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Cabedita (08/04/1994)
5/5   1 notes
Résumé :
Venue de Chypre, dernier bastion des royaumes latins issus des croisades, Anne de Lusignan arriva à Chambéry en février 1434 pour être donnée en mariage au duc Louis, héritier de la Savoie.
Future belle-mère de Louis XI, arrière-grand-mère de François Ier, celle que l'on appela " la princesse du Levant " enflamma rapidement l'imagination des chroniqueurs.
Mariée à un homme doux, ami du loisir et peu apte au commandement, elle exerça une influence... >Voir plus
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Citations et extraits (2) Ajouter une citation
A Nancy, Charles VII était accompagné d'Agnès Sorel, la dame de Beauté. Lorsque le Dauphin arriva, il crut éclater de colère. Sa mère était bafouée en public. Son épouse, Marguerite d'Écosse, se prenait pour une héroïne de vieux roman. Le roi la couvrait de soieries et de fourrures, tandis que lui-même ne possédait pas un réau pour payer ses dettes. La jeune femme recevait chaque soir un cercle de courtisans qui lisaient de la poésie, et tardait tant à rejoindre le lit conjugal que le Dauphin avait terminé ses dévotions minutieuses et dormait quand elle approchait d'un pas menu. Comment s'unir et faire un héritier ? D'autant que la folette, pour conserver sa minceur et se préserver des grossesses, buvait du vinaigre, mangeait des pommes vertes et se laçait aussi étroitement que possible, à en avoir le souffle coupé. Charles VII menait joyeuse vie avec la reine, sa maîtresse, la dauphine, et sa nièce, Marguerite d'Anjou, qui n'avait pas rejoint son époux anglais.
Le Dauphin fut envoyé avec sa mère, Marie d'Anjou, en éclaireur à Châlons y conférer avec la duchesse de Bourgogne des dédommagements pour les ravages des Écorcheurs. Isabelle de Portugal était à présent une femme de quarante-huit ans, impérieuse, habile négociatrice, que son époux chargeait de missions diplomatiques. Mais la duchesse passait de longues heures avec la reine de France, en grand honneur et privauté, à se plaindre de leur époux. On ne savait laquelle de ces dames était la plus cocufiée, le duc Philippe étant l'homme le plus dameret et le plus envoiseux qui soit, nanti d'une belle compagnie de bâtards. Quant à Charles VII, il venait de passer les bornes de la bienséance, élevant une pauvre demoiselle, gentille femme toutefois, à un état comparable à celui des plus grandes princesses. La Surelle, fille d'un homme de robe, était, à bien chercher, noble par sa tourangelle de mère. Elle avait su y faire, la mâtine. Un astrologue lui avait prédit qu'elle serait aimée d'un des plus vaillants rois du monde :
" J'ai bien cru qu'il s'agissait de votre Majesté, mais je vois bien que c'était le roi d'Angleterre, qui vous prend tant de belles villes à la barbe, j'irai donc le trouver ".
Piqué au vif, le roi avait réagi, tandis que Marie d'Anjou pleurait dans le giron de sa mère Yolande d'Aragon. Mal lui en prit, la belle-mère jeta elle-même la Surelle dans les bras de son gendre, afin d'éloigner des favoris qu'elle jugeait néfastes au royaume, Agnès lui paraissant de bon conseil, et elle prescrivit à la reine de fermer les yeux.
" Si ce n'est celle-ci qui entre dans la couche de Charles, ce sera une autre ".
Agnès Sorel lançait la mode en matière d'accoutrements. Ne lui doit-on pas les grands décolletés jusqu'au " Fils ", tel celui qu'elle adopta sur un portrait, poussant l'effronterie juusqu'à mettre un sein à nu ? On jasa. . . :

" Robe ainsiques escoletée
Semble le treu d'une privée ( trou de latrines )
L'en l'on puet bien veoir es sains
L'en i mettroit bien ses deux mains
Ou une miche ".

Ses longues jupes à grande queue fourrée traînaient au sol, elle fut la première à porter des diamants taillés, ce que nous nous empressâmes d'imiter. Nous étions devenues folles d'affiquets, c'était à qui s'arracherait le poil du dessus de la tête avec des pincettes pour dégarnir le front sous le hennin. On s'épilait les sourcils pour n'en laisser qu'un ligne étroite.
" Où est la femme qui nous ose ici protester d'avoir pris le fer, pour se plumer vive et répandre son sang par plaie ? "
Le " Dict des mariages " se moquait aussi de nos coiffures orientales, pointues ou cornues, somme toute extravagantes :

" Or, venons à dames cornues
Chiès de Paris testes tondues
Qui se vont pour offrant à vente
Comme cerf ramu vont par rues
En bourriaus, en fars, en sambues "
( coiffées de bourrelets, fardées, sur leurs selles ).

Jehan de Meung ne nous avait pas épargnées non plus :

" Je ne sais s'on s'appelle
Potences ou corbiaux
Ce qui soutient leur corne,
Que tant tiennent à biaux
Mais bien vous ose dire
Que Saincte Elysabiaux
N'est pas en paradis
Pour porter tiex babiaux ".

Pour conserver le teint lisse, nous nous enduisions front, tempes et joues de pommades à base d'oignons de lis blanc, de miel et de cire fondue. A chacun ses soucis.
Pris entre les confidences des deux princesses, les afféteries de son épouse, le dauphin s'exaspérait. Or la duchesse de Bourgogne savait exactement où elle voulait mener ce jeune homme impatient. Ah oui bien, les Écorcheurs avaient osé ravager ses états. . . Ah ! ils avaient exercé le droit de gîte en vidant les huches à pain, en défonçant les tonneaux de bon vin de ses sujets, brûlé les chaumières des laboureurs, volé au meunier les fers de son moulin, au forgeron ses clous et ses soufflets, passe encore. . . Mais comment justifier jamais les crimes commis contre l'humanité : crucifiements, pendaisons, filles et femmes violées, enlevées, enfants assassinés ? On ne s'était pas privé de faire rôtir l'habitant pour qu'il révèle la cachette de ses maigres trésors.
[ . . . ]
Avant de quitter Châlons-sur-Marne, Charles VII accomplit avec sa bru un pèlerinage de remerciement à Notre-Dame-de-l'Épine. C'était le samedi 7 août. La chaleur était exessive. De retour au château de Sarry, la dauphine toute en sueur ôta son manteau, s'assit en cotte dans une chambre basse et fraîche. Le lendemain elle toussait beaucoup, prise d'une forte fièvre. Le physicien conclut à une inflammation pulmonaire, et l'on transporta la princesse de Sarry à Châlons, dans une salle donnant sur le cloître de la cathédrale. On ordonna de ne point sonner les cloches des églises. Son état empirait rapidement, Marguerite d'Écosse brûlait, obsédée par un fait qu'elle refusait de révéler, disant enfin que l'on avait mal parlé d'elle à tort. Le samedi 14, on espérait mieux la mort que la vie ; les médecins déconfits et impuissants l'abandonnèrent comme elle entrait en agonie. Le dauphin maître de lui ne soufflait mot. Le dimanche 15, Marguerite demamda à se confesser, on la supplia de pardonner à ses ennemis. Au crépuscule, elle murmura :
" Fi donc de la vie, qu'on ne m'en parle plus ", perdit connaissance et expira dans la nuit du 16. Elle avait dix-huit ans. . .
Trépassa la dauphine à Châlons, belle dame et bonne.
A présent, le dauphin pleurait et se lamentait, soupirant :
" Dieu me oste la chose au monde que plus je amoye ".
La cour de France fut plongée dans le deuil de la fillette, et la reine éprouva si noir chagrin qu'elle eut un flux de ventre.
Le cadavre de la princesse fut examiné, les médecins déclarant que sa maladie faisait suite à de trop longues veilles. Peut-on mourir de trop aimer la poésie ? Le corps fut embaumé. Ni le dauphin, ni ses parents n'assistèrent aux funérailles, ayant quittés Châlons dès le 17 août, suivant les exigences des honneurs de la cour. Le cercueil plombé fut déposé dans un caveau à gauche du maître-autel de la cathédrale de Châlons, en attendant d'être transféré, conformément aux voeux de Marguerite, dans l'abbaye augustinienne de Saint-Laon de Thouars, où elle avait fait élever une chapelle du saint-Sépulcre. Sa soeur, Isabelle Stuart, duchesse de Bretagne, la pleura en vers :

" Adieu Dauphin mon très cher sire,
A plourer la dame se print
Pour vous j'avoie la mer passée
...
Adieu duchesse de Bourgoine
La mienne soeur o coeur jolis
si vous pouvez par nulle voye
Mettez la paix en la fleur de lis
. . .
Adieu noble royne de France
Et toutes vos dames aussi
Je vous prie ma très chière dame
Confortez mon loyal mary ".
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Mélusine a crié trois fois.

Moi seule l'ai entendue. Dans la chambre où le jour s'éteint, je ne suis déjà plus de ce monde. Entourée des ténèbres de la mort, j'ai ordonné par testament que ma sépulture soit en l'église des frères mineurs conventuels, dans la chapelle de Notre-Dame-de-Bethléem, que j'y sois ensevelie sous l'habit des soeurs de saint François d'Assise, lui qui loua notre soeur la mort corporelle, que l'on dise moult messes pour le repos de mon âme. Que des torches de cire blanche éclairent par centaines le saint des saints. J'ai légué des offrandes aux couvents des clarisses pour qui j'ai toujours eu une tendresse spéciale.
Louis est assis auprès de moi, sa main étreint la mienne, il ne peut retenir ses larmes. Et pourtant, je meurs de la bonne mort, lavée de mes fautes, j'ai reçu la sainte hostie, et me tiens prête à comparaître devant mon seigneur Dieu.
Un murmure de sanglots et de prières monte vers moi. Les frères récitent les prières des agonisants. Ma chère Louise et ma bonne nourrice Eustace, je ne les aperçois plus que dans un brouillard. Merci de m'avoir accompagnée de mon enfance à mon dernier soupir.
Vierge Marie, ma mère, sainte Anne ma patronne, épargnez-moi les souffrances de l'agonie. Emportez-moi vite auprès de vous dans l'attente du jugement dernier et de la résurrection des morts. L'au-delà m'attend, aussi terrifiant pour une princesse que pour une pauvre femme ignorante.
Adieu, je m'en vais, laissant les méchantes querelles apaisées. Et que m'importe que mon corps retourne à la poussière originelle. Mais pourquoi la mort est-elle aussi cruelle que la vie ?
Les prières se font plus hautes, j'entends les litanies, mais elles ne m'apaisent pas. Je n'ai pas démérité. J'ai rempli mes devoirs de servante de l'Éternel, de mère, d'épouse, de princesse. Mon coeur a toujours été un coeur d'amour épris. Je m'en vais rejoindre mes petits morts en jeunesse et vous laisse : Amédée et Yolant, ils règneront sur la Savoie ; Louis et Charlotte, toujours en butte à la haine de leurs ennemis, mais ils sont courageux, ils vaincront ; Marguerite, qui est auprès de son époux à Montferrat ; Charlotte, ma fille, reine de France ; Jean-Louis, bien peu fait pour être homme d'église, l'évêque de Genève ; Philippe. . . Ah ! Philippe. . . Bonne, Anne, Marie, François, Agnès, tous à Amboise ; Janus, l'insouciant. . .
Un grand vent égaré souffle autour du lac, et les frissons me parcourent. Je tente de prononcer quelques mots, mais Louis m'entend-il ?
" Adieu. . . Je vous ai aimé, Louis, je n'ai jamais eu d'autre volonté que la vôtre. Hélas, tous autour de toi m'ont rejetée, nommée l'étrangère, la Chypriote, moi, Anne de Lusignan, Anne de Chypre, moi qui ai abandonné une mer profonde, mon île. . . Chypre. . . ".
Ce 11 novembre 1462, trépassa Madame Anne de Lusignan, princesse de Chypre, Arménie et Jérusalem, fille de fée, qui fut duchesse en Savoie
Les cloches de la paix sonnaient encore, lorsque se mêla à leur son triomphal le tintement doux et sourd du glas funèbre.

" Certes la duchesse valait bien que l'on fit d'elle grande estime, car elle était fille de roi, une très grande et puissante duchesse, et l'une des plus belles Dames de tout le monde ".
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