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Critique de clairejeanne


André Brink, écrivain sud-africain blanc engagé contre l'apartheid (1935 - 2015), auteur entre autres du prix Médicis étranger 1980 "Une saison blanche et sèche" raconte ici l'histoire de Philida, esclave attachée au domaine de ses ancêtres appelé Zandvliet, situé dans la région du Cap, où elle fut tricoteuse.
L'écrivain a découvert que son maître ou baas, Cornelis Brink, avait vendue Philida aux enchères alors qu'elle avait eu quatre enfants avec son propre fils, François Brink.

Plusieurs familles sont présentes dans le récit, mais c'est surtout des Brink dont on parle ; le père autoritaire mais pas si mauvais, plutôt englué dans une époque et une éducation rigide ; la mère obèse, prisonnière elle aussi de son statut. Ce sont eux les véritables esclaves de cette société archaïque. Il y a aussi une vieille esclave, Petronella, qui avait été affranchie et possédait une pièce et des biens à elle ; c'est elle qui a éduqué Philida enfant, elle qui sait quelques bribes de son passé...

L'histoire commence en novembre 1832, soit un an avant la fin de l'esclavage en Afrique du Sud (1833 dans les colonies britaniques) ; l'esclave Philida raconte qu'elle s'est rendue au bureau du protecteur des esclaves de la petite ville de Stellenbosch pour déposer plainte contre son baas Frans qui lui avait promis de l'affranchir si elle couchait avec lui : "Il promet qu'il achètera ma liberté au landdrost. Au gouvernement. Mais maintenant au lieu d'acheter ma liberté, il veut partir loin de moi... On raconte qu'il veut marier une blanche. Pas une esclave ou une Khoe mais une de sa race. Alors maintenant il veut me vendre dans le nord du pays". (p 19)
Frans (François), le fils du maître, semble amoureux de l'esclave Philida ; mais bien sûr on n'épouse pas une esclave et son père ayant de graves soucis d'argent, il a promis lâchement d'épouser une demoiselle riche...
De découvertes en secrets de famille, de présentations des moeurs de l'époque (avec quelques horreurs...) en cheminement de Philida vers l'affranchissement, cette histoire est le récit de l'évolution d'une femme intelligente, déjà libre dans sa tête, si ce n'est dans son corps puisqu'elle va pieds nus : "De ça surtout je me rappelle : des souliers aux pieds. Ce qu'il dit sur les souliers, il promet dès le tout premier jour. Parce qu'il savait, comme moi je savais, comme tout le monde savait, que l'homme et la femme chaussés, ils peuvent pas être esclaves, ils sont libres : les souliers c'est signe qu'ils sont pas des poules ou des ânes ou des porcs ou des chiens, ils sont des gens." (p 26)

Kleinkat, la petite chatte, accompagne joliment le récit, symbole d'une certaine liberté mais aussi de la dépendance affective et matérielle dont il est difficile de se défaire...

Que penser des douleurs de l'esclavage quand on apprend que des femmes pouvaient tuer leur nouveau-né pour qu'il ne connaisse pas justement cet état ?

Un très beau récit, drôle et triste, qui contient quelques contes expliquant la vie, et qui a d'autant plus de profondeur et d'écho chez le lecteur, que c'est - reconstituée - une histoire vraie !

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