?
– Je me souviens avoir entendu parler d’un peuple aussi
sombre que la forêt en hiver venu d’au-delà des grandes
eaux de l’est, réduit en esclavage et transporté ici pour y
rester très longtemps prisonnier. Tu vois les autres humains
qui nous ressemblent par leurs yeux bridés et leurs faces
cuivrées, métissés par les colonisateurs, bien qu’ils aient
leurs racines plantées dans cette terre, ils ont depuis long-
temps capitulé. Le cercle sacré des Nations a peut-être été
brisé, celui de l’univers continue à tourner. Nous avons
perdu notre pouvoir, non notre lien à la Mère. Les Blancs
ne peuvent pas faire disparaître notre spiritualité, ou alors
ils risqueraient de voir la terre mourir et eux avec elle. »
De nature trouillarde mais résolument optimiste,
Achachak ne réalisait pas l’ampleur du désastre que lui
décrivait son aîné, la disparition des Autochtones.
« J’ai fait un rêve étrange, confia-t-il, je me trouvais dans
le cercle de la vie, j’étais l’arbre fleuri. À chaque direction
où je m’arrêtais, je recevais un signe : le calumet, la plume
d’aigle, le sac-médecine que tu m’as échangé et la loge à
sudation que je dirigeais. Dans ma vision le cercle était
complet, ce n’était pas seulement celui de l’univers mais
aussi celui de ma Nation. Je bénissais les représentants de
nos peuples, également ceux avec qui je devrais accomplir
ma mission, les gens à la fois semblables et différents. Il y
avait des visages pâles, ceux de la prophétie des sept feux,
du clan de la femme Bison Blanc. Dans mon songe mon
tambour chantait et les danseurs imitaient le sifflement de
l’aigle. »
Le Malécite fixa intensément le garçon, comme s’il
voyait au-delà de ses propres perceptions.
« Tu as le pouvoir de l’aigle, celui de voler haut dans
le ciel, de prendre du recul sur les ombres et les lumières,
de t’approcher du soleil afin de bénéficier de sa clarté et
ainsi discerner le chemin du respect. Dans ton rêve, tu étais
au centre de ton tambour, la terre sacrée d’où vibrait la
voix de la Mère. Ta médecine est le chant du tambour qui
vient de l’esprit de l’aigle, du Grand Esprit. Il n’est pas
étonnant que ton tambourin t’ait conduit jusqu’ici. Sitôt ta
mission accomplie, tu sortiras grandi et confiant. Tu es le
cœur de ta Nation. Tu ne voyages pas que pour elle, aussi
pour celles des captifs pris dans le filet de la domination
et pour les Blancs qui recevront ton don. Je suis rassuré,
jeune garçon, je sais maintenant que nous retournerons
ensemble dans les wigwams qui nous ont vus naître, toi
pour t’y marier, moi pour y mourir en paix. Dis-moi, de
quelle couleur étaient les fleurs de l’arbre de ton rêve ?
– Sans couleur, je crois.
– Alors je crains que nous ne devions rester ici
longtemps.
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Absorbé par son ouvrage, Achack ne s’était pas rendu
compte que le ciel s’était obscurci pour faire place à la nuit,
seules les flammes éclairaient encore ses mains expertes.
L’obscurité ne l’empêcha pas de constater son travail mal
fait, une lune gibbeuse plus qu’un cercle parfait. Il fut déçu,
toutefois la peau cacherait les défauts. Épuisé, l’artiste
convoita la viande boucanée. Non, il ne pouvait pas man-
ger, pas avant d’avoir eu sa vision ! Il s’allongea sur la terre,
se recouvra de sa peau d’orignal et s’endormit comme une
masse.
Un tambour, un cercle luminescent, veillait dans le ciel étoilé.
La pleine lune, la mère qui accouchait. Une mailloche, une traînée
étincelante, sortit de son sein. Le rayon du soleil qui l’avait fécondée,
le père qui avait semé. Le maillet frappa l’instrument, la pulsation
d’un cœur, Lune et Soleil ne firent plus qu’un, un couple aimant. Àdeux ils formèrent un disque, un calice de fleur, le rond des wigwams
et des nids, le cercle de paroles des Algonquins, le cycle de la vie. La
Lune et le Soleil donnèrent naissance à la Terre. Les étoiles dansèrent
en ronde autour du petit, un tambourin, une future mère. Les pieds
des hommes-médecines, chasseurs, guerriers et femmes martelèrent la
terre, autant de rayons qui ensemencèrent la mère, qui firent battre
son cœur. Alors des couples s’unirent, les mères procréèrent à leur tour
et la terre grossit. Dans le ciel, la pleine lune chanta l’amour, elle
chanta le respect, c’était le chant du tambour.
Achack se redressa. Au cœur de la forêt hurlaient les
loups. Les étoiles scintillaient sur la voûte profonde. Grosse
et fluorescente, la lune brillait au-dessus du foyer éteint,
sans braises et sans fumée. Les astres étaient tels qu’il les
avait laissés. Avaient-ils tourné un cycle complet pendant
qu’il dormait, un repos de plus d’une journée ? Il étira les
bras et chercha à se lever, mais son corps refusa de bouger,
figé sur sa peau, ankylosé, vanné et affamé. Il était trop tôt
pour s’activer, il ne lui restait plus qu’à se recoucher.
Allongé sur le dos, Achack regardait le ciel où tournaient
les planètes, à l’exception de l’étoile du nord qui restait fixe
pour orienter son peuple. L’image d’Alsoomse hantait son
esprit. Il se remémora son rêve, celui du tambour qui chan-
tait la lune, la terre et la féminité. Il ne sut plus quoi penser.
L’objet était presque prêt alors que son voyage n’avait pas
encore commencé, il rêvait sans arrêt sans qu’aucun ani-
mal ne vienne habiter ses visions. Lui fallait-il jeûner plus
longtemps ? Le désespoir gagna le garçon. La percussion
inachevée l’éloignait de ses responsabilités dans son clan,
celui de son rêve lui faisait espérer l’union et la paternité.
Dans son songe, l’instrument chantait l’amour, alors il le
battrait nuit et jour jusqu’à ce qu’il le conduise à celle qu’en
tant qu’homme il devra aimer. Fermant les yeux, il se ren-
dormit avec cette agréable et satisfaisante pensée.
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Les natifs furent grimés en authentiques Autochtones ! Ils étaient humiliés dans leur âme de subir un tel rabaissement, même dans les réserves, on tolérait leur accoutrement. Bien que dans les pensionnats on leur extirpât tout ce qui était indien, jamais on ne les avait encore à ce point ridiculisés en les maquillant en personnage insignifiant, rabaissés au rang de rien.
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Relevant instinctivement la tête, il surprit un aigle royal qui planait paisiblement dans le ciel sans nuages, son ombre courant sur les eaux du lac. Le garçon sentit venir en lui une grande paix. La peur qu’il ressentait alors, à lui donner la nausée, s’était instantanément effacée.
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