J'ai reçu ce livre lors de la Masse Critique Littératures de janvier, et j'en remercie Babelio ainsi que les éditions "La nage de l'ourse" Il s'agit d'un premier roman d'une jeune auteure de 20 ans, sensibilisée à la cause des mineurs migrants après un service civique accompli en 2018 qui lui a donné l'occasion de les côtoyer. Elle a donc décidé de leur consacrer ce récit, offrant son écriture pour leur donner une voix.
Nous suivrons Kamila, son frère Mylo, et leurs cousins Cléo et Sofia pendant cinq longs mois d'errance entre la Bretagne, (où ils vivaient avec leurs grands-parents jusqu'à l'arrestation de ceux-ci), et Paris où ils tentent de passer inaperçus afin de ne pas finir dans un camp de migrants, condition encore moins enviable que leur difficile quotidien. Kamila, l'aînée, a 17 ans et tente de préserver tant bien que mal l'unité de sa petite tribu. Mais les petits boulots qu'elle parvient à trouver ne suffisent pas à les nourrir et à payer le loyer de leur minable soupente. On est à Paris, et les marchands de sommeil ne font pas de cadeaux. Mylo, accompagné de son cousin Cléo, va trouver d'autres sources de revenus, plus lucratives mais plus risquées. Mais à tout moment le fragile équilibre risque de basculer, et les enfants craignent de se faire repérer et arrêter comme le reste de leur famille...
L'idée est intéressante, raconter la vie de ces jeunes qui souvent n'ont plus de famille et se retrouvent à la dérive part d'un bon sentiment. Et il y a certainement dans les villes européennes de nombreux jeunes perdus comme ces quatre-là, qui échappent aux organismes chargés de les aider en les scolarisant et en leur assurant des conditions d'existence décentes, au moins jusqu'à leur majorité. Il se trouve que je connais bien ce public, ayant moi-même travaillé dans plusieurs lycées professionnels qui accueillaient nombre de ces migrants, en provenance d'Afrique, d'Europe de l'Est ou du Moyen-Orient. Récemment encore, un de mes proches collègues était confronté quotidiennement à la recherche d'hébergements pour les jeunes dont les foyers ou les hôtels ne voulaient plus à partir de leur majorité. On imagine mal les difficultés multiples auxquelles ces jeunes sont confrontés, nous trouvons parfois la bureaucratie française lourde à faire bouger, imaginons si nous ne comprenions rien du tout à ses formulaires, si nous parlions à peine la langue française, et si en plus nous étions considérés avec méfiance par tous nos interlocuteurs. C'est leur quotidien, mais heureusement qu'il y a des éducateurs et des professeurs dévoués qui tentent de les aider à surnager.
Dans l'histoire racontée par
Elise Brisou, la réalité est quelque peu différente, les enfants maîtrisent bien le français et peuvent passer pour des "locaux". Et Kamila ne songe même pas à faire appel à une aide quelconque, elle semble obsédée par l'idée de "se fondre dans la masse", quitte à les mettre tous en danger, ce qui va bien sûr se produire. J'avoue ne pas avoir très bien compris ce parti-pris, et encore moins à la fin quand certains "détails" sont révélés.
J'en viens maintenant à la partie la plus difficile de cette critique. J'ai toujours de gros scrupules à avouer que je n'ai pas été conquise par une lecture, et là d'autant plus qu'il s'agit d'un premier roman dont l'auteure est très jeune. Mais je crois que justement elle peut vraiment progresser et nous offrir dans quelques années des écrits plus aboutis, dans un style épuré et débarrassé de ses maladresses actuelles. Parce qu'il faut bien le dire, il est lourd ce style, j'ai bien souvent levé les yeux au ciel ou sauté quelques lignes. Pléthore d'adjectifs, d'adverbes et de superlatifs pour décrire n'importe quelle situation, mais par contre le flou total en ce qui concerne les informations les plus basiques. On parvient à peine à deviner que la famille est originaire de l'Irak, on ne sait rien du devenir de la plupart des personnages, et certaines situations m'ont fait sourire malgré leur apparence tragique, par exemple quand Kamila envisage d'aller ramasser quelques grandes pierres pour les faire chauffer dans leur unique poêle pour les réchauffer un peu (en plein Paris, alors qu'elle a un revenu, même s'il est faible, des couvertures et un toit). Bref il i y a un certain nombre d'invraisemblances dans le texte qui hélas décrédibilisent un peu l'intention fort louable de l'auteure, qui souhaitait rendre plus visibles ces jeunes mineurs migrants que beaucoup croisent sans les voir. Je ne souhaite pas enfoncer le clou, c'est d'ailleurs la raison pour laquelle je ne donnerai pas de note, mais j'ai clairement été déçue par cette lecture alors que le sujet me tenait particulièrement à coeur.
Rendez-vous d'ici quelques années peut-être ?