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Critique de LeScribouillard


On est tombés bas, on est tombés bas… J'en sais rien, moi. Cavalier Vert était pas une très bonne série de high fantasy : rien d'innovant, rien d'extraordinaire, mais elle était sympa, elle faisait son job, et même dans ses bas, elle restait à un niveau convenable ; et puis est arrivé le tome 5… [sanglots]
IL NE SERT À RIEN ! À part rallonger une série qui en avait tout sauf besoin. Que Kirsten Britain ait voulu faire des suites au premier volume, je comprends tout à fait ; mais chacune d'entre elles apportaient quelque chose. Dans le deuxième, on voyait les conséquences de la fissure du mur de D'Yer et donc le retour de Mornhavon ; dans le troisième, ses disciples se rassemblaient autour de sa quasi-âme damnée, le personnage de Grand-Mère ; dans le quatrième, on découvrait comment stopper la brèche du Mur, et même si à part ça on nous bombardait d'arcs narratifs inutiles, on découvrait que les elfes étaient peut-être pas si reluisants que ça. Et puis dans le dernier quart du « Voile Noir », tout part en sucette : paradoxes temporels, les gentils et les méchants plus que jamais, du ta-gueule-c'est-magique à la pelle, et le cliffhanger qui nous amène à ce joli petit opus de trop. Mais même là, il y avait du bon, pour ne citer que ce qui se passe dans le monde des symboles ; mais badaboum, il fallait absolument que Karigan se retrouve catapultée 200 ans dans le futur. POURQUOI ?!
Alors, je sais : voir ce qui se serait passé si les ténèbres gagnaient notre monde sur le temps long, c'est une bonne idée, mais de toute façon, on a tous compris qu'à la fin elle va regagner le présent et tout modifier de façon à sauver la mise. Et détruire ainsi toute la société dont on nous dresse inutilement le portrait. Elle est jolie, l'idée de catapulter un personnage de médiéval dans un univers de gaslamp/steampunk (pas vrai, Anne Robillard ?), seulement à quoi ça sert quand c'est complètement dépourvu de personnalité et qu'on sait que d'ici 750 pages il n'aura jamais existé ? Mais si encore ça s'arrêtait là…
On est donc partis pour disséquer ce pauvre tome 5 qui n'avait rien demandé à personne. Alors autant vous dire que s'il vous a plu, arrêtez de lire maintenant, je suis trop énervé pour avoir pitié du moindre dérail. Et puis d'abord pourquoi est-ce que c'est Apophis qui a le monopole de la musique ajoutée à ses critiques ? Moi, j'ai des tas de machins électroniques dont j'adorerais rabattre les oreilles à tout le monde ! Alors, si vous voulez une musique qui soit raccord avec ce qui arrive à Karigan, cliquez là : https://www.youtube.com/watch?v=PjiKkCU7hk8, mais si vous voulez avoir une idée de l'état dans lequel l'auteure se trouvait en écrivant ça, cliquez là : https://www.youtube.com/watch?v=tDJhDfg2jCQ.
Oui, si encore ça s'arrêtait là ! Mais non, quitte à succomber à la mode de faire de la steampunk à tout prix, autant y aller à pieds joints. On ne suit quasiment pas d'autres personnages que Karigan de tout le roman. Du temps où on en voyait d'autres, au moins on pouvait suivre des intrigues qui nous plaisaient mieux que d'autre. Mais là, même pas. On nous montre ce monde pseudo-victorien dans le moindre détail, alors qu'on sait pertinemment que Karigan va provoquer un paradoxe temporel qui va empêcher son existence. Oui, évidemment, elle va recueillir des informations, sauf que désolé, mais elle aurait pu l'acquérir de tas de manières différentes, et c'était pas la peine de nous pondre un pavé pareil ! Surtout que dans le présent, ils ont déjà des objets pour lutter, et s'ils ont servi à rien… alors fallait pas écrire les deux tomes précédents !
Et bien sûr, on pourrait se dire aussi qu'à la fin du livre, cette intrigue va se joindre de manière pertinente au reste. Mais dès la première centaine de pages, vous avez compris que Britain a encore développé un arc narratif qui ne sert à rien au récit global. Parce qu'on connaît la musique, depuis le temps : qu'est-ce qui se serait passé si on avait enlevé les démêlés de Karigan avec son père ou le fait que Zacharie manque de clamser dans le tome 4, à part peut-être épargner quelques milliers d'arbres de la forêt amazonienne ? Et vous m'excuserez, mais c'est pas le fait que l'arc de Mont-d'Ambre soit mêlé à celui-ci qui change quoi que ce soit, étant donné que lui-même était amputable.
Les nouveaux personnages, en plus de ne servir à rien, sont souvent mauvais eux aussi. L'auteure parvient parfois à faire des personnages profonds et travaillés comme Karigan ou Fergal, mais quand elle n'y arrive pas, ou on a droit à des protagonistes blancs comme des lingettes, ou ce sont des antagonistes bouffis d'égosuffisance. Luke manque cruellement de relief, le personnage de Cade fait évoluer un peu vite sa mentalité et reste en-dehors de ça lui aussi assez plat, le docteur Soie est tout de suite catalogué dans les méchants très méchants… Et Arhys, bon sang ! Alors d'accord, pour « Le Dernier Elfe », j'avais défendu le droit d'un auteur à faire d'un de ses personnages un enfant pénible par souci de réalisme, mais là elle est tellement crétine que même la comtesse de Ségur se dirait : Oulah, ça part trop loin.
Alors ensuite, il y a les temps morts. Il y en a toujours dans un Cavalier Vert, mais là c'est le combo. Pendant des dizaines (voire des centaines) de pages, Karigan prend du thé, reprend du thé, Karigan pense à ceux qu'elle a laissés derrière elle, Karigan croise encore un bébé chat… Et pas une seconde elle ne se demande si en rentrant à son époque et en modifiant le passé, elle ne risque pas d'empêcher indirectement la naissance de ses nouveaux compagnons ! Autant vous dire qu'il a dû s'en mordre les doigts, de vanter une intrigue menée tambour battant annoncée en quatrième de couverture, Terry Goodkind...
Bah oui parce que Karigan, entre nous, elle nous donne un peu son avis sur tout et n'importe quoi, en plus de ça. Et on voit ce qu'elle pense pour absolument touuut et n'importe quoi ! Je suis bien conscient qu'elle débarque dans une nouvelle époque, elle n'a pas DU TOUT les mêmes opinions et la même culture, mais d'un autre côté, ce qu'elle pense d'un livre jeunesse ou du charisme d'un lanceur de couteaux, hein, QU'EST-CE QU'ON S'EN TAAAAAAPE !
Et puis il y a quelques passages sur l'île où a échoué Mont-d'Ambre, et là c'est l'explosion du compteur de TGCM ; mais le moment qui m'a fait le plus soupirer était Karigan faisant un scandale pour ne pas qu'on abatte un cheval alors qu'elle a quand même survécu à des champs de bataille ! C'est « Cavalier vert », oui, mais pas « Lili Clafoutis au Poney Club » !
Je m'emporte, je m'emporte. Simplement, je ne vois pas l'intérêt de faire tout ça. Pourquoi avoir voulu à tout prix introduire du steampunk ? Juste pour dire : « Ah, t'as vu, mon univers évolue, donc il est crédible ? » Alors qu'on aurait pu le faire dans une oeuvre à part ? Et pourquoi vouloir mettre des noms anglais à tout prix sans jamais nous expliquer d'où ils viennent ? Alors bien sûr après, il y a le prétexte de la critique de la société victorienne. Mais franchement, encore une fois, je ne comprends pas cet engouement de dénoncer un système sociétal injuste qui a été aboli depuis au moins un siècle quand il y en a tellement d'autres juste à côté de chez nous. Mais en plus, en terme de subtilité, ce roman est l'anti-Madame Bovary tellement il y va avec des gros sabots (de cheval, bah oui, normal on est dans Cavalier Vert !). Forcément au moindre écart, on tombe dans la caricature facile : oui, c'était une société sexiste, on a compris, mais à quoi peut servir ces histoires de voilette et compagnie qui viennent exacerber les traits ? Et évidemment, à la place des ouvriers, on a des esclaves, dont on se fout tellement que ça ne fait rien s'il en meurt une centaine (alors que ça doit quand même coûter cher de les acheter, donc il serait logique au moins de se préoccuper d'eux par intérêt économique). C'est du niveau de la dystopie Young Adult (mais je vous ai pas raconté le plus beau : les méchants sont des thug lifes, ils boivent de la LIMONADE)…
De toute manière, côté steampunk, Cavalier Vert n'a aucun intérêt : on reprend les vieux archétypes contre lesquels j'ai vraiment rien, mais alors rien du tout, seulement le problème c'est qu'on te les balance avec le moins de personnalité possible : les automates (OK, mais comment ils marchent ? « Ouais, ta gueule, on va dire qu'il reste un fond de magie et qu'ils marchent comme ça ! » Ah, ouais… Mais alors pourquoi s'embêter à les faire mécaniques ?), le cirque étrange et bizarre pas comme les autres qui s'avère très vite être un cirque étrange et bizarre comme tous les autres (alors oui, je sais, ça m'avait pas dérangé plus que ça, dans « Vagabonds et Insulaires » et pour « Les Voies d'Anubis », mais ça prenait très peu de place dans le premier, et pour le deuxième on sentait quand même que côté macabre et grotesque, l'auteur s'était vraiment défoulé)…
C'est d'autant plus grave parce que Cavalier Vert aurait effectivement très bien pu passer de high fantasy à un autre genre, mais pas n'importe lequel. Et, oui je pense qu'il aurait été un bon candidat à la dark fantasy. Ça ne serait vraiment plus la vision de l'œuvre que j'appréciais au départ, ça n'en aurait pas fait un excellent cycle, mais pourquoi pas ? Une petite ambiguïté morale commençait à se former autour de Stevic G'ladheon, les longues délibérations intérieures de Mornhavon dans le tome 2 montraient qu'il n'était pas entièrement le dark lord absolu, une ou deux scènes, sans l'être exagérément, restaient relativement hardcore, bref Cavalier Vert qui arrêterait d'être de la BCF, pourquoi pas ? On aurait une évolution des personnages bien plus forte, des questionnements poussés jusqu'au bout. Mais non.
Pourtant, vers la deuxième centaine de pages, j'avais fini par avoir un espoir. Les révélations arrivaient de la pire manière qu'il soit, mais au moins on avait enfin des rebondissements. On apprend que l'empereur ophidien n'est pas Mornhavon ; même si ça se flairait à des kilomètres, c'est vrai qu'on ne s'attendait pas non plus à ce que ce soit Mont-d'Ambre. Mais qu'est-ce que ça vient faire avec les Arcosiens ? Encore une fois, je le répète, il n'y a aucun intérêt de rallonger le récit en ajoutant des ennemis en plus. Et même dans ce cas, ça ne nous apprend pas ce qu'ils sont devenus. Mais soit. Ensuite on apprend qu'Arhys est l'héritière de Sacoridie. Ma foi, pourquoi pas ? Ça expliquerait pourquoi Josston doit s'occuper de ce sale mioche ! Seulement, il l'apprend à Karigan comme ça, alors qu'il aurait pu tout aussi bien se taire, à croire que c'était juste pour boucler le chapitre.
Heureusement, ce même professeur Josston vient sauver le tableau, reprenant certes encore un archétype mais le reprenant bien. Le vieux professeur un peu fou est ici une boule multifacettes, bien plus ambigu que Digroy Kirke dans « Narnia », bien plus terre-à-terre que Doc dans « Retour vers le futur », bien moins classable dans les gentils ou les méchants que par exemple Ambrosius dans la nouvelle série des « Mystérieuses Cités d'Or » (ça y est, j'ai dit ces noms, je vais avoir une armée de fans révoltés qui va se dresser contre moi) ; il s'agit d'un personnage réellement original, avec tantôt son côté drôle, tantôt son côté froid, ce qui donne enfin un vrai point positif au bouquin. Et en plus de ça, il faut bien l'avouer, le style, en-dehors des interminables délibérations mentales et de quelques mots soutenus inutiles, n'est jamais difficile à suivre ; certains chapitres sont même réussis en termes d'ambiance, comme « La sorcière a parlé ».
Mais ça n'en finit pas, et on tombe à chaque fin de chapitre sur des faux cliffhangers qui ne font absolument pas avancer l'intrigue, et on voit venir à 500 pages l'ultime révélation finale : les dieux n'existent que si on croit en eux, du coup les citoyens de l'empire meurent sans après-vie alors que ceux de la Sacoridie ont droit à Ouestrion et sa clique, ou les Rois Navigateurs leur propre panthéon… Mais TOUT LE MONDE a déjà exploité ce filon… Fritz Leiber, Neil Gaiman, Terry Pratchett…
Je me suis forcé comme un dingue à avaler tout ça. Alors oui, j'aurais pu continuer, je commençais à me remettre dans le flow, mais au bout d'un moment, je savais que ça finirait par redevenir du masochisme. C'est pourquoi j'ai laissé tomber à la moitié du bouquin. Si ça se trouve, la liste est encore longue, très longue ! Mais la vie est trop courte pour lire des livres assommants, et je suis censé lire le Banquet de Platon en entier pour la rentrée. C'est bon. Une purge à la fois.
Enfin, bref : arrêtez ça, les gars. L'expédition du Voile Noir est partie en live, il manque plus que du liquide noir à Château Argenthyne ou que Karigan découvre qu'elle est le Christ cosmique (parce qu'elle est déjà : prédestinée à être Cavalier Vert, apprentie Arme, Avatar, descendante du bras droit de Mornhavon…). C'est pas ça, Cavalier Vert. Ça, c'est du steampunk bas de gamme alors que Kirsten Britain nous a démontré qu'elle pouvait faire bien mieux que ça. Cavalier Vert, c'est… c'est les longues promenades en cheval, l'odeur de la forêt, les secrets enfouis qu'elle recèle… C'est des personnages profonds et riches qui sont en proie à leurs doutes et à leurs problèmes tout en cherchant à s'unir pour combattre ou parfois non un ennemi commun… Et puis surtout, Cavalier Vert, c'est une confrérie. Une compagnie tombée en disgrâce d'hommes et de femmes liés par la magie, mais aussi par leurs amitiés, leurs sentiments et leurs craintes, des gens à qui il arrive des choses terribles, mais aussi des belles, des coups durs et des coups de grâce. Si on garde que l'un d'entre eux, alors les autres Cavaliers Verts peuvent plus exister. Et l'essence de la série est perdue.
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