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Elisabeth Brisson (Autre)Jérôme Thiébaux (Autre)
EAN : 9782340040632
742 pages
Ellipses (17/11/2020)
4.67/5   3 notes
Résumé :
Cette histoire de la musique est un récit chronologique, une histoire qui se raconte à partir des grandes périodes historiques, repères partagés par tous, au-delà de l'histoire de l'art, mais aussi une mise en contexte de la musique, des pratiques musicales, de la sociologie de la musique, au regard des événements, dans le cours de l'histoire, mais encore un point de vue à partir d'oeuvres de référence, connues ou peu connues. Chaque oeuvre, chaque composition est p... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Livre reçu dans le cadre de l'opération Masse Critique.

C'est d'abord une somme impressionnante. À travers ces sept cent quarante pages, Elisabeth Brisson et Jérôme Thiébaux retracent l'histoire de la musique occidentale vue sous différents angles : historique bien-sûr, mais aussi sociologique, anthropologique, religieux ... Organisé en six parties chronologiques, chacune divisée de quatre à huit chapitres, ce livre, même s'il s'en défend, présente un caractère presque encyclopédique par l'exhaustivité de son approche du thème proposé. La musique, ici, est vue comme un prisme au travers duquel se révèlent les époques et les hommes. Depuis les techniques musicales jusqu'à l'étude de chefs-d'oeuvres symboliques de leur époque en passant par l'étude de la musique comme marqueur social ou comme instrument des pouvoirs politiques, c'est un panorama presque entier de la musique occidentale qui est proposé.

La musique, en tant qu'art de la production et de la combinaison des sons, a ses techniques et ses codes. Techniques variées, bien-sûr, depuis les rudimentaires rhombes tournoyantes jusqu'aux incroyables complexités des compositions polyphoniques de la fin du Moyen Age en passant par les majestueuses orchestrations des pièces des époques modernes et contemporaines. Par sa codification - sa technique d'écriture, propre à chaque époque -, elle vise à répondre à telle ou telle conception de l'harmonie. C'est l'évolution du goût, et les nouvelles exigences attribuées à la musique, qui pousse à modifier sa codification. On pense notamment à l'apparition de la notation à l'époque carolingienne, qui permet une complexification des pièces musicales, laquelle sera remise en cause à partir du moment où le but - celui de la musique, au Moyen Âge et à la Renaissance, est encore de servir la gloire de Dieu - est relégué derrière la recherche esthétique pure. A l'époque moderne, ce sont des formes nationales de musique qui apparaissent, comme en France avec la tragédie lyrique et, au début du 20ème siècle, la recherche musicale s'oriente vers des formes davantage choquantes pour l'opinion publique, à l'image du Sacre du Printemps de Stravinsky : la musique et la danse rompent alors avec les attentes du public dans une liberté presque absolue du compositeur. La musique n'est alors plus codifiée selon une attente prédéfinie - convenir au goût du public, adorer un Dieu, servir un prince - mais selon une seule volonté, celle du compositeur.

L'expression "de tous temps", bien qu'abhorrée par les historiens, trouverait bien ici à être employée pour d'abord désigner la musique comme une expression essentiellement artistique. Artistique, donc consubstantielle à l'Homme, et dont les instruments, d'abord trouvés dans la nature (avec les stalagmites des grottes) se perfectionnent avec le temps. Dès l'Antiquité, la musique apparaît d'abord comme un facteur de cohésion sociale. Chez les Grecs, elle est un pilier de l'éducation civique et fortifie la démocratie. La musique - comprise au sens large - définit la cohésion culturelle du monde grec à travers ses manifestations (le théâtre) et ses mythes (Orphée notamment). Ce rôle de cohésion culturelle, la musique le conserve à Rome avec les jeux, et jusqu'au 20ème siècle avec le IIIème Reich : le régime nazi use de la musique comme média de sa propagande d'exaltation du peuple allemand, notamment à travers le Carmina Burana de Carl Orff. La pratique de la musique répond donc à des besoins précis des hommes à travers les siècles. Communication avec le divin, où la musique prend des airs de connexion magique avec les puissances supérieures, cohésion sociale au sein d'une polis plus ou moins étendue, de la cité grecque à la société de loisirs américaine en passant par la chrétienté médiévale, divertissement esthétique et quête intellectuelle pour les sociétés modernes et contemporaines : la musique, par essence humaine, répond donc à des besoins précis, sans que ceux-ci soient strictement séparés : les oeuvres de Bach témoignent tant de la foi protestante que de la quête d'un absolu esthétique ; le West Side Story de Bernstein est tant un symbole de la comédie musicale qu'une mise à jour d'un monument littéraire shakespearien.

La musique a ses acteurs. Musiciens, chanteurs ou puissants, ils font et dirigent les mélodies qui les animent ou les servent. Comme les autres médias artistiques, la musique est un instrument de pouvoir politique. L'artiste, qui acquiert ce statut à la Renaissance seulement, dépend d'un puissant, qui l'est parce qu'il a l'autorité sur les autres, parce qu'aussi, il détient une richesse. Cette richesse sociale et financière lui permet de bâtir sa propre gloire, fondée sur les arts, et qui lui assure par là-même la continuité de son pouvoir. Depuis le triomphe romain qui célèbre la victoire d'un général jusqu'aux cours princières de la Renaissance et de l'époque moderne, la musique est un art au service d'une vision du monde. le général romain vainc les peuples ennemis et on le glorifie au son des tibia, des tuba et des cornu. Les princes, eux, ont besoin d'une gloire qui les légitime et les immortalise : Monteverdi compose au début du 17ème siècle une Favola d'Orfeo censée dépasser en gloire et en beauté l'Euridice de Rinuccini que le duc Vincenzo de Mantoue a écouté à Florence. L'Église aussi utilise, dès le Haut Moyen Âge, les ressources du chant grégorien pour éblouir et s'affirmer comme le médiateur unique entre les hommes et Dieu, à une période où il n'y a rien en dehors de Lui. Durant la Contre Réforme, les pièces composées par Palestrina entrent aussi au service de l'Église et d'un nouveau paradigme de la religion catholique.

S'il y a de la musique, il y a des musiciens. Leur statut social évolue tout au long de l'Histoire. D'abord exercée par tous les hommes de la cité dans la Grèce antique en tant qu'élément de civisme, la musique se professionnalise à Rome. Elle devient ensuite l'activité des hommes d'Église au Moyen Âge, car la musique touche au divin. Fait rare dans l'histoire de la musique, c'est la voix, et non l'instrument, qui est la seule source de musique. Mais chantres et chanteurs demeurent anonymes au Moyen Âge. Il faut attendre la fin de cette période pour voir apparaître les premières individualités reconnues comme telles. le musicien devient compositeur, dont on paie le travail mais aussi la réputation. Des maîtres supposément indépassables apparaissent, tels Josquin des Prés à la fin du 15ème siècle, Giovanni Palestrina au 16ème puis Johann Sebastian Bach au 18ème.

En tant que fait social, la musique, évidemment, n'est pas réservée à une élite politique ou financière. Comme tout marqueur social - les bonnes manières, par exemple, ou la mode vestimentaire -, la musique définit celui qui l'écoute, l'inscrit dans un contexte social. Les opéras donnés à l'opéra Garnier, sous Napoléon III puis la IIIème République, racontent le triomphe de la bourgeoisie. Donc, si la musique définit les femmes et les hommes, elle définit aussi les époques. En ce sens, l'ouvrage revient sur plusieurs compositions symboliques de leur époque. La musique, alors, dépasse les frontières de sa seule partition pour embrasser son temps. Trois exemples suffiront, ici, à le démontrer, parmi la multitude abondamment développée dans le livre. Étudions d'abord Idomeneo (1781) de Mozart qui constitue le sommet du genre de l'opera seria. Ce genre domine l'Europe musicale - hormis la France - durant presque deux siècles grâce à une exaltation des sentiments et à une production standardisée, strictement codifiée et mettant en valeur un chanteur vedette que les places européennes s'arrachent alors. Dans Idomeneo, les sentiments les plus forts - disons, les plus baroques - se succèdent les uns aux autres, depuis la lamentation jusqu'à la fureur, en passant par l'amour exalté ; Mozart, en même temps qu'il écrivait l'acmé du genre, le renouvelait par touches subtiles pour, finalement, l'achever. Considérons maintenant Nabucco (1841) de Verdi, compositeur phare du Risorgimento italien. L'oeuvre est symbolique de son temps pour deux raisons qui se combinent l'une à l'autre. le Va Pensiero du choeur des Hébreux est une pièce musicale reprise et fredonnée par de nombreux Italiens de toute classe sociale, qu'ils aient vu l'oeuvre de Verdi ou qu'ils y aient eu accès par le biais des sociétés philharmoniques urbaines. L'opéra, et notamment le sens du texte du Va Pensiero, a aussi un poids politique considérable : d'abord parce que le chant d'une oppression fait écho à la situation italienne, sous domination autrichienne notamment ; ensuite parce que le fait que les Italiens le connaissent, et le chantent, contribuent à donner une cohésion à un pays en devenir : l'Italie s'unit autour de Verdi. Il suffira de terminer par Rhapsody in blue (1924) de Gershwin, qui témoigne de deux nouveaux aspects pour la musique au 20ème siècle. le premier, c'est la place nouvelle tenue par l'Amérique dans l'horizon culturel mondial. le deuxième, c'est évidemment l'intégration d'une musique originellement servile - à savoir le jazz et le blues - dans la culture musicale des élites. Là aussi, la musique joue un rôle de facteur de cohésion culturelle et sociale puisque les États-Unis sont encore, à cette époque, une jeune nation.

Si le livre est d'une densité remarquable, on pourra toutefois regretter que les auteurs ne se soient intéressés qu'à la musique instrumentale et non à la chanson, qui est une forme populaire de la musique, particulièrement pour le 20ème siècle. Il aurait été certainement intéressant de montrer les liens qui unissent, par exemple, la musique baroque ou le jazz symphonique à des styles contemporains, tels que le rock ou la musique electro. Pourtant, cette musique populaire répond aussi à des besoins, elle a des codes, elle a ses acteurs et elle est source de symboles pour l'époque qu'elle traverse. Songeons seulement au rock dans les années 1960 ou au rap dans les années 1980-90. Évidemment, un tel ouvrage, aussi complet, doit être salué. D'abord parce qu'il existe, et que les ouvrages de vulgarisation traitant de l'histoire de la musique sont rares. Ensuite, parce que c'est bien la musique qui est au centre de la réflexion. La forte place occupée par les analyses d'oeuvre le prouve assez. L'étendue de l'étude, enfin, depuis les pratiques et les codes jusqu'aux acteurs et aux symboles que révèle la musique, livrera à tout lecteur quelque peu intéressé des pistes de réflexion qu'une bibliographie assez nourrie satisfera.
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Mon envie première lorsque j'ai fini cet ouvrage, fut de le relire.
Il est en effet dense et très complet dans le déroulé de l'histoire de la musique mais pas seulement.
C'est un bouquin qui peut se lire dans tous les sens: par chapitre, par paragraphe, de la 1 ère à la dernière page ou bien l'inverse.

J'en ai fait une première lecture basique mais je souhaite le relire en prenant le temps d'écouter chaque oeuvre citée.
Les parties qui décortiquent plus précisément les oeuvres, ne sont pas rébarbatives et permettent une analyse succincte mais efficace pour les novices de la musique.
Étant professionnelle dans ce domaine, cela ne m'a pas empêché de trouver des parties plus techniques satisfaisant ainsi mon besoin de connaissances musicales.
Un ouvrage que je recommande à mettre entre toutes les mains afin d'élargir son horizon musical en s'appuyant sur L Histoire.
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Ce documentaire très complet retrace de manière chronologique l'histoire de la musique occidentale, des traces trouvées à la Préhistoire jusqu'à l'époque contemporaine. On y trouve également dans les dernières pages une brève biographie des compositrices et compositeurs ainsi qu'un glossaire regroupant les principaux termes à connaître.

C'est un documentaire que l'on peut lire de la première à la dernière page ou que l'on peut picorer selon ses envies. Il est extrêmement complet et bien documenté, très intéressant. Chaque époque musicale est mise en lien avec la période historique et les principaux événements.

Merci Babelio et les éditions Ellipses pour ce moment de culture musicale qui m'a apporté de nouvelles connaissances !
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