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Critique de Adaorardor


Dans les yeux des autres de Geneviève Brisac est un roman dont les points cardinaux sont Nord-Sud-homme-femme, les narrateurs vous et moi (plus Yeats, Éluard et d'autres poètes), la ponctuation la famille, un roman où l'amour va en justice, le passé se met à parler et des cahiers retrouvés à réverbérer la liberté dans toutes les couleurs du langage. C'est un grand livre qui restera mais ce n'est pas une raison de ne pas le lire tout de suite. Vous rencontrerez Anna, Molly, leur mère Mélini, leurs amants Marek, Boris, Karim (noter les consonnes douces des noms féminins, le r qui tient lieu de coeur battant pour les noms d'hommes – tout, dans cette écriture précise et parlante, fait sens), et vous ne saurez plus vous passer de leur compagnie. Cela arrive souvent avec les oeuvres de Geneviève Brisac. Elle écrit du vivant ! Pourtant, le présent n'est pas le plus favorable à ces personnages-là. Ils ont fait la révolution, ils ont gagné et surtout perdu, on ramasse les morceaux et observe la logique des destinées : la vie continue. « La vie ordinaire mais écrite, comme disait Gustav Flaubert. » Écrite, voilà la clé. Sauvegarde et mise en lumière, soumettre le temps au rythme des mots, à cette implacable vibration. Vais-je oser dénombrer tous les personnages « secondaires » ? Un splendide florilège, des sans-papier protégés par Boris aux patients de Molly (médecin), des oncles agresseurs aux agents littéraires agressifs et un marabout que j'aimerais consulter, sachez qu'ils ont tous, ici, des droits. Ils peuvent être vrais. Ce ne sont pas des silhouettes. La figure de l'auteur non plus, par bonheur, elle se donne, elle n'abandonne pas son livre à sa simple écriture, elle l'annote, elle le commente, le questionne en cours de route, elle se relit par-dessus notre épaule et l'on entend alors son rire. Dans cette rentrée 2014, je n'ai eu l'occasion de lire aucune critique dans aucun journal qui daignerait accorder une seule ligne à la qualité littéraire d'un ouvrage. Je ne parle pas des détestables petites étoiles (marquer 5 en l'occurrence me paraît largement en-deçà de ce que j'estimerais juste). Mais comment c'est fait ? Quelles innovations, quelle modernité, post-modernité ou péri-modernité, méta-modernité, ce que vous voudrez ! Mais parlons-en. Dans les yeux des autres renouvelle la boîte à outils de la narrativité avec allégresse, distribuant la parole si largement, si généreusement, si démocratiquement, que je suis sûre qu'une de vos propres phrases les plus personnelles y figure. Au moins une. Je, tu, nous, vous, ils, elles et j'en passe, tout le monde intervient – et l'Histoire (des années 70-80) déploie son scénario. Conjuguer avec une telle liberté l'intime et le collectif (le collectif de l'intime et l'intime du collectif), rien que pour cela, c'est un livre-événement. le sang bat plus fort dans mes artères, ça va vite, ça se lit vite, trop vite – mais déjà, je le rouvre.

Ci-après : le lien vers la critique du Monde par Nils Ahl.
Lien : http://abonnes.lemonde.fr/li..
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