Tu es comme lui, reprit l’Éveillé, la flèche des vues fausses, enduite du poison de la convoitise et de l’orgueil, a percé ton esprit. Je veux t’arracher cette flèche, à toi qui es mon disciple. Mais tu refuses que je te l’enlève, tu veux chercher à savoir si le moi est éternel ou temporel, le monde fini ou infini, et quoi d’autre encore ! Tu ne trouveras pas ce que tu cherches, mais tu y perdras la sagesse. Tu mourras comme un animal et seras précipité dans les ténèbres.
Un des éléments clés de la doctrine prêchée par le Bouddha se nomme « la Voie du milieu ». Une des préoccupations de cet enseignement est de proposer une pratique qui tente d’échapper à la théorisation outrancière et à l’accumulation argumentative, afin d’assurer avant tout la délivrance de l’existence et des douleurs qui l’accompagnent. Seul ce salut l’intéresse. Mais les esprits se perdent et s’épuisent en tentant de déterminer la vérité objective des choses, en commençant avec la réalité du « moi », pour savoir s’il existe ou non en lui-même, ou s’il demeure identique entre ses diverses existences. À ces questions métaphysiques, le Bouddha offre toujours en guise de réponse une sorte de « ni oui, ni non », qui peut être considérée comme une forme d’agnosticisme. De même, il refuse tant la complaisance de l’opinion commune que les excès des ascètes, proposant là encore une voie moyenne.
Le troisième moine est surpris par le discours du maître, qui ne lui semble pas logique car il se contredit. La logique est la science ou l’art du raisonnement. Ainsi, est logique une personne qui raisonne bien. Ou encore une proposition, un discours construits selon les règles de l’art, qui n’en transgressent pas les interdits. La logique classique, dont l’origine remonte à Aristote, se fonde sur quatre règles de base. Le principe d’identité qui établit qu’une chose est ce qu’elle est, et pas autre chose. Le principe de non contradiction qui interdit d’affirmer de la même manière une chose et son contraire. Le principe du tiers exclu qui détermine qu’entre deux propositions contraires, il ne se trouve pas d’intermédiaire. On peut aussi en tirer l’idée qu’entre deux propositions contraires, de manière nécessaire, l’une est vraie, l’autre fausse. Et le principe de raison suffisante qui affirme que rien n’est sans raison : tout ce qui est a une raison d’être, tout ce qui n’est pas a une raison de ne pas être, que l’on connaisse ou non ces raisons.
Oscar Brenifier | Quatre enfants philosophent