Merci à Babelio et aux éditions Solus Locus pour la bande-dessinée de Briac «
Armen 43 » reçu comme cadeau de Noël
1943. Seconde guerre mondiale. Bretagne. Finistère. le phare de l'
Ar-Men, à l'ouest de l'île de Sein.
Ar Men signifie « le rocher » ou « la pierre » en breton et ce phare porte bien son nom : il est comme un immense menhir du haut de ses 37 mètres (il aura fallu 34 ans de labeur et de sueur, à contrer les déferlantes, pour ériger enfin ce phare en 1881). Il sera surnommé « l'enfer des enfers ».
Dans le monde des gardiens de phares, il existe (ou existait) trois types de phare. « le paradis » pour les phares construits sur la côte, « le
purgatoire » pour ceux construits sur une île (plus ou moins proche du continent) et enfin « l'enfer », en pleine mer où le gardien subit l'isolement et les tempêtes.
En 1943, la France est occupée et les allemands se sont installés également dans ce phare, imposant aux deux gardiens, d'allumer le feu uniquement à l'approche d'un navire allemand.
Le narrateur est Fanchec, un des gardiens bretons. Un des 3 allemands, le lieutenant Kloetz, va commencer à lui parler au fur et à mesure que les jours s'écoulent. de fait de discussions il s'agit plutôt de longs monologues car Fanchec évite de répondre, tout d'abord par « résistance » mêlée de crainte. Peu à peu, on comprend qu'une sorte de relation se tisse entre les deux hommes (le mutisme m'a fait penser « Au silence de la mer » de Vercors).
Tout au long de l'histoire, j'ai apprécié l'insertion de références comme autant d'hommages (notamment au poète breton
Max Jacob, Abraham et son journal de bord «
Armen » ou encore à Bruno le Floch, décédé en 2012). Probablement qu'en les saisissant lors de la lecture, on a l'impression d'être plus proche de l'auteur ou des protagonistes français, d'autant plus lorsqu'on apprécie ces références.
Briac y sème aussi quelques faits historiques : comme, lorsqu'en 1941, un des gardiens a sauvé un des soldats allemands de la noyade qui, après avoir tiré sur un cormoran, s'était jeté à l'eau pour le récupérer ; ou encore en parlant des hommes de l'île de Sein qui ont rejoint en 1940 la France libre à Londres. Sûrement qu'en pensant à mes grands-parents à la même époque, à celui qui a été fait prisonnier jusqu'à la libération, ce n'était pas tout à fait par hasard que j'étais intriguée par cette bande-dessinée.
Il y a bien eu quelques expressions (bretonnes ?) que je n'ai pas saisies (et je ne parle pas des jurons en langue bretonne pour lesquels je n'ai pas eu besoin de traduction), sans parler des ordres des officiers allemands. Si cela permet de mieux rendre l'atmosphère lourde de l'occupation, cela a un peu cassé la fluidité de la lecture (la traduction de l'allemand se trouvant en fin de BD).
Les traits des personnages sont sombres, les yeux cernés de noirs au point de rendre les visages peu amènes (qu'ils soient français ou allemands). Mais là encore, on ne peut trop le reprocher compte tenu de la période et de ce huis-clos dans ce lieu stratégique pour la marine de guerre allemande.
La préface de l'historien du 9ème art,
Brieg Haslé-Le Gall, ainsi que le texte d'Erwan le Gall, docteur en histoire contemporaine, en fin de BD ajoutés aux planches, croquis et photos de gardiens et de ce phare légendaire sont les petits plus de cet ouvrage que le lecteur appréciera.
Briac avait déjà édité cette histoire sous le titre d' «
ArMen » en 2008 que je n'avais pas lu à l'époque. Cette nouvelle édition contient des planches supplémentaires et un nouvel épilogue.
Les phares et particulièrement le mythique
Ar-Men semblent aimanter certains artistes. Si l'on reste dans l'univers de la BD, Briac n'a pas été le seul à avoir eu des envies de croquer quelques phares. On pense notamment à Lepage,
Chabouté ou encore le Floc'h... Et il nous suffit de regarder les magnifiques planches du phare en pleine tempête, tels des photos, que nous offre cet auteur pour comprendre sa fascination.