En fait ce qui caractérisait ces premiers mois de guerre, d'occupation ennemie, c'était surtout pour la population, la survenance d'immenses problèmes matériels de toutes sortes : les actes les plus ordinaires engendraient des difficultés monstrueuses...p.23
Retournez-vous discrètement et souvent, marchez à bonne distance, si vous remarquez que quelqu’un vous dévisage d’une manière trop insistante, quittez la rame juste avant le démarrage. Et courrez en sortant sur le quai. Faites attention au portillon automatique, aussi. Son franchissement au dernier moment peut vous sauver. Autre chose : les agents de la police ou ceux de la Gestapo portent souvent des cirés noirs. Méfiez-vous des Tractions-avant, elles peuvent être des voitures de flics, de mouchards. Ce sera tout pour cette fois. On vous recontactera plus tard, à votre travail, sous un prétexte superficiel, bien sûr…
Éprouvait-elle du dégoût, un soupçon de réticence à pénétrer cet univers, à impliquer sa vie d'une manière on ne peut plus voyante, dans cette démarche ? Anne Laroche ne se posait plus de questions depuis juin 1940, et jusqu'à preuve du contraire, il n'y avait pas de motifs fondés pour remettre ces orientations en question ; elles étaient efficaces, elles faisaient leurs preuves...
L'heure était à l'abandon, à tous les sens du terme.(p. 36)
Instaurer une étanchéité totale, un cloisonnement irréprochable, une séparation de tous les instants entre ces vies, changer de rôle : petite vendeuse modèle dans la journée, amante délicieuse avec René le soir, membre d'une organisation non encore identifiée le reste du temps...( p.45)
Une autre circonstance le frappa : les cloches de Paris sonnaient toutes ensemble le tocsin, pour fêter la libération de la ville. Damien Rubot dut essuyer les larmes qui coulèrent sur son visage : lui, athée, pur produit d’une éducation dont la religion était absente, était bouleversé par ce fond sonore désormais associé pour toujours dans son esprit à la libération de Paris.
C’était enfin un visage, une silhouette qui commençait à être connue des Français. Damien Rubot crut remarquer que durant le défilé sur cette artère, le général de Gaulle se tenait en avant de la première rangée de manifestants composée de ses ministres, et collaborateurs immédiats. Était-ce pour des raisons de protocole ?
C’était peu probable, car le fonctionnement régulier des institutions de la République était loin d’être rétabli. Pour marquer sa prééminence, ou pour illustre les retrouvailles avec la France, qu’il allait, peut-être, incarner ? Pour signifier que celle-ci ne l’avait jamais vraiment quitté ?