Un livre qui tient le lecteur en état permanent de curiosité gourmande. Le comportement du personnage, Philipp, bien qu'irrationnel, reste toujours crédible, car alimenté à bon escient et remis en question au fil de son évolution, de même que le lecteur pourrait être tenté de le faire.
L'auteur imbrique au sein de son intrigue des observations sociologiques, la voix du narrateur, des épisodes anecdotiques et l'irruption de personnages occasionnels qui stabilisent le socle réaliste sur lequel tangue le personnage, colorent le cadre dans lequel il se débat, le tout avec une fluidité qui enraye la lassitude.
Étonnant d'avoir réussi un roman de 160 pages avec un sujet dont peu auraient pu tirer davantage qu'une nouvelle. Une écriture proche de celle de Jean-Philippe Toussaint, de même que l'absurdité de la situation générant l'intrigue.
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Le destin d'un homme bascule parce qu'il a suivi dans la rue une jeune femme qui lui faisait signe.
Lire la critique sur le site : LeFigaro
Le romancier et dramaturge suisse Lukas Bärfuss décrit l’errance urbaine d’un homme établi, décidant de tout sacrifier pour suivre une inconnue croisée dans la rue.
Lire la critique sur le site : LaCroix
Il vit les gens avec lesquels il partageait la ville, vit les hommes d’affaires aux joues rasées, les secrétaires dans la fraîcheur de la fin de journée, chargées de camelote chinoise dont elles garniraient leurs piaules en banlieue, vit le bonheur sur leurs visages. Il sentit les adolescents qui puaient la taurine et le sperme, vit leurs yeux pleins d’espoir, enivré d’illusions – ils ne savaient pas qu’ils étaient pris au piège depuis longtemps, asservis depuis longtemps aux contrats de crédit. Et il vit une caissière grassouillette pendant sa pause cigarette, vit sa peau suiffeuse et sentit son désir insatisfait dont seul un doigt manucuré, le sien, la délivrerait momentanément ; il la vit piquer furtivement, entre deux bouffées, des pralines italiennes à la liqueur dans les poches de son tablier en polyester et les glisser dans sa bouche – pour soudain, en sentant le goût du filtre brûlé, sortir de son rêve éveillé et l’écraser comme le mégot de sa cigarette terminée.
On ne sait pas si Philip avait déjà suivi une femme au petit bonheur pendant ses balades à travers la ville, s'il s'adonnait consciemment et intentionnellement à ce jeu interdit. Car c'était défendu, peut-être pas au regard de la loi, mais des bonnes mœurs. Même si la fille ne remarquait pas son poursuivant, c'était inconvenant, du harcèlement, et si Philip voulait justifier son acte, il ne devait pas tarder, à la première occasion, à se faire connaître. Rester dans l'ombre d'une femme, l'étudier en cachette, contempler son corps, ses mouvements tandis qu'elle faisait ses courses, se délecter de sa candeur était peut-être fascinant, mais c'était dépravé et ça ne se faisait pas.
Lukas Bärfuss présente "Le carton de mon père – Réflexions sur l'héritage", en librairie dès le 2 février 2024.
À la mort de son père, il y a vingt-cinq ans, Lukas Bärfuss refuse l'héritage, constitué essentiellement de dettes. Il ne garde qu'un carton, rempli d'une triste paperasse. Quand, à la faveur d'un grand rangement, il l'ouvre et passe en revue ce qu'il contient, c'est toute son enfance précaire qui défile.
À la lumière de la Bible, Darwin, Claude Lévi-Strauss ou Martine Segalen, l'écrivain décortique les notions de famille et d'origine, ces obsessions dangereuses de notre civilisation. Il en profite pour évoquer les "biens jacents", ces biens sans propriétaires que sont les océans, les animaux sauvages, et surtout les déchets. Dans cet essai qui est sans doute son livre le plus personnel, Lukas Bärfuss démontre une fois encore son esprit critique acéré.
https://editionszoe.ch/livre/le-carton-de-mon-pere
Réalisation: Fran· Gremaud
Tournage réalisé dans les locaux de la HKB Berne
Avec le soutien de Pro Helvetia
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